Claude Margat, « Peindre un paysage »
Claude Margat, carnet chinois
« Peindre un paysage c’est s’inscrire dans son histoire mais c’est également tenter de saisir sa ligne que. J’aimerais que mes paysages peints ne reflètent qu’eux-mêmes. J’aimerais seulement que mon intention coïncide avec l’intention qui s’exprime à travers eux. Ce besoin de coïncidence me reconduit chaque fois vers l’exercice d’écriture d’une part, et d’autre part vers une multiplication des états du paysage. C’est bien la fréquentation régulière d’un espace qui conduit à en saisir l’esprit général, sa forme constante et le vêtement de ses transformations. La vision qui relie le présent au passé, c’est l’image du sans image. À la longue, le peintre devient lui-même le lieu de métamorphose du paysage. Doit-on alors considérer que le paysage n’est plus qu’un prétexte à l’autoportrait ? Et parallèlement, est-ce un hasard si le martin-pêcheur au plumage de feu et d’azur apparaît précisément à l’heure du jour où dominent rouge et bleu ? La nature aime le beau et la cruauté l’indiffère. La cruauté d’ailleurs est un élément essentiel de la beauté, elle est même ce qui en valide le sens. Ne pas inclure la cruauté dans la beauté, refuser de voir à quel point l’une et l’autre sont intimement liées, c’est délibérément choisir le camp du kitch et de la niaiserie contre celui du réel. Le laid devient alors cette expression du beau à laquelle il manque une dimension. Vous ne pouvez par exemple admirer pleinement la beauté d’un rapace en plein vol si nous n’acceptez pas de le voir déchiqueter en plein vol la proie vivante qu’il emporte dans ses serres. L’exigence parfaite se tient de ce côté parce que s’y exprime l’économie naturelle du monde, celle qui tient encore lorsque s’effacent les illusions. »
Claude Margat
Réminiscences, in « Daoren, un rêve habitable »
La Différence, 2009
Aujourd'hui, 24 juillet 2025, Claude aurait 80 ans.
Ainsi nous le fêtons !