samedi, 12 décembre 2020
Un présent,
© : cchambard
pour mon merveilleux filleul Valère,
ce 12 décembre 2020
Un présent, enveloppé dans un papier d’hier, que l’on utilisera demain, un présent, c’est l’enfance qui revient, c’est un jour sans brouillard, une soupe sans caillou, de la neige à Noël — Pâques aux tisons, Noël au balcon —, c’est dormir tout habillé & se réveiller frais comme un nouveau baptisé, s’endormir comme un saint & se réveiller comme un diable, un présent c’est une promenade au bord du canal, sa petite main dans une bien large & rassurante, croiser péniches & boulonnais sans changer d’époque, cueillir des fruits mûrs sur des arbres généreux de toute éternité, c’est le texte bienvenu avant même d’avoir été écrit
Claude Chambard
inédit, extrait de Un matin, en cours
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dimanche, 06 décembre 2020
Je rêve de trouver, un matin…
Shi Tao, vers 1700
pour fêter l’anniversaire de mon ami Tristan Hordé,
ce 6 décembre 2020
Je rêve de trouver, un matin, le journal intime du merle & à l’hiver celui de son ami le rouge-gorge – le rossignol chante trop pour avoir le temps de noter quoi que ce soit, il est déjà ivre de lui-même –, ce serait comme un voyage au monastère du Dragon Bleu, le style en serait leste & sans mauvaise contrainte, dix mille mots y bâtiraient quelques phrases essentielles, je ne divulguerais rien, même sous la torture, comme il est d’usage de dire, le merle est un frère des coteaux du sud, le rouge-gorge des coteaux du nord, leurs journaux, ceux qui m’intéressent, disent les embuscades & les tranquillités du jardin & des forêts de la Chique
Claude Chambard
inédit, extrait de Un matin, en cours
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vendredi, 04 décembre 2020
Un matin, dévaler encore…
pour fêter l’anniversaire de mon ami Lambert Schlechter,
ce 4 décembre 2020
Un matin, dévaler encore, la page & la vie, descendre le pichet de vin du vieux Li Po avec l’ami Shen Fu, toujours boire avec un compagnon & chanter avec lui dès que la lune se lève pour égayer le ciel sans limite comme l’amitié, loin de notre pays natal, vieux camarade, nous essayons de ne pas laisser la tristesse nous envahir, il fait frais, allumons le vieux poêle, le cœur est voyageur, d’est en ouest, de rivière en rivière, cette douceur de vivre près des vignes, tout à côté des forêts, nous avons marché longtemps, songeant à nos amis éparpillés qui sont enfin rentrés chez eux, nos livres se confondent, c’est la voix qui est l’identité du poème
Claude Chambard
inédit, extrait de Un matin, en cours
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jeudi, 19 novembre 2020
Bernard Noël, « La chute des temps »
Bernard Noël, 27 novembre 2010, bibliothèque Mériadeck, Bordeaux ©CChambard
Ritournelles 11, Le corps écrit.
[…] l’avenir n’est pas un jour plus un jour
il est maintenant
oh dis-je
si tu ne veux pas de moi
le toi ne pourra te revenir
pas plus que ton image de moi
ne pourra sortir de toi
nul n’est en soi hormis les anges
ton image criera en moi
oh injuste
injuste et mon souffle emportera
le visage qui sur ton visage était
la beauté de mes yeux
et il restera tout à dire encore
de notre vivant puis tu marcheras
sur mon ombre poussant
du pied ce petit tas de mots
le désir
le désir fut ce glissement
vers l’immédiate éternité
le cœur
battant le venir battant
pour que la forme du présent
soit la même que ce battement
quel amour les pierres blanches
autour du lit et l’air
entre les doigts coulant
un silence la peau de l’œil
fraîche les mains cousant
une lumière
je n’écrirai plus
disais-je et tu me répondais
il faut que vive de nous
ce qu’aucune peau ne protège
et qui n’a pas même de chair
pour en mourir […]
Bernard Noël
La chute des temps
Textes/Flammarion, 1983, réédition Poésie/Gallimard, 1993
Aujourd'hui Bernard Noël a 90 ans. Bon anniversaire Bernard.
Dédicace spéciale à Sophie, depuis 1973.
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jeudi, 05 novembre 2020
Pascal Quignard, « Sur le caractère garamond dans lequel est composé ce livre »
Emmanuel & Pascal lisant Inter aerias fagos, le 17 mars 2011, à la Maison cantonale de Bordeaux-Bastide, à l’initiative de Permanences de la littérature. Photo © Claude Chambard
« Claude Garamond possédait une très étroite maison sur la rive gauche de la Seine. L’entrée de la maison donnait rue des Grands-Augustins. Mais l’avancée en bois du balconnet finement sculpté et ouvragé de la maison surplombait l’eau. On a conservé une gravure. C’est plutôt un bois gravé. On y voit un saule, des aulnes, une barque noire, une berouette, des barriques. Tournait-il les yeux vers l’est, il voyait les flèches délicieuses de la Sainte-Chapelle que le roi Saint Louis avait fait bâtir dans le jardin fruitier de son palais. Il avait une brouette à deux roues à l’aide de laquelle il longeait la rivière jusqu’à sa boutique. Il était tailleur et fondeur de lettres. Il vendait les lettres de plomb qu’il avait dessinées rue Saint-Jacques, à l’enseigne des Quatre Fils Aymon. Ce fut durant le mois de novembre 1540 qu’il creusa les grandes “lettres grecques du roi”. Les romaines sont d’avril qui suit. C’est dans ce caractère romain de la Renaissance que je faisais composer mes livres pour peu qu’on me permît de choisir mon corps. Emmanuel Hocquard les assemblait patiemment à la main. Il glissait l’étrange tiroir au-dessus du feuillet blanc dans la machine d’imprimerie à bras. Durant tout le mois de novembre 1971 je pesai sur ce bras quand mon ami m’en donnait, de sa voix sourde et empâtée, que j’aimais plus que tout, dont j’aimais l’émotion plus que tout, le signal. La lettre, tel est le veilleur ultime sur la nature du langage. Elle en surveille avec méfiance, avec la plus grande méfiance possible, les pouvoirs qu’elle lui retire. Elle anéantit jusqu’au son qui le fit apparaître en sorte de seulement l’évoquer et de désadresser. On la lit sans bouger les lèvres. Le signe vide, une fois écrit, qui éteint tout dans l’absence, qui ajoute à la langue un silence qui n’appartient en rien à son essence, est le medium du soir. Le medium extrême, obscur, eschatologique, qui dit la fin de tout. Le medium vespertinal qui se fond peu à peu au silence de la nuit stellaire. Il est mort. Mon ami Emmanuel Hocquard est mort dans les congères au-dessus de Tarbes, le matin du dimanche 27 janvier 2019, dans la montagne entièrement prise de glace. »
Pascal Quignard
L’Homme aux trois lettres
Grasset, 2020
Je rencontre Emmanuel Hocquard, chez Mathieu Bénézet, en 1979. L’année suivante, nous avons le projet Mathieu et moi de publier un livre hommage à Thérèse Bonnelalbay, dont on vient de retrouver le corps dans la Seine. Mathieu écrit Résumant ma tristesse dans les mois qui suivent. Nous songeons à Raquel pour faire le travail au noir du peintre. Dès lors je me rends à Malakoff où Raquel et Emmanuel vivent. Dans la cour, quelques écrivains bavardent. Pascal Quignard en est que je lis déjà depuis ses premiers textes dans L’Éphémère. Voilà.
Nous avons, Sophie et moi, composé à la main en Garamond, et imprimé sur nos presses, le livre de Mathieu & Raquel à 44 exemplaires, sur Japon Nacré & vélin de Rives, en mars 1982. Emmanuel et Pascal sont toujours mes amis, à travers le temps, la distance… Lire ce texte de Pascal sur son – nôtre – ami, au cœur de L’Homme au trois lettres, me bouleverse. Aujourd’hui Pascal aurait du être à Bordeaux, la pandémie s’est interposée. « De quoi témoigne le témoin ? / De rien qu’il sache. »
lundi, 02 novembre 2020
Ryôichi Wagô, « Jets de poèmes, dans le vif de Fukushima »
« […]
mon pays natal est un crépuscule
5 avril 2011- 22:25
sur la colline de chair se dresse un château solide il ne s’endort jamais sous la lumière de la lune il se fait imposant au soleil du matin son allure est gracieuse
5 avril 2011- 22 :31
d’innombrables oiseaux volent vers nous amenant la saison nouvelle les canons tonnent annonçant la fin d’une époque mais derrière les murailles du château rien ne change
5 avril 2011- 22 :33
quand je lève la tête le célèbre château dresse haut son donjon comme s’il régnait sur le monde entier comme s’il poussait un cri immobile dans les flammes de l’invasion du temps inébranlable
5 avril 2011- 22 :35
moi qui suis à la fois le seul maître et le serviteur dans les galeries sombres je dégaine mon sabre comme un possédé je le brandis le jour où je serai chassé du château approche inévitablement
5 avril 2011- 22 :38
ah c’est effroyable tranche l’air mets-le en charpie nous sommes seuls au monde toi ô toi tu dois protéger le château toi ô toi tu dois être toi-même jusqu’à la folie
5 avril 2011- 22 :40
enfant qui vas à travers les prairies
5 avril 2011- 22 :54
sur la plante de tes pieds
5 avril 2011- 22 :54
la prière de la Terre
5 avril 2011- 22 :55
sur ta joue le paisible soleil du soir
5 avril 2011- 22 :58
[…] »
Ryôichi Wagô
Jets de poèmes dans le vif de Fukushima
Traduit du japonais par Corinne Atlan
encres sur papier de soie Elisabeth Gérony-Forestier
Coll. Po&psy a parte, érès, 2016
https://www.editions-eres.com/ouvrage/3764/jets-de-poemes
Voici un livre surprenant et bouleversant de Ryôichi Wagô, poète reconnu dans son pays depuis son premier livre en 1999, After, pour lequel il a reçu le prix Nakahara Chuya. Depuis, il n’a pas cessé d’écrire et de publier. Le 11 mars 2011, lors de la catastrophe de Fukushima, où il vit, il choisit de rester dans son appartement. 5 jours plus tard il commence à tweeter ce qui va devenir ce livre – Jets de poèmes (prix de la Revue Nunc), remarquablement traduit par Corinne Atlan et subtilement accompagné d’encres sur papier de soie d’Elisabeth Gérony-Forestier. Chaque jour est accompagné d’indications concernant la catastrophe et ce qui l’entoure. Voici un court extrait, qui sans la copier respecte, autant que faire se peut, la mise en pages des éditions érès qu’il faut saluer pour ce remarquable travail d’édition. « J’avais à peine donné le nom de “jets de poèmes” à mes activités d’écriture entamées hier que l’eau est revenue chez moi. J’avais l’impression que le même sang circulait dans mes veines et dans celles de mon appartement. “Jets de poèmes”, eau qui jaillit. Cela a entrouvert les vannes de mon esprit en panne. Cela a rétabli la circulation entre moi et le monde que j’ai sous les yeux. »
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dimanche, 01 novembre 2020
Yi Sang, « Plan à vol de corbeau »
« Poème n°12
Un ballot de linge sale s’envole dans les airs et retombe. C’est une volée de colombes. C’est une annonce de la fin de la guerre et de la venue de la paix, de l’autre côté du ciel grand comme une paume. La volée de colombes nettoie ses plumes encrassées. De ce côté du ciel grand comme une paume, une guerre sordide qui matraque à mort les colombes commence. Quand l’air est noir de suie, la volée de colombes s’envole encore une fois vers l’autre côté du ciel grand comme une paume.
Image de soi
Ce lieu est le masque mortuaire* d’un certain pays. La rumeur circule aussi que ce masque mortuaire a été dérobé. Cette barbe, herbe pubère à l’extrême nord, a perçu le désespoir et ne pousse plus. Au fond du piège où le ciel est tombé de toute éternité, le testament repose discrètement submergé comme une pierre tombale. Alors des gestes inaccoutumés passant à côté traduisent la gêne d’être sain et sauf. Solennel le contenu finit par se froisser.
* En anglais dans le texte, death mask
Fin
Une pomme est tombée. La Terre est souffrante au point de se briser. Fin.
Déjà plus aucune pensée ne germe. »
Yi Sang – 1910-1937
Plan à vol de corbeau, suivie de « Parole de l’auteur de Plan à vol de corbeau »
Traduit par Cori Smith & Jean-Yves Darsouze, avec la participation d’Olivier Gallon
La Barque, 2019
https://labarque.fr/librairie/livres/auteurs/yi-sang/plan-a-vol-de-corbeau/
J'ai découvert Yi Sang par les bons soins de la William Blake & Cie en 2003, lorsque Bona Kim y publia sa traduction de Cinquante poèmes suivi de Les ailes. Cette publication n'est pas rien qui, 66 ans après la mort de l'auteur à Tokyo — quelle ironie pour lui qui ne connut son pays que sous l'envahisseur japonais et passa outre l'interdit d'écrire dans sa langue natale, à partir de juillet 1933 —, faisait ainsi connaître un travail pour le moins original et décalé. Yi Sang est un mythe en Corée. Il serait temps que l'on se penche sur ses livres (aux Petits matins, chez Zulma, chez Imago) et en particulier celui-ci qui s'inscrit au cœur d'une œuvre résolument liée à la vie, comme le fait fort justement remarquer Olivier Gallon, son nouvel éditeur français.
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vendredi, 18 septembre 2020
Wang Wei, « La rivière bleue »
Shitao, Au pied des Monts Jinting, vers 1670
« pour me rendre dans la vallée des Fleurs jaunes,
j’emprunte la Rivière bleue
je longe les montagnes, dix mille tournants,
la distance parcourue est à peine de cent li
dans le vacarme au milieu d’un chaos de rochers,
la couleur apaisante des pins denses
flottent, tanguent les châtaignes d’eau
clairs, immobiles, luisent les jeunes roseaux
mon cœur depuis toujours est serein,
comme la rivière limpide
ah ! rester là sur un grand rocher,
avec une canne à pêche à finir mes jours »
Wang Wei
Le plein du vide
poèmes choisis, traduits du chinois et présentés par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2008, réédition, 2016
https://moundarren.com/livre/wang-wei/
pour Marie-Hélène Lafon & la Santoire
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jeudi, 17 septembre 2020
Wang Wei, « Séjour dans la montagne, décrivant ce qui se passe »
Shitao, Recherche d'immortels, vers 1700
« solitaire je referme mon portail en branchages
dans l’immensité floue face aux rayons du couchant
les nids des grues peuplent les pins
les visiteurs à ma porte rustique se font rares
les nœuds des nouveaux chaumes de bambou sont saupoudrés de pollen
les lotus rouges laissent tomber leurs vieilles robes
à l’embarcadère les feux des lanternes s’animent
de partout les ramasseuses de châtaignes d’eau sont de retour »
Wang Wei – 701-761
Le plein du vide
poèmes traduits du chinois et présentés par Cheng Wing fun & Hervé Collet
Moundarren, 2008, réédition, 2016
https://moundarren.com/livre/wang-wei/
Dédicace spéciale à Arthur & Sophie
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dimanche, 06 septembre 2020
Anonyme, « La blancheur de la lune dans la nuit »
Carte de Duhuang, vers 650, dynastie Tang. Une des premières représentations des étoiles.
« La blancheur de la lune brille dans la nuit,
Des criquets crient dans le mur de l’est.
La Grande Ourse indique l’hiver,
Les étoiles ressortent dans le ciel,
La gelée blanche mouille les plantes dans la campagne.
Le temps soudain change,
La cigale d’automne crie dans les arbres,
L’hirondelle, où donc est-elle partie ?
Mes camarades et amis d’autrefois
Se sont élevés haut et se sont envolés
Sans plus se souvenir que nous nous tenions par la main.
Ils m’ont abandonné comme les traces que l’on laisse.
Une constellation indique le nord et une autre le sud
Et l’étoile du Bœuf ne porte pas de joug.
Si l’amitié n’est pas solide comme le roc,
Un renom vide, quel intérêt a-t-il ? »
Chanson populaire anonyme de l’époque Han — 206 avant J.-C - 220 après
In Anthologie de la littérature chinoise classique
Présentée et traduit par Jacques Pimpaneau
Philippe Picquier, 2004 rééd. 2019
http://www.editions-picquier.com/ouvrage/anthologie-de-la-litterature-chinoise-classique-2/
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mardi, 01 septembre 2020
Gérard Haller, « Menschen »
Les Inédits du Malentendu, volume 8.
semblable maintenant d’un bord à l’autre
de la terre on dirait l’image se clôt
et l’image se déclôt qui nous tenait
ensemble et c’est comme si tout de nouveau
me quittait. Le visage autrefois du dieu
mort que tu étais. Comme s’il revenait
mourir sous mes yeux
regarde
irressemblant maintenant vide l’enclos
là-bas lumineux de ta voix
tout le heim autrefois. Regarde. Gisant
nu de part et d’autre du grillage ici
qui le défigure et les traces partout
du sang sur l’herbe et les rails et le linceul
bleu du fleuve au loin miroitant sous le bleu
incicatrisable du ciel oh et tout
le ciel comme ça lèvre contre lèvre
de nouveau qui s’ouvre et les larmes dans nous
sans mer à la fin où retourner
Gérard Haller
Inédit, extrait de Menschen
à paraître aux éditions Galilée le 17 septembre 2020
http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=3534
on pourra regarder cette lecture de Nous qui nous apparaissons de et par Gérard Haller sur le site « Philosopher au présent » ttps://www.youtube.com/watch?v=3ftmFUkUns8
Gérard Haller est un auteur rare, qui compte infiniment pour moi, dont j’attends chaque livre avec une vertueuse et tremblante patience depuis Météoriques (Seghers) en 2001, en passant par all/ein, Fini mère, Le grand unique sentiment (Galilée) etc. Dans quelques jours celui-ci, Menschen, sera sur nos tables, nul doute qu’il éclairera avec quelques rares autres – ceux d'Isabelle Baladine Howald, Fragments du discontinu (Isabelle Sauvage), Pascal Quignard, L'Homme aux trois lettres (Grasset), Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle (Verdier), pour n'en citer que trois essentiels – cet été qui se termine & cet automne qui commence.
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lundi, 24 août 2020
Su Dongpo, « En souvenir de ma mère qui ne faisait pas de mal aux oiseaux »
« Lorsque j’étais jeune, en face de mon bureau, il y avait des bambous, des peupliers, des pêchers et toutes sortes de fleurs ; des bosquets remplissaient la cour et des oiseaux s’y nichaient. Ma mère détestait qu’on détruise la vie ; les enfants et les serviteurs avaient ordre de ne pas attraper les oiseaux. Pendant plusieurs années, ceux-ci firent leurs nids sur les branches basses et on pouvait apercevoir leurs oisillons en baissant la tête. Il y avait aussi quatre ou cinq perruches qui voletaient tous les jours parmi eux. Les plumes de ces oiseaux sont très précieuses et très rares. On pouvait les apprivoiser, car ils ne craignaient pas du tout les hommes. Les villageois en les voyant trouvaient cela extraordinaire. Il n’y a pourtant pas là d’autres raison : en l’absence sincère de mauvaises intentions, même d’autres espèces ont confiance en vous. Un vieux paysan disait : “Si les oiseaux nichent loin des hommes, leurs petits seront la proie des serpents, des rats, des renards, des chats sauvages, des hiboux, des milans. Aussi, si les hommes ne les tuent pas, ils se rapprochent d’eux pour éviter ces malheurs.” On voit ainsi que si ensuite les oiseaux nichent sans oser s’approcher des hommes, c’est qu’ils considèrent que ceux-ci sont pires que les serpents, les rats et autres prédateurs. On peut donc faire confiance à cette parole de Confucius : “Un gouvernement tyrannique est plus terrible qu’un tigre !” »
Su Dongpo – Su Shi (8 janvier 1037 – 24 août 1101)
Sur moi-même
Choix de textes, traduits et présentés par Jacques Pimpaneau
Philippe Picquier, 2003, rééd. Picquier poche, 2017
Su Dongpo – Su Shi – né le 8 janvier 1037 à Meishan, est mort le 24 août 1101 sur la route de Changzhou.
C'est un homme selon mon cœur, un poète essentiel, aimé et lu par ses pairs – et au delà, je l'espère – (Jim Harrisson, Lambert Schlechter, Volker Braun, par exemple, le citent volontiers).
Pour souligner la date anniversaire de son décès, pour que l'on se souvienne encore de lui, j'ai eu envie des oiseaux de sa mère, à n'en pas douter ceux qui encore – à l'exception des perruches – conversent chaque jour dans le petit jardin où ils aiment à se reproduire.
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