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  • William Carlos Williams, « Paterson »

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    DR

     

     

    «                                       Le manque de livres

    nous conduira parfois en esprit jusqu’aux bibliothèques par un chaud après-midi, si toutefois les livres peuvent nous faire défaut au point d’entraîner notre esprit.

     

    Car il existe un vent ou l’esprit d’un vent

    dans chaque livre qui renvoie la vie

    jusqu’ici, un grand vent qui emplit les conduits

    auriculaires jusqu’à ce que nous croyons entendre le vent

    réel

                                        entraîner notre esprit.

     

    En émergeant des rues, nous brisons

    l’isolement de notre esprit, et nous sommes emportés

    dans le vent des livres, nous cherchons, cherchons

    au gré du vent

    jusqu’à ne plus distinguer le vent du

    pouvoir qu’il a, sur nous,

                                        d’entraîner notre esprit

     

    et dans notre esprit monte

    la senteur, peut-être, des fleurs de caroubier

    dont le parfum est lui-même une vent qui souffle

                                     en entraînant notre esprit

     

    au travers duquel, sous la cataracte

    bientôt à sec

    la rivière roule, tourbillonne

                                        calme jadis.

     

    Épuisé d’avoir, ces derniers mois, cherché

    des rues inutiles, des visages repliés contre

    lui comme le trèfle au crépuscule, quelque chose

    l’a réconcilié avec son

                            esprit   .

     

               dans lequel les chutes invisibles

    tombent et s’élèvent

    et croulent encore — sans fin, croulent

    et recroulent en grondant, reflet

    non point des chutes mais de leur incessant

                                                          tumulte

     

                                      Quelle merveille,

    ma belle que ceux, impuissants, qu’entraîne le vent,

    qu’atteint le feu

                    impuissants,

    un grondement qui (silencieux) submerge les sens

    de sa répétition

                    qui refuse de s’étendre

    pour dormir, dormir, dormir

                                        sur son lit sombre.

     

    L’été ! c’est l’été

     

    -- Le grondement dans l’esprit est

    incessant

     

    Le dernier loup fut tué près de Weisse Huis en l’an 1723

     

    Les livres nous reposeront parfois du

    grondement de l’eau, qui croule

    et s’élève pour crouler encore, emplissant

    l’esprit de son reflet

                                        pierre branlante. »

     

    William Carlos Williams

    Paterson (publié entre 1946 et 1958)

    Traduit de l’américain par Yves di Manno

    Préface de Serge Fauchereau

    Coll. « Textes », Flammarion, 1981, 2e édition, revue et corrigée : Corti, 2005

    http://www.jose-corti.fr/titres/paterson.html

    La version ici recopiée d’un extrait du chapitre III La Bibliothèque est celle de la première édition.
    Nous ne pouvons que conseiller au lecteur de voir l'épatant — culte déjà — film de Jim Jarmusch, Paterson, qui fait très précisément référence au livre de William Carlos Williams & au poète Ron Padgett. Vous trouvezrez, ci-dessous, un lien vers la BA :

    https://www.youtube.com/watch?v=tF19bxM6qh0