mardi, 15 février 2022
Li Po, « Au milieu des herbes sauvages j’aperçois une boule de pissenlit »
Su Liupeng, Portrait de Li Po ivre, 1844, Musée de Shangai
« Ivre je me rends à la ferme
je marche en chantant dans la campagne sauvage
est-ce possible, là au milieu des herbes vertes,
un autre vieillard à tête blanche ?
Je le cueille et le tiens face à moi, comme devant un miroir clair
les mêmes tempes blanches
humble plante, tu sembles rire de moi
mais déjà le vent d’est disperse notre tristesse »
Li Po (701-762)
Buvant seul sous la lune
traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Mounadarren, 1988
un des derniers poèmes de Li Po, pour tous mes amis Claude
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vendredi, 26 mars 2021
Li Po, Adieu à un ami (pour saluer Gil Jouanard)
DR
pour Gil, qui est parti hier, 25 mars 2021, rejoindre le mont de l’Ouest (Hua Shan).
Qu’il y trouve la paix la plus joyeuse & les vins les plus délicieux à partager avec ses vieux amis qui l’ont précédé.
« la montagne bleue surplombe le rempart au nord
l’eau blanche ceinture la ville à l’est
ici nous nous séparons
la graine ailée, solitaire, sur dix mille li erre
les nuages flottants expriment le sentiment du voyageur,
le soleil couchant l’amour du vieil ami
nous nous saluons de la main tandis que tu t’éloignes
“hsiao hsiao” nos chevaux hennissent, chagrins de se séparer »
Li Po (Li Bai)
Buvant seul sous la lune
traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1988
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vendredi, 18 septembre 2020
Wang Wei, « La rivière bleue »
Shitao, Au pied des Monts Jinting, vers 1670
« pour me rendre dans la vallée des Fleurs jaunes,
j’emprunte la Rivière bleue
je longe les montagnes, dix mille tournants,
la distance parcourue est à peine de cent li
dans le vacarme au milieu d’un chaos de rochers,
la couleur apaisante des pins denses
flottent, tanguent les châtaignes d’eau
clairs, immobiles, luisent les jeunes roseaux
mon cœur depuis toujours est serein,
comme la rivière limpide
ah ! rester là sur un grand rocher,
avec une canne à pêche à finir mes jours »
Wang Wei
Le plein du vide
poèmes choisis, traduits du chinois et présentés par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2008, réédition, 2016
https://moundarren.com/livre/wang-wei/
pour Marie-Hélène Lafon & la Santoire
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mercredi, 06 mai 2020
Su Tung po, « Puisant de l’eau dans la rivière pour préparer le thé »
« l’eau vive a besoin d’un feu vif pour bouillir
je me rends au rocher où l’on pêche pour puiser dans l’onde profonde et limpide
avec une grande calebasse emprisonnant la lune, je la transvase dans la jarre
avec une petite louche je remplis la bouilloire nocturne d’eau de la rivière
quand frémit le thé une écume neigeuse se forme
au moment où l’on entend le vent dans les pins*, il faut tout de suite servir
les entrailles desséchées pas encore complètement humidifiées, j’arrête à la troisième tasse
assis, j’écoute dans la ville déserte les coups longs et courts qui annoncent l’heure »
* l’expression « on entend le vent dans les pins » signifie que l’eau commence à frémir — elle est parfois augmentée de « et la pluie dans les cyprès »
Su Tung po (Su Che) — 8 janvier 1037- 24 août 1101
in L’extase du thé — poèmes chinois
Traduits par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2002
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vendredi, 20 mars 2020
Yang Wan li, « cinq poèmes autour la poésie »
« Froid tardif composé devant les narcisses sur le lac de montagne*
pour forger un poème, on ne saurait se passer du fourneau et du marteau
mais si le poème s’accomplit, ce n’est pas seulement grâce à eux
le vieil homme ne cherche pas le poème
c’est le poème qui cherche le vieil homme
Lire des poèmes
dans la jonque ma seule occupation est de lire des recueils de poèmes
j’ai fini de lire les poèmes des Tang, je lis maintenant Wang An-shih**
ne dites pas que le matin le vieillard ne mange pas
les quatrains de Wang An-shih sont mon petit déjeuner
Dans l’éclaircie au milieu de la neige, près de la fenêtre ouverte j’ouvre un recueil de poèmes Tang et y trouve un pétale de fleur de pêcher, qui me laisse songeur
au hasard j’ouvre un livre de poèmes, ce matin devant la fenêtre de neige
dedans, un pétale de fleur de pêcher, encore frais
je me souviens d’avoir emporté ces poèmes pour lire sous les fleurs
c’était au printemps, bientôt une année déjà
Ajoutant de l’eau dans le bassin des roseaux aromatiques et des narcisses
mes vieux poèmes que je relis sont de nouveau frais
une fois la lecture finie, fatigué je bâille et m’étire
ces innombrables plantes dans le bassin se plaignent d’avoir soif
mais le vieil homme a pour projet d’être un homme paresseux
Poème en réponse à Lu Yu***
enchaîné à ma fonction, du printemps je ne puis profiter
ma barbe éclaircie est devenue comme de la neige
au milieu des nuages je fréquente le poète
oubliant les affaires, notre entente est parfaite
si en vieillissant mes poèmes s’émoussent,
grâce à ton talent tes vers sont toujours impeccables
toute ma vie j’ai été ballotté,
mon écriture vaut-elle encore grand-chose ? »
* Une dizaine de jours avant le nouvel an, on installe un bulbe de narcisse dans une bassine d’eau (le lac) avec un caillou (la montagne). Le jour du nouvel an, les narcisses sont en fleurs.
** Wang An-shih (1021-1086), poète et homme d’état de la dynastie Song du nord
*** Lu Yu (733-804), poète de la dynastie Tang
Yang Wan li – 1127-1206
Le son de la pluie
Poèmes choisi et traduits du chinois par
Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1988, 2008, 2017
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vendredi, 06 mars 2020
Lu Yu, « La nuit du 18e jour du 7e mois, composé sur l’oreiller »
« un éclair jaillit, il fait clair comme en plein jour
pas encore apaisé le tonnerre gronde
les nuages défilent confusément puis disparaissent
lentement monte la lune solitaire
dans les herbes couvertes de rosée des criquets conversent
le vent dans les branches effraie les pies
dès que la fraîcheur naît je me sens enfin à l’aise
je dors profondément jusqu’à ce qu’à la fenêtre il fasse jour »
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise
Poèmes choisis et traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995, rééd. 2012
dimanche, 27 octobre 2019
Li Po, « Neuvième jour du neuvième mois »
« aujourd’hui les nuages et le paysage sont superbes
les eaux sont vertes, les montagnes d’automne lumineuses
j’ai emporté un pichet de vin Nuées des immortels,
et cueilli des chrysanthèmes épanouis dans le froid
l’endroit est retiré, au milieu de pins et de rochers antiques
le vent clair se lève, résonnent la soie des cordes et le bambou des flûtes
je regarde dans ma coupe le reflet de mon visage réjoui
riant seul, à nouveau je me sers
ivre mon bonnet tombe, la lune au-dessus de la montagne
nonchalant je chante, songeant aux parents et aux amis »
Li Po
Buvant seul sous la lune
Traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1999, réédition 2018
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mardi, 23 juillet 2019
Lu Yu, « M’adonnant à la lecture »
« “le vieil homme qui n’en fait qu’à sa guise”, la tête blanche, est retourné dans son méandre de la rivière Shan
dans la solitude derrière mon portail rustique, les livres remplissent la maison
le potage de chénopode et la bouillie de blé refroidissent, je ne vais pas manger
lire les cinq tombereaux de livres réunis durant toute ma vie me comble
non sans grand peine je corrige les erreurs, efface et réécris
sur des mélodies tristes je fredonne des ballades poignantes
j’ai complété le catalogue des idéogrammes
même les interprétations mineures en langue étrangère, je note tout
parfois jusqu’à l’aube je n’éteins pas la lampe
la neige qui tombe drue frappe à la fenêtre “su su”
encore douze années avant que je n’atteigne l’âge de soixante-dix ans
peut-être y a-t-il quelques classiques perdus, quelques chapitres manquants à ajouter à ma collection
je ne crains pas que les visiteurs se moquent de ce fou des livres
c’est tout de même mieux que si les livres restaient tout neufs dans leur étui, sans que personne ne les touche »
Lu Yu
Le vieil homme qui n’en fait qu'à sa guise
traduit du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1995
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mercredi, 16 janvier 2019
Yang Wan li, « Le soir assis dans le studio baptisé “de l’Art de gouverner sans interférer avec le peuple” »
« porte fermée, je reste assis, mal à l’aise
j’ouvre les fenêtres pour faire rentrer une légère fraîcheur
la forêt cache le soleil
mon fils broie de l’encre d’un émeraude lumineux
spontanément ma main cherche mes recueils de poèmes
je fredonne doucement plusieurs poèmes
au début cela me réjouit
puis soudain je ressens de la tristesse
j’abandonne le recueil, impossible de lire plus longtemps
je me lève et marche autour de mon siège
les anciens avaient des griefs hauts comme une montagne
mon cœur est tranquille comme un fleuve
si je suis si différent d’eux,
pourquoi me brisent-ils les entrailles à ce point ?
mon émotion passée, je me mets à rire
une cigale hâte le soleil couchant »
Yang Wan li
Le son de la pluie
Poèmes choisi et traduits du chinois par
Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1988, 2008, 2017
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lundi, 22 octobre 2018
Yang Wan Li, « Vivant retiré »
Antoine Watteau, Lao Gine ou le vieillard chinois, Musée du Louvre
« L’arbre Yuo mu, sur une île de l’Océan de l’ouest, est l’arbre au-delà duquel le soleil se couche
convalescent, j’ai du mal à marcher
longtemps assis, mon sentiment ne s’apaise pas
têtu devant ma femme,
j’ai honte d’avoir à lui demander du soutien pour me lever
je préfère faire appel à ma canne en bambou taché
à chaque pas elle m’accompagne
je n’ai pas l’intention d’aller bien loin,
je vais juste faire un tour dans la cour
quand le terrain est plat, personne ne s’en rend compte
mais si ça monte ou si ça descend aussitôt on ralentit
ma vie durant l’ambition m’a mené dans les quatre directions
les huit extrémités je les regardais comme rien
à l’ouest je me suis envolé, cassant une branche de l’arbre Yuo mu*
à l’est j’ai traversé l’océan en chevauchant une baleine
aujourd’hui me voilà allongé sur un lit en chénopode
dès que je me lève neuf fois je halète
ma force est épuisée mais mon ambition est intacte
au-dessus du lit je saisis mon épée précieuse
en plus d’être malade, j’ai mal aux pieds et suis las de rester assis toute la journée, j’écris pour tromper l’ennui
ma vue est brouillée, la neige couvre mon crâne
dans le flou sont passées les trois ou quatre dernières années
qui sait que c’est le mal aux pieds qui m’empêche de marcher ?
à me voir rester sagement à la maison, on pense que je suis assis en méditation
si mon éventail tombe de la table, je suis trop paresseux pour le ramasser
aller consulter un livre près de la fenêtre, comment me déplacer ?
les gens de ce monde tous envient les immortels parce qu’ils volent
moi, j’envie ceux qui marchent, c’est ça pour moi être immortel »
Yang Wan li – 1127-1206
Le son de la pluie
Poèmes choisi et traduits du chinois par
Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1988, 2008, 2017
http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli
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vendredi, 03 août 2018
Yang Wan Li, « Dans la chaleur de midi, je monte au Kiosque de la Récolte abondante »
Shen Zhou, 1427-1509. Musée du Palais, Pékin
« dans la maison basse, la canicule, impossible de rester
dans le haut kiosque, d’air frais il n’y a pour ainsi dire pas
si le petit vent n’est pas entièrement avalé par les cigales,
un peu de fraicheur arrivera peut-être jusqu’au vieillard »
Yang Wan Li – 1127-1206
Le son de la pluie
Poèmes traduits du chinois par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 1988
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lundi, 02 juillet 2018
Lu Yu, « Sous la lune buvant légèrement »
Haruki Nanmei, Portait de Lu Yu, XIXe
« hier tout autour de l’auvent, la pluie
face à la lampe solitaire je me grattais la tête
cette nuit, le clair de lune plein la cour,
je chante longuement adossé au saule dépouillé
les changements du monde sont immenses, infinis
de la réussite à l’échec un revers de la main
dans la vie d’un humain la chose la plus heureuse est,
allongé, d’entendre qu’on presse le vin nouveau
depuis mon retour de Cheng-tu,
je me lamente de voir parents et amis dépérir
nombre d’entre eux sont déjà inscrits sur le registre des morts
mais qui pourrait vivre éternellement ?
les jeunes pour la plupart je ne les connais pas
nul ne consent à avoir des égards envers le vieillard décrépit
une coupe, personne avec qui la partager
je vais frapper à sa porte pour appeler mon vieux voisin »
Lu Yu – 1125-1210
In L’Art de l’ivresse
Poèmes chinois traduits et présentés par Hervé Collet et Cheng Wing Fun
Coll. Spiritualités vivantes, Albin Michel, 2014
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