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Joseph Roth, « la Toile d’araignée » (samedi, 27 mai 2017)

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« Alors il se promena dans les rues, s’arrêta devant une vitrine et s’acheta une paire de bottes. Il lui semblait avoir grandi, comme s’il avait sous les pieds un sol nouveau, surélevé.

Vers la fin de l’après-midi, le chant des oiseaux était émouvant et appelait la nuit ; il aborda une fille habillée en blanc. Dans le courant de la soirée, il entra dans un dancing, fut jaloux parce que la fille dansa trois fois de suite avec un monsieur de la table voisine et but un champagne acide. La fille – elle n’était pas de celles-là – réclama un bon hôtel ; Theodor dut louer deux chambres. Il lui fallut la laisser seule pendant un quart d’heure, puis il frappa à sa porte, tendit l’oreille, refrappa et ouvrit. La fille avait disparu.

Il avait plus de chance auprès de ces jeunes femmes sans chapeau, vêtues de chemisiers tout simples et de vestes élimées, qui se contentaient d’une séance de cinéma. Il prenait garde à ce que ces petites diversions ne se transformassent pas en liens d’amitié ; par principe, il ne se rendait jamais à un rendez-vous.

Il était content de lui, et convaincu que sa force de caractère et ses dons personnels lui avaient permis de faire en peu de temps ce quelques progrès.

Il pensait avoir trouvé la seule activité pour laquelle il était fait. Il était fier de son talent pour l’espionnage qu’il qualifiait de “diplomatique”. Son intérêt pour les affaires criminelles grandissait. Il passait des heures entières au cinéma. Il lisait des romans policiers. »

 

Joseph Roth

La Toile d’araignéeDas Spinnennetz, 1923

Traduit de l’allemand par Marie-France Charrasse

Gallimard, 1970, rééd. L’Imaginaire/Gallimard, 2004

 

Joseph Roth est né le 2 septembre 1894 à Brody (Galicie).

Il est mort à Paris le 27 mai 1939.

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