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(Carnet des morts), un travail en cours (lundi, 18 août 2008)

100_1561.JPGJe marche dans le froid.
Le long de la rivière, le long du canal.
Parfois, je m’écarte du chemin de halage.
Le soir, je trouve un abri pour dormir.
Parfois, un lavoir, parfois une grange, le plus souvent les branches accueillantes d’un arbre.
Les grands voliers ont fini de remonter, les anatidés nidifient, le ciel se couvre souvent de cuivre tendre.
La nuit, les étoiles sont des ouvertures sur des possibles inconnus, sur des visions du calme infini, sur des rassemblements d’ancêtres. La nuit est ouverte en des millions de points par lesquels on peut passer pour rejoindre ceux qui nous ont précédés, ceux qui nous accompagnent, ceux qui nous suivront.
Hier soir, pour la première fois depuis des mois, j’ai pris un livre & j’ai lu, à la lueur de ma vieille lampe à alcool, jusqu’à m’effondrer de fatigue.
J’ai dormi longtemps. Lorsque je dors ainsi, je n’ai plus besoin de parler, je ne me regarde plus, je n’ai plus besoin de vivre à la surface de moi-même, je n’ai plus besoin de ne pas m’aimer… J’ai les yeux fermés, je ne me déçois plus, je m’échappe, je reviens, je suis seulement un souffle, un souffle léger.


Je suis ignorant de ma vie dans le rêve – ou, au contraire, je sais tout, ce qui revient au même (je ne parviens pas à me décider).
Je puis chevaucher, des journées entières, dans les paysages du Montana sans faire des heures d’avion. Je puis vivre, loin du monde, sur une petite île, au milieu de la rivière, sans avoir ni barque, ni terre & encore moins de maison. Je puis aimer les arbres aux feuilles rouges alors qu’éveillé je ne les supporte pas, je les trouve très laids & même, pour tout dire, un tant soi peu ridicules. Je puis me souvenir, sans nostalgie, du temps où nous étions autre chose. Je puis croire que je ne suis atteint d’aucune maladie, que je ne somatise pas, que mes acouphènes sont la voix des anges, que je puis parler avec Robert Schumann & lui expliquer que ce qu’il entend n’est pas le signe de Dieu, ni celui de la folie.

(travail en cours, extrait du chapitre XII)

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