mercredi, 24 février 2021
Thomas Bernhard, « Un enfant »
« Les grands-pères sont les maîtres, les véritables philosophes de tout être humain, ils ouvrent toujours en grand le rideau que les autres ferment continuellement. Nous voyons, quand nous sommes en leur compagnie, ce qui est réellement, non seulement la salle, nous voyons la scène et nous voyons tout, derrière la scène. Depuis des millénaires les grands-pères créent le diable là où sans eux il n’y aurait que le Bon Dieu. Par eux nous avons l’expérience du spectacle entier dans son intégralité, non seulement du misérable reste, le reste mensonger, considéré comme une farce. Les grands-pères placent la tête de leur petit-fils là où il y a au moins quelque chose d’intéressant à voir, bien que ce ne soit pas toujours quelque chose d’élémentaire, et, par cette attention continuelle à l’essentiel qui leur est propre, ils nous affranchissent de la médiocrité désespérante dans laquelle, sans les grands-pères, indubitablement nous mourrions bientôt d’asphyxie. Mon grand-père me sauva du morne abrutissement et de la puanteur désolée de la tragédie de notre monde, dans laquelle des milliards et des milliards sont déjà morts d’asphyxie. Il me tira suffisamment tôt du bourbier universel non sans un processus douloureux de correction, heureusement la tête en premier, puis le reste du corps. Il dirigea mon attention suffisamment tôt mais effectivement il fut le seul à l’avoir dirigée, sur le fait que l’homme a une tête et sur ce que cela signifie. Sur le fait qu’en plus de sa capacité de marcher, la capacité de penser doit commencer aussitôt que possible. »
Thomas Bernhard
Un enfant
Traduit de l’allemand par Albert Kohn
Gallimard, 1984 (première édition allemande, 1982)
pour le 24 février 1890
14:03 Publié dans Anniversaires, Écrivains, Édition, Livre | Lien permanent | Tags : thomas bernhard, un enfant, grand-père, 24 février 1890, gallimard
dimanche, 08 novembre 2020
Lu Guimeng & Pascal Quignard
Quand le temps ne permet pas, un chinois & une photographie à la rescousse.
Deux poèmes de Lu Guimeng, dans la si belle Anthologie de la poésie chinoise publiée,sous la direction de Rémi Mathieu, à La Pléiade, en 2015. Ici, en bonus, un envoi vers un petit traité de Pascal Quignard – comme on peut le lire sur ma note au crayon –, ”Petit traité X”, Vie de Lu, qui se termine ainsi – ce qui n'est pas rien pour les lecteurs de ce travail à nul autre pareil – : ”Les poissons et les berges, les théiers, les reflets et les eaux regrettèrent sa barque silencieuse.” Bonne lecture.
Les Petits traités de Pascal Quignard, initialement publiés partiellement aux éditions Clivages (entre 1981 et 1984), furent publiés magnifiquement dans leur intégralité à la Galerie Maeght en 1990, et repris depuis en Folio.
20:10 Publié dans Chine, Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : lu guimeng, pascal quignard, anthologie de la poésie chinoise, petits traités, barque silencieuse, gallimard, clivages, maeght, flio
lundi, 01 juin 2020
Claude Esteban, « Le partage des mots »
« Je crois que je ne pus retenir mes larmes lorsque je parvins à dire tout haut : “Il fait jour.” Je comprenais soudain que c’était là le seul poème que j’eusse composé vraiment, que tous les autres n’avaient été qu’une animation factice du discours, qu’il fallait mériter les mots pour qu’ils reviennent, et qu’on ne les méritait qu’en mourant à soi. Ce n’étaient que trois mots, les plus banals de la langue, mais ils disaient hors de toute catégorie esthétique, ce que je n’avais pas su exprimer avec des richesses empruntées à d’autres. Ils étaient devant moi, derechef vivant, reconnaissant, disant le monde. Le langage de la poésie ne constituait pas un univers de signes différent de celui dont usaient les autres hommes. Il était à la fois le même et il se distinguait de celui-ci par une qualité charnelle qu’il était seul à détenir – et cette chair c’était la substance même du poète, devenue parole et promesse de vérité. […]
La poésie ne se souciait pas de significations établies, codifiées par l’usage, dont les mots représenteraient en quelque sorte la caution. Elle était seule à conférer aux signes verbaux une charge signifiante qui échappait aux catégories, qui faisait de ces mots, quels qu’ils soient, les porteurs d’un sens qui les dépassait sans les détruire. Elle n’avait nul besoin, pour cela, d’une langue plus riche que telle autre. Elle prenait ses matériaux où bon lui semblait. Et l’on pouvait imaginer, tout aussi bien, un poète qui n’aurait disposé que d’un idiome particulièrement démuni, réduit aux signes les plus élémentaires, et dont il se serait cependant emparé pour faire surgir un chant aussi fastueux que l’Iliade. Puisque les trois mots que j’avais sauvés du néant, et sur lesquels je recommençais à bâtir, m’avaient été donnés en français, c’est en français que d’autres viendraient leur apporter un soutien. Eussent-ils été prononcés en espagnol – mais pourquoi ne l’avaient-ils pas été ? – que j’aurais, tout pareillement, répondu à leur appel en cette langue. Je n’avais pas à choisir. Toutes les langues se valent, mais la poésie, plus encore que le lieu où s’est inscrit un destin, décide de celle qui sera la nôtre. Il peut se faire que ce soit la langue que nous considérions comme seconde. Mais ce partage ne dépend pas de nous. Seul le bilingue, par une étrange tentation de l’esprit, croit qu’il peut aller d’un idiome à l’autre à sa guise. Mais il ne vit qu’à la surface de lui-même. Il s’épuise dans la relation : il est en perpétuelle errance, tout persuadé qu’il se veuille de ses pouvoirs d’ubiquité.
Après plus de vingt ans d’exil, j’avais enfin trouvé une terre, une langue. Certes, elles ne m’avaient accordées que trois mots. Mais c’était le présent le plus magnifique que j’eusse reçu jamais. Car au-delà de ces trois mots s’ouvrait un horizon immense. Je ne faisais que l’entrevoir ; j’avais toute une vie pour essayer de le rejoindre. »
Claude Esteban
Le partage des mots
Coll. L’un et l’autre, Gallimard, 1990
15:48 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre, Poésie | Lien permanent | Tags : claude esteban, le partage des mots, l'un et l'autre, gallimard, j.-b.pontalis, langue, exil, il fait jour, poésie
dimanche, 31 mai 2020
Claude Esteban, « Au matin »
© : cchambard
« je suis debout j’avance et le sol me répond
j’ai devant moi l’espace immense
je vois que tout est neuf je recommence
à mettre un signe sur chaque chose comme autrefois
je trébuchais contre un caillou je m’émerveille
qu’il soit si dur et si durable dans le temps
je ne crains plus la violence du vent
je ne crains plus qu’une fleur se fane
ai-je douté du monde ai-je pleuré
je ne reconnais plus les blessures anciennes
ni la douleur présente à chaque pas
je suis debout les astres m’accompagnent
une chenille est là qui me guide sur le chemin
je sens l’odeur des roses sur mes mains
*
c’est une enfant qui danse dans un jardin
l’été quand la chaleur se glisse entre les branches
ses bras sont si menus sa robe de dentelle est blanche
on dirait que le jasmin se penche pour l’embrasser
c’est le soir dans une île toute ronde
on en fait le tour sans presque y penser
les jours se ressemblent et l’on peut aimer
simplement ce bonheur facile de vivre ensemble
c’est une île obscure où personne ne retourne jamais
la mort qui passait l’a frôlée de l’aile
la courbe du soleil s’est brisée contre un mur
maintenant la mer est toujours la même
l’enfant lève un bras qui ne frémit plus
et sa robe est aussi légère qu’un nuage »
Claude Esteban
« Au matin »
in La mort à distance
Gallimard, 2007
16:19 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre, Poésie | Lien permanent | Tags : claude esteban, au matin, la mort à distance, gallimard, jasmin, enfant, danse, jardin, île, nuage, vivre ensemble
jeudi, 28 mai 2020
Claude Esteban, 5 pages de « Sur la dernière lande »
DR
« Ce sera le soir, la même heure
du soir, les colombes
commenceront à se poser sur les branches,
quelqu’un dira, comme
l’herbe est haute, allons nous asseoir,
racontons-nous
pour passer le temps une histoire un peu folle,
celle d’un roi
qui croyait tout savoir et qui perdit
tout, quelqu’un
dira, c’en est fini des fables
tristes, oublions-les,
comme le soleil se couche lentement.
*
Tout sera fini, nous regarderons
un petit arbre rose
et les pétales tomberont sur nous
doucement, il y aura
du soleil et sans doute au loin la forme
vague d’un nuage
comme pour dire que les choses
ne pèsent plus et ce sera
comme si le malheur était une histoire
vieille,
si vieille que personne ne se souvient.
*
La nuit ne reviendra plus, on pourra
marcher, toi et moi,
loin des routes, chanter, dire merci
à chaque feuille, on était
si nus, si tremblants, qui nous reconnaîtra
dans nos vêtements de lumière
qui voudra dire, ceux-là
sont morts, ils avaient souffert trop longtemps
car nous serons debout
parmi tous ceux qui tombent, nous
qui n’avions plus rien, nous donnerons tout.
*
Ah la feuille, la feuille du saule
qui ne guérit pas, qui console
tu vas par les ombres grises,
le soleil n’est plus ton ami
si tu te perds à midi,
suis le chemin des chenilles
ah la feuille, la feuille du lierre
qui s’attache et qui persévère.
*
Et peut-être que tout était écrit dans le livre
mais le livre s’est perdu
ou quelqu’un l’a jeté dans les ronces
sans le lire
n’importe, ce qui fut écrit
demeure, même
obscur, un autre qui n’a pas vécu
tout cela
et sans connaître la langue du livre, comprendra
chaque mot
et quand il aura lu, quelque chose
de nous se lèvera
un souffle, une sorte de sourire entre les pierres. »
Claude Esteban
Sur la dernière lande
Fourbis, 1996
repris in Morceaux de ciel, presque rien, Gallimard, 2001
15:55 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre, Poésie | Lien permanent | Tags : claude esteban, sur la dernière lande, fourbis, gallimard
mercredi, 20 mai 2020
Salah Stétié, « Cinq poèmes de “Inversion de l’arbre et du silence” »
DR
« Dans le cercle du cercle
Est le cercle, est le contenu du cercle
Endormi dans l’oiseau
Au bois très frais de la pluie effrayée
Contenu dans le contenu du doute
: Oiseau de pluie sorti
Le goudronneux l’oiseau
Enfermé dans le doute
Fils du deuil il rompt les fagots de pluie
*
Dans l’immortalité de ce mourir
Avec le bois renoncé de la forêt
Et la fillette et la violette et la craie
La brume ensemencée étant brume
Le soudain corps – brisé sa lampe : larme
Ô recueillie et prise aux cils errants
Le corps ayant brisé sa lampe
Une fillette a recueilli ce peu
De rien au désordre du verre
*
Quelle eau très pure
près des larmes ?
Et qui retient l’éplorée d’une brume
Son bois tremblé
Luttant de ruse avec le rossignol
*
Le livre, le rompu, l’indécidé
En absolu théâtre
Et la poupée de son cri s’est éloignée
Voilée de vin, voilée de pauvre blé
Aux fins du pain inexpliqué, aux fins
, Livre enterré, du blé qui sera blé
Livre enterré dans la terre du livre
Comme poupée séparée de son cri
À l’aube, au tranchant vieilli des charrues
*
L’herbe qui bruit, enfance
Avant mourir, source lavée
Par l’herbe uniquement, tenant
Un peu de neige au feu de la poitrine
La terre aussi : image
Atteinte à la pointe arquée de libellule
Avant la mort, centre
Au centre de cela inapparue
Puis parue Oh ! ô blé de transparence
Par le cristal du centre
Du centre de cela formé de neige
Au point du centre de cela (…) dans le souffle »
Salah Stétié
Inversion de l’arbre et du silence
Gallimard, 1980
15:38 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre, Poésie | Lien permanent | Tags : salah stétié, inversion de l'arbre et du silence, gallimard
mardi, 19 mai 2020
Claude Esteban, « Deux poèmes de “Fayoum” »
« Mes yeux
sont grands ouverts pour toujours
et pourtant j’étais borgne et tous ceux
qui maintenant me plaignent
se moquaient de moi, on criait, vite
vite, il arrive celui qui n’a qu’un œil
cachez-vous car il jette
le mauvais sort, les filles n’auront jamais
d’amour s’il les regarde et moi
je leur lançais des pierres
et le dedans de mon cœur
devenait chaque fois plus dur et c’est vrai
qu’ils ont peint deux yeux
sur la tablette de cire et que je souris.
* * *
Aimes-tu mes cheveux, mes cils, ma
fourrure, je veux
que tu délires, mon cher amour,
lorsque tu me touches, c’est jour de fête
puisque ton pénis
est grand et qu’il me traverse
je veux
cette sueur encore entre nous comme
un ruisseau de tendresse et qu’il y ait
quand tout s’achève
ce cri, ce repos, ce
cri
où suis-je, mon cher amour, où sont-ils
les chemins pour te rejoindre
dis-moi que tout mon corps
ne va pas mourir
maintenant que les fourmis approchent. »
Claude Esteban
Fayoum
Farrago, 31 décembre 1999 à 199 exemplaires, réservés aux amis de l’auteur & de l’éditeur, tous hors-commerce et numérotés, pour saluer l’an 2000
repris dans Morceaux de ciel, presque rien, Gallimard, 2001
17:43 Publié dans Arts, Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre, Poésie | Lien permanent | Tags : claude esteban, fayoum, farrago, morceaux de ciel, presque rien, gallimard
jeudi, 07 mai 2020
Durs Grünbein, « Deux poèmes »
DR
« Un mouvement
Ce petit coup de vent éphémère, tourbillon aérien
infinitésimal, quand un
moineau effrayé s’envola sous
mon nez, déjà il était
hors de vue, et une des
feuilles les plus légères le suivit déchiquetée dans
son sillage. (1988)
D’un livre des faiblesses
Un gigantesque agenda, cette vie –
Si différente de ce qu’on attendait, et pourtant telle.
Nous nous voyons, en fermant les yeux,
Dans un ascenceur qui passe par les années comme par des étages.
Souvent, quelqu’un descend en route, court dans le couloir
À la rencontre de lui-même, son propre double.
On trébuche une moitié du chemin, on frappe à la mauvaise porte
Parce qu’un cœur est dessiné dessus. Et alors –
S’affaisser d’épuisement fait tellement de bien.
Chaque jour à présent un pétale tombe
Du bouquet de fleurs délirant qui, hier, manquait
De faire exploser le vase par sa splendeur.
Hortensias bleus, anémones sauvages, tulipes noires –
Tout ça à l’air d’une improvisation libre :
Études pour un piano d’enfant – vers inconsistant.
Et cette inconsistance veut dire : nous mourons
Imperceptiblement ; et soudain nous prenons plaisir
À vivre comme si nous étions immortels,
Alors que l’écriture nous endigue et que le moindre
Mot est crucial. Alors vas-y,
Écris un livre sur tes faiblesses quotidiennes. (2017) »
Durs Grünbein
Presque un chant
suivi de « Notes sur moi-même » par l’auteur
Traduits de l’allemand et présenté par Jean-Yves Masson & Fedora Wesseler
Coll. Du monde entier, Gallimard, 2019
16:43 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : durs grünbein, deux poèmes, presque un chant, jean-yves masson, fedora wesseler, du monde entier, gallimard
vendredi, 24 avril 2020
Jean Ristat, « Le Parlement d’amour »
DR
« J’aurai vieilli avant l’âge dans le regard
Des jeunes gens comme un miroir éteint l’ardeur
N’y fait rien quand les loups rôdent par les chemins
Sautent de rochers en rochers ou bien se terrent
Dans les cavernes immobiles l’œil mauvais la
Bouche pour mordre lorsque passe un enfant pâle
Et solitaire je poursuis ma route sans
Savoir où la nuit m’emporte j’attends le dé
Nouement à qui parler quelle épaule où crier
Je n’entends que le vent dans les pins sa chanson
Triste et monotone comme un air démodé
Demain peut-être il fera jour demain peut-être
Nous ne mourrons pas nous oublierons le malheur
Il y aura dans les verres un vin d’italie
Des palmes pour l’amour et dans la tête des
Cloches comme à pâques la volée bourdonne
Pour croire encore au printemps nous n’aurons plus peur »
Jean Ristat
Le Parlement d’amour
Gallimard,1993
16:21 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : jean ristat, le parlement d'amour, gallimard
samedi, 18 avril 2020
Giuseppe Ungaretti, « Trois poèmes de “Dialogue” »
DR
« Don
Dors à présent, cœur inquiet,
Dors à présent, va, dors.
Dors, l’hiver
T’a envahi, menace,
Crie : “Je te tuerai,
Tu n’auras plus sommeil.”
Ma bouche, dis-tu, donne
Paix à ton cœur,
Dors, dors en paix,
Écoute, va, ton amoureuse
Pour triompher de la mort, cœur inquiet.
Tu as vu dans mes yeux
Tu prêtes à l’horrible solitude
Pouvoir de courir au Jardin,
Généreux amour.
Tu as vu dans mes yeux s’éteindre
L’amassement de tant de souvenirs
Chaque jour plus féroces,
Et un seul souvenir
Prendre forme soudain.
Ton âme l’a enfermé dans mon cœur
Et je suis né de nouveau.
À l’épouvante de la solitude
Tu offres le miracle de ces libres jours.
Guéris-moi de l’âge, donatrice enfant.
L’éclair de la bouche
Des milliers d’hommes avant moi,
Même plus que moi chargés d’âge,
Mortellement furent blessés
Par l’éclair d’une bouche.
Ce n’est pas une raison
Qui apaise la douleur.
Mais qu’avec compassion tu me regardes
Et parles, un chant commence,
J’oublie que la blessure brûle. »
1966-1968, Traduction : Philippe Jaccottet
Giuseppe Ungaretti
Vie d’un homme – Poésie 1914-1970
Traduit de l’italien par Philippe Jaccottet, Pierre Jean Jouve, Jean Lescure, André Pieyre de Mandiargues, Francis Ponge et Armand Robin
Préface de Philippe Jaccotet,
Éditions de Minuit/Gallimard, 1973
14:34 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : giuseppe ungaretti, dialogue, don, tu as vu dans mes yeux, l'éclair de ta bouche, vie d'un homme, philippe jaccottet, minuit, gallimard
dimanche, 12 avril 2020
Ariel Spiegler, « Tu es chaud et parfumé »
DR
« Tu es chaud et parfumé ;
tu dors dans tes rêves.
Tu es magnifique, mon grand ami.
Tu as fait de ma vie un jardin,
de mon réveil une valise
pour des vacances au bord de l’Océan.
Tu as bien voulu attendre à la porte
et apprendre le morse
pour que je te comprenne.
Bientôt tu reviendras, tu sonneras,
je t’ouvrirai, je te verrai
je te toucherai, je te retiendrai,
je t’exaspérerai de caresses
et il y aura moins de petits poissons dans la mer,
comme chantait cet homme étrange
à la voix pleine de terre,
que de petits baisers sur ta bouche.
Et je t’emmènerai au pays où je suis née
pour que tu y manges du maïs et des mangues.
Je te montrerai ces drôles de perroquets verts
qui se balancent amoureux,
tous les soirs dans les branches. »
Ariel Spiegler
Jardinier
Gallimard, 2019
16:18 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : ariel spiegler, tu es chaud et parfumé, jardinier, gallimard
jeudi, 09 avril 2020
Emily Jane Brontë, « Il devrait n’être point de désespoir pour toi »
« Il devrait n’être point de désespoir pour toi
Tant que brûlent la nuit les étoiles,
Tant que le soir répand sa rosée silencieuse,
Que le soleil dore le matin.
Il devrait n’être point de désespoir, même si les larmes
Ruissellent comme une rivière :
Les plus chères de tes années ne sont-elles pas
Autour de ton cœur à jamais ?
Ceux-ci pleurent, tu pleures, il doit en être ainsi ;
Les vents soupirent comme tu soupires,
Et l’Hiver en flocons déverse son chagrin
Là où gisent les feuilles d’automne.
Pourtant elles revivent, et de leur sort ton sort
Ne saurait être séparé :
Poursuis donc ton voyage, sinon ravi de joie,
Du moins jamais le cœur brisé. »
Novembre 1839
Emily Jane Brontë
Poèmes
Choisis et traduits d’après la leçon des manuscrits par Pierre Leyris
Gallimard, 1963
17:04 Publié dans Écrivains, Édition, Je déballe ma bibliothèque, Livre | Lien permanent | Tags : emily jane brontë, il devrait n'être point de désespoir pour toi, poèmes, pierre leyris, gallimard