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  • Jacques Lèbre, « La mort lumineuse »

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    © : C.Chambard

     

    Sensibilité des feuilles

     

    « Ce sont peut-être les quelques voix humaines

    issues des immeubles aux fenêtres ouvertes

    — c’est une matinée de printemps, un jour férié —

    qui font que parfois les feuilles bougent,

    même sans vent, même sans aucune brise,

    comme si elles étaient sensibles à un langage

    ou du moins à son souffle, et qu’importe alors le sens

    pour des oreilles vertes dont l’ouïe est si fine.

    Je peux préciser qu’au moment même aucun drap

    n’est secoué dans le silence, aucun couple de ramiers

    ne copule sur une branche, ce qui pourrait prêter à confusion

    si l’on peut aussi confondre les gémissements lointains

    d’une femme au bord de la jouissance avec les roucoulements

    de pigeons postés sur une corniche toute proche.

    Pas de vent donc, dans cette matinée, pas de brise non plus,

    mais dans une lumière que tamisent quelques nuages blancs

    parfois, un instant, les feuilles bougent, frémissent.

    Et si les voix que j’entends, me dis-je soudain,

    provenaient d’une radio, ou bien d’une télévision ?

    Alors, la sensibilité des feuilles serait tout autre

    que celle que j’imaginais il y a juste un instant.

    D’ailleurs, désœuvré, je m’accoude à la fenêtre,

    une musique s’échappe de la source profonde d’un intérieur,

    elle glisse comme une onde sur la paroi de l’air

    et je vois que les feuilles bougent, frémissent. »

     

     Jacques Lèbre

    La mort lumineuse

    L’Escampette, 2004

  • Michaël Glück, « Tournant le dos à »

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    © : C. Chambard

    10.

    on parle pour

    ne pas laisser place

    au goût de la terre

    on fait comme

    on tient debout

    on dit il elle

    ne sait qui

    tient l’autre

    les lits sont défaits

    les guerres passées

    les étreintes aussi

    deux oublient

     

    11.

    ce qui est fait ce peu

    dit : un legs ce n’est pas plus

    ce qui se transmet sans savoir

    une errance de la matière

    dit encore c’est encore

    corps qui se reproduit

    retient le vieux code

    depuis genèse du vivant

    se tue au labour

    lire ce va-et-vient

    boustrophédon ou

    travail de la navette

     

    22.

    et c’est un autre jour et

    un autre cela fait une vie

    et c’est un temps et le temps

    entre les doigts n’est rien

    un oiseau traverse les yeux

    battement de cils

    à peine le temps du cœur

    d’un écureuil

    qui bat au poignet

    à peine le temps de se retourner

    de jeter le sel

    par-dessus l’épaule »

     

    Michaël Glück

    Tournant le dos à

    Lanskine, 2013