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Bernard Manciet, « L’enterrement à Sabres, chant LXX »

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© Jean-Louis Duzert

 

« Peau d’agneau peau d’agnelet

coups de bâton coups d’aubépin

je t’écorche agnelet blanc »

clameur de cette rosse de vieillerie

« soleil au soleil peau de matin

peau de hérisson peau de laine

peau de brebis peau de chagrin »

la vieille piailleuse écorche le soleil

« coups de baguette peau soufflée

je te jetterai derrière la mer

peau de châtaigne peau de bélier

le Chien Noir te mangera

le Chien Blanc te séchera »

clame la vieille écorcheuse

« j’ai dit soleil et soleil j’ai dit

qui contient des soleils tant et plus

et qui te sont d’autres soleils

soleil entier à coups de coudrier »

dit-elle encore

« dans toi mon tournoiement de tuiles

nos orgueils dans je ne sais quoi

ce Dieu tout en lambeaux

dans le soleil mes entrailles je dis bien mes entrailles

et les pampres de mon sang

et ma jeunesse et le monde ma jeunesse

lorsque je t’écorche tu fais remonter le rouge le rose

sans toi il n’y aurait pas de Dieu »

dit la vieille qui cogne dessus

« sois soleil mon enfant ! et Dieu soit Dieu

de soleil cœur de cœur un corps corps de corps vivant

peau d’antenoise peau d’agnelle

amen : un soleil chamaillé

Dieux et coups une belle rixe

bel enfant vert – je dis et je l’ai dit –

odeur de feu »

 

Bernard Manciet

L’enterrement à Sabres

Traduit de l’occitan par l’auteur

Mollat éditions, 1996

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