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Jean-Christophe Bailly, « Le Dépaysement » (dimanche, 12 octobre 2014)

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© Julian Elliot

 

Pour Tristan qui la traverse chaque jour dans les deux sens, cette évocation de la Loire, le jour de son anniversaire.

 

« La Loire, et c’est par là qu’elle est vraiment elle-même, est en effet un fleuve propice aux fantômes et aux effrois, elle a dans sa couleur quelque chose qui emporte le vert au-delà de lui-même, dans une épaisseur huileuse et noire qui, pourtant, s’entrelace à un discours tumultueux de bulles et de tourbillons. Et il suffit qu’au-dessus de cette eau parfois profonde et rapide, parfois sourdement stagnante, le long des îles ou des rives ainsi que dans quantité de zones marécageuses, vestiges d’un cours majeur irrégulier, des traînées de brouillard le matin ou la nuit s’éternisent, pour que quelque chose de fantomal se mette à exister – un peu comme si le fleuve, au lieu de ne faire que passer, s’attardait en rôdeur à la lisière des villes qui le bordent. Le souffie froid de la nature (il n’y a pas à hésiter sur cette formulation) ayant plus d’expression et de volumes lorsque comme c’est le cas à Beaugency, la ville n’occupe qu’une seule de ses rives, mais à Blois voire à Tours, plus en aval, où le fleuve est davantage encadré et les éléments bâtis beaucoup plus nombreux, ce souffle passe encore. Cela tient au caractère discontinu de son allure, mais davantage encore à cet accompagnement végétal dont il ne se prive jamais, sur ses rives ou aux abords des piles des ponts où des esquisses de roselières et de petites arborescences croissent librement sur les fonds sableux. »

 

 Jean-Christophe Bailly

 « Beaugency, Vendôme, Vendôme… »

 in Le Dépaysement. Voyages en France

Seuil, coll. Fiction & Cie, 2011

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