samedi, 17 février 2018
Idea Vilariño, « Ultime anthologie »
DR
« La nuit
La nuit ce n’était pas le rêve
c’était sa bouche
c’était son beau corps dépouillé
de ses gestes inutiles
c’était son visage pâle me regardant dans l’ombre.
La nuit c’était sa bouche
sa force et sa passion
c’était ses yeux graves
ces pierres d’ombre
qui roulaient dans mes yeux
c’était son amour en moi
une invasion si lente
si mystérieuse
* * *
Tu sais
Tu sais
tu as dit
jamais
jamais je n’ai été heureux comme cette nuit.
Jamais. Et tu me l’as dit
à l’instant même
où je décidais moi de ne pas te dire
tu sais
je me trompe sûrement
mais je crois
mais il me semble que c’est
la plus belle nuit de ma vie.
* * *
Chanson
Je voudrais mourir
tout de suite
d’amour
pour que tu saches
comment et combien je t’aimais.
Je voudrais mourir
je voudrais
d’amour
pour que tu saches. »
Idea Vilariño
Ultime anthologie
bilingue
Traduiction de l’espagnol (Uruguay) et postface par Éric Sarner
Avant propos / Mots pour Ultime anthologie par Olivier Gallon
La Barque, 2017
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jeudi, 25 janvier 2018
Niki Giannari, « Des spectres hantent l’Europe », Georges Didi-Huberman, « Passer, quoi qu’il en coûte »
photogramme du film de Maria Kourkouta & Niki Giannari
Des spectres hantent l'Europe
https://www.youtube.com/watch?v=VReuK17ouDM
« Tu avais raison.
Les hommes vont oublier ces trains-ci
comme ces trains-là.
Mais la cendre
Se souvient. »
& & &
« On ne témoigne jamais pour soi. On témoigne pour autrui. Le témoignage vient d’une expérience bouleversante, souvent ressentie comme indicible et dont le témoin, depuis la position qu’il occupait (position d’actant, de souffrant ou de regardant) doit faire foi aux yeux d’autrui, aux yeux du monde entier. Il donne alors forme à ce qu’il doit — d’une dette éthique — comme à ce qu’il voit. Le témoin fait foi, doit, voit et donne : depuis une expérience qu’il a vécue, quel que soit le mode de cette implication, vers toutes les directions de l’autrui. Il donne sa voix et son regard pour autrui. L’autrui du témoin ? C’est, d’abord, celui qui n’a pas eu le temps ou la possibilité de signifier son geste ou sa douleur : c’est le réfugié d’Idomeni quand il demeure muet, occupé aux tâches de l’immédiate subsistance. C’est ensuite, celui qui n’a pas le temps ou le courage d’écouter cet acte ou cette souffrance : c’est le nanti de la grande ville quand il demeure indifférent, occupé aux tâches de sa vie confortable. Le témoignage se tient donc “entre deux autruis”, il est en tous cas un geste de messager, de passeur, un geste pour autrui et pour que passe quelque chose. »
Niki Giannari
Des spectres hantent l’Europe
traduit du grec par Maria Kourkouta
suivi de Georges Didi-Huberman
Passer, quoi qu’il en coûte
Minuit, 2017
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dimanche, 01 octobre 2017
Guillaume Decourt, « Le cargo de Rébétika »
DR
« VI
Grupetta est bien jolie.
Elle est bien gentille mais n’entend que peu
ce que mon intérieur demande, un couscous
ou bien son fameux bœuf bourguignon qui me comble
tant et tant.
Je n’ai droit qu’à du réchauffé :
tambouille qu’elle prépare au retour de la chasse aux huîtres.
X
C’est peu dire qu’à l’Hôtel de l’Existence nous jouîmes,
elle criait si fort qu’au matin les hommes
de chambre tenaient leurs yeux baissés.
Et le petit déjeuner ! Par les meurtrières on apercevait les mouettes
en croquant nos tartines. Je puis dire
que cela ressemblait au bonheur comme
deux gouttes d’eau.
XVI
Une olive entre deux seins semblait
une tache de vin,
elle avait aussi un grain de beauté sous l’aisselle
droite, ses amants anciens, austères, n’en firent point leur miel,
Grupetta.
XXIV
Je connus Rébétika par le biais de l’acupuncteur. Elle louait mansarde
dans son arrière-cour et flânait à heure fixe autour de
la Fontaine aux Affins. Plus que son tape-cul
ce fut son sourire dilapidé qui
me fit percer le judas. Dure d’oreille et la salive propre comme
atout premier. Elle ne fut pas insensible à mes
bégaiements de soutier.
Nous signâmes pour une barcarolle bien déterminée.
XL
Grupetta, Rébétika.
J’ai pêché à la senne des petits poissons de remembrance
dont on peut manger la tête et la queue
sans frémir.
Grupetta, Rébétika. »
Guillaume Decourt
Le cargo de Rébétika
Lanskine, 2017
19:18 Publié dans Blog, Écrivains | Lien permanent
vendredi, 25 août 2017
Robert Pinget, « Théo ou le temps neuf »
DR
« L’enfant dit tonton pourquoi il faut mourir ?
Le vieux répond ce sont les autres qui nous font mourir.
Pourquoi tonton ?
Parce qu’ils ne nous aiment plus.
Alors moi je t’aime alors tu mouriras plus.
Le vieux se rendort. L’enfant continue sa lecture.
Le merle est présent ou quelqu’un de sa descendance.
Siffle trois notes.
La forêt lointaine, le blé qui lève, les pruniers en fleurs, tout est dans l’ordre.
Des mots trop vite dits. La plume se rebiffe.
Mais le vieux s’en moque. Il dit va falloir une grande lecture pour assurer tout ça.
Qu’est-ce que c’est une grande lecture tonton ?
Celle qui ne tient compte ni de l’heure ni des saisons ni de rien que d’elle-même.
Elle est égoïste tonton.
Non, elle est libre.
Le scribouillard est pris de fou rire.
De son lit il tâtonne vers la table de chevet et reprend sa plume.
Il écrit passons à des souvenirs qui ne m’appartiennent plus. Où les trouver. Dans cette liasse de papiers là-bas, couverts d’une écriture inconnue.
Que mon désarroi soit ma force.
Répéter soit ma force.
Dans tes histoires des fois tonton on voit un vieux bonhomme qui monte dans les collines grises qui c’est ?
Je ne sais pas. Il ne m’a rien dit. Je le vois toujours de dos, jamais sa figure, il s’éloigne, il marche lentement, il n’arrivera jamais nulle part puisque je le revois chaque fois au même endroit en train de s’éloigner.
Mais tu le vois où ?
Dans ma tête.
Mais où c’est les collines grises dans ta tête aussi ?
Non, dans un pays de soleil, je les connais, je les aime.
Mais ton bonhomme il est triste on a pas envie de le rencontrer pourquoi tu l’écris ?
Parce qu’il m’oblige à l’écrire.
Alors il te parle ?
Non. Mais je sais qu’il doit être dans mon livre.
Comment tu le sais ?
Qu’est-ce que tu dis tonton ?
Des choses pour les enfants, mon ange. Tu es écrit là tu vois sur mon carnet. Jamais personne ne pourra dire que je n’ai pas dit la vérité. »
Robert Pinget
Théo ou le temps neuf
Minuit, 1991
Robert Pinget, né le 19 juillet 1919 à Genève est mort le 25 août 1997 à Tours. Il vivait depuis 1964 à Luzillé, en Touraine.
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jeudi, 22 juin 2017
Joseph Guglielmi, « Le mouvement de la mort »
Sans titre, 1977 © Thérèse Bonnelalbay, Galerie Christian Berst
« clandestin de cette nuit
je n’habite nulle part,
la source de vent tarie
du sang triste un temps de pluie
Deux oiseaux sur une lune.
Un chien mâche la prairie
Un poème sur le mur
avec le mur immobile.
Qui lira les mots minutes
Carré le fleuve soleil
et la mer dans la vitrine ?
le corps creuse dans la mort
comme une statue de sel
pliée sa gorge de sel
Lune rouge bisaëule
ointe pour le sacrifice,
Vermine du faux garden
ou du livre de raison.
Ici que le néant ronge
souvenir d’un corps vivant.
Te roule un puissant dictame,
quelque souvenir de noces
cette éclipse somptuaire !
La toute fillette impure
avec jambes de gazelle
Montagnes aromatiques
en miracle du mois doux.
Compter ces podes antiques
Samedi un feuillet neuf.
Au square le dieu muet
silencieux comme une flûte.
Les chiures des maisons
et poussières de murmures.
Que c’est toujours samedi,
un vol éclair d’hirondelles
sur la pensée régulière.
Puis on oublie désespoir
(entre le vrai et le faux)
la détente de la mort.
Au doigt ce mamour tremblant. »
Joseph Guglielmi
Le mouvement de la mort
P.O.L, 1988
Joseph Gulielmi, né à Marseille en 1929, vient de disparaître.
Le dessin est de Thérèse Bonnelalbay, qui fut son épouse de 1959 à sa mort – dans la Seine – le 16 février 1980.
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mardi, 20 juin 2017
Caroline Sagot Duvauroux, « Un bout du pré »
DR
« L’arbre
Les livres se présentent et la mémoire y laboure à sa guise, tout s’actualise de sorte que le livre nait au moment de l’histoire où il n’était pas encore lu. Lire c’est revenir sur la terre mais on ignore où vous débarque la mémoire (cet engin) tout près d’aujourd’hui parfois dans le grand hier. Toutes les plantes ne sont pas annuelles ni vivaces ; celle qui sort là que je n’avais jamais vue, élaborait ses sèves, derrière déjà ; c’est là que j’alunis. D’où venais-je ? je l’ignore, j’emporte d’où je viens au promenoir de ce qui vient. »
Caroline Sagot Duvauroux
Un bout du pré
Éditions Corti, 2017
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mardi, 13 juin 2017
Fernando Pessoa, « Le livre de l’intranquillité »
DR
« Depuis cette terrasse de café, je contemple la vie en frémissant. J’en vois bien peu — elle, cette éparpillée — concentrée ici sur cette place nette et bien à moi. Un marasme, semblable à un début de saoulerie, m’élucide l’âme sur bien des choses. En dehors de moi, j’entends s’écouler, dans les pas des passants, la vie évidente et unanime.
En cette heure-ci, mes sens se sont figés et tout me paraît différent — mes sensations sont une erreur, confuse et lucide tout à la fois, je bats des ailes mais sans bouger, tel un condor imaginaire.
Pour l’homme vivant d’idéal que je suis, qui sait si ma plus vive aspiration n’est pas réellement de rester simplement ici, assis à cette table, à cette terrasse de café ?
Tout est aussi vain que de remuer des cendres, aussi vague que l’heure où ce n’est pas encore le point du jour.
Et la lumière jaillit, se pose si sereinement, si parfaitement sur les choses, elle les dore d’une telle réalité, souriante et triste ! Tout le mystère du monde descend jusqu’à mon regard, pour se sculpter en banalité, en spectacle de la rue.
Ah ! comme le quotidien frôle le mystère, si près de nous ! Montant à la surface, touchée par la lumière, de cette vie complexe et humaine, comme l’Heure au sourire indécis monte aux lèvres du Mystère ! Comme tout cela vous a un air moderne ! Et, au fond, que tout cela est ancien, est occulte, et tout imprégné d’un autre sens que celui qu’on entrevoit luire en toute chose ! »
Fernando Pessoa – Bernardo Soares
Le livre de l’intranquillité, volume II
Traduit du portugais par Françoise Laye
Présenté par Robert Bréchon
Christian Bourgois, 1992
Fernando Pessoa est né le 13 juin 1888 à Lisbonne.
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samedi, 10 juin 2017
Karine Marcelle Arneodo, « L’Entre-terre »
© : Paolo Panzera
« La chambre avait deux fenêtres qui se touchaient dans l’encoignure. Je le retrouvais tel qu’il se présenta au sortir de la forêt, le regard effaré, il portait sur la tête un chapeau de feutre jaune tout esquinté. Je compris qu’il avait plu le temps de son voyage et rapprochai les distances, mais n’eus pas le courage de demander, d’où il venait, tant sa fébrilité me faisait peur.
Je ne sais qui de nous deux parla d’abord. Il me souvient qu’il se trouvait dans ce discours des bribes d’histoires vécues sans trop de chance. De son corps s’affaissant dans des vêtements de sable émanaient des relents d’ammoniaque qui tuaient la passion d’être en vie. Il parlait de son sexe et disait qu’il fallait que je suce. Je pressentais qu’une douleur inavouable se cherchait un terroir.
Parce qu’on voulait ouvrir la porte et dérober le grain, j’allais dans l’encoignure des fenêtres renforcer la digue. Quand je me retournais, il était allongé sur le lit au milieu des essences et de la verdure avec ses cheveux noirs tout raides à ses côtés. Il était nu, et sur sa peau des tatouages amérindiens figuraient la voûte étoilée du ciel. Mes yeux se posèrent naturellement sur la chose, et c’est alors que je vis, en place de son sexe, une inoffensive fente imberbe. »
Karine Marcelle Arneodo
L’Entre-terre suivi de Le moins possible ou le suffisamment
Postface Olivier Gallon
La Barque, 2017
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dimanche, 26 février 2017
Annie Ernaux, « Mémoire de fille »
DR
« J’ai rêvé cette nuit d’un grand autocar transportant des écrivains, beaucoup. Il s’est arrêté dans une rue, c’était devant l’épicerie de mes parents. Je suis descendue parce que c’était “chez moi”. J’avais la clé. Un instant j’ai craint qu’elle ne puisse ouvrir la porte. Je savais qu’il n’y avait plus personne à l’intérieur. Les volets en bois de la devanture et de la porte étaient mis. La clé a tourné dans la serrure à mon grand soulagement. Je suis entrée. Tout était comme dans mon souvenir, dans la demi-pénombre des dimanches après-midi, avec comme seule source de lumière la seconde devanture donnant sur la cour, obscurcie en été par une tenture de toile bariolée. Au réveil, j’ai pensé que seul l’être, ou le moi, présent dans ce rêve, était à même d’écrire la suite et qu’écrire la suite serait se situer dans ce défi au bon sens, cette impossibilité là.
Mais à quoi bon écrire si ce n’est pour désenfouir des choses, même une seule, irréductible à des explications de toutes sortes, psychologiques, sociologiques, une chose qui ne soit pas le résultat d’une idée préconçue ni d’une démonstration, mais du récit, une chose sortant des replis étalés du récit et qui puisse aider à comprendre – à supporter – ce qui arrive et ce qu’on fait. »
Annie Ernaux
Mémoire de fille
Gallimard, 2016
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samedi, 26 novembre 2016
Pour maman
© : cchambard
« On entre seul chez ceux qui furent.
Aucun cortège n’entre avec celui qui est mort dans le monde des morts qui n’est pas un monde
et la lamentation funèbre qui le pleure n’est même plus un bruit pour ses oreilles.
Celui-là qui jadis partit était aussi seul à quitter la lumière que celui qui déjà s’apprête à s’en aller, suffoquant à mourir dans le jour qu’il découvre.
Il faut dire de la mort : port terrible où on s’embarque seul
sur ce qui sombre
pour ce qui sombre. »
Pascal Quignard
« Sur la solitude »
in Sur l’idée d’une communauté de solitaires
Arléa, 2015
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lundi, 31 octobre 2016
Maurice Darmon, « La forêt des dames, le cinéma de Marguerite Duras 1964-1972 »
DR
« […] que cherche précisément Marguerite Duras du côté du cinéma ? Qu’en attend-elle en 1969 ? Que quitte-t-elle avec son dernier film, Les enfants, en 1985 ?
Déjà, ses premières clés :
J’avais fait un livre très rapidement ; c’est à dire qu’après avoir pensé à ce livre pendant un an, j’ai fait le livre en une semaine, dans des conditions mentales très difficiles, c’est-à-dire que c’est un livre qui m’a beaucoup angoissée et je ne le connaissais que très peu. J’ai eu envie de connaître mieux ce livre, donc de le voir et de l’entendre.*
Marguerite Duras n’est certainement pas la seule à mal connaître son propre roman. L’avalanche de dialogues et de tirets et sa petite musique emportent le lecteur dans une sorte d’indifférence à ce qui se passe et à qui parle pour se laisser faire par ce qui se dit. Mais comme son auteur, le lecteur éprouve bientôt la nécessité de “connaître” ce livre, qui, dès l’ouverture, livre ses marques originelles, celles d’un scénario :
Temps couvert.
Les baies sont fermées.
Du côté de la salle à manger où il se trouve, on ne peut pas voir le parc.**
L’auteur et son lecteur savent qu’en réalité un film impose là sa dictée. Elle ne connaissait pas son livre, elle naissait plutôt de lui, et la nécessité d’une figuration concrète, “de le voir et de l’entendre” s’imposait. Avec la force de ce qu’elle nomme “l’envie”. Tourner un film, c’est forcément livrer corps, voix et visages à chaque mot, à chaque réplique ; c’est abandonner toute leur place et leur durée aux espace et aux silences. Voir et entendre : qu’est-ce que le cinéma, sinon des images et des sons ? sinon reconnaître le geste documentaire comme un épicentre dans le tremblement des lumières et des bruits ? »
* Entretien à la télévision canadienne du 7 décembre 1969
** Détruire dit-elle, Minuit, 1969
Maurice Darmon
La Forêt des dames. Le cinéma de Marguerite Duras, 1964 – 1972
(Sans merveille, la Musica, Détruite dit-elle, Jaune le soleil, Nathalie Granger
202 éditions, 2015
18:35 Publié dans Blog, Écrivains, Film | Lien permanent | Tags : maurice darmon, marhuerite duras, la forêt des dames, sans merveille, la musica, détruite dit-elle, jaune le soleil, nathalie granger, 202 éditions
vendredi, 14 octobre 2016
David Antin, « Poèmes parlés »
© : Christopher Felver/Corbis)
« de temps à autre
de mystérieux coups le faisaient sursauter
il serait cloué sur place sous un porche
verrait une scène de désordre
elle lui disait sur un ton de confidence
“maintenant c’est mon tour de me cacher”
c’était un jeudi
il écrasa la bouteille sous son talon
il sortit son couteau de poche et ameublit la terre
il se leva et brossa les genoux de son pantalon
elle emporta le plateau
elle plaça le bol sur le lit
elle n’arrêtait pas de revenir à son sexe
une blancheur douteuse
“quand tu auras fini l’école”
“tu auras ta licence de droit”
“nous te la donnerons”
“mais j’aimerais aller en Allemagne”
“tu dois aller en Angleterre et en France”
il s’agenouilla sous l’arbre
il dormit quelque temps
il se rappela le verre bleu
il sortit du porche
nu-tête
il accomplit des actions
avec le sens de l’austérité
tout de même
il devait y avoir du sens
dans cette folie
seulement
il n’était pas en état
de le découvrir »
David Antin
« Novel Poem IX», traduit par Denis Dormoy
in Poèmes parlés
Traduits de l’américain par
Jacques Darras, Jacques Demarcq,
Denis Dormoy & Jacques Roubaud
Coll. « Les cahiers de Royaumont »,
éditions Les cahiers des brisants, 1984
David Antin, né le 1er février 1932,
est mort le 12 octobre 2016.
19:35 Publié dans Blog, Écrivains | Lien permanent | Tags : david antin, poèmes parlés, denis dormoy, royaumont, les cahiers des brisants