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la barque - Page 2

  • Tarjei Vesaas, « Vie auprès du courant »

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    « Le Chemin

     

    Les traces ne paraissent pas.

    N’estampillent pas les flaques de boue,

    les fondrières.

    Le pied a été léger.

    Mais celui qui est arrivé connaît le chemin.

    Sait l’encoche essentielle

    où placer le pied.

    Arrive au sommet de la colline et contemple heureux

    le chemin plus loin devant.

    S’allonge sur le coteau pour se reposer

    et attend de la compagnie.

    Les voilà qui se présentent, tels d’aimables conseillers,

    ceux qui ont déjà pris leur forme.

    Il nous semble pouvoir leur parler de

    nos affaires les plus secrètes,

    tout en taillant une baguette

    avec un petit canif.

    Nous sommes tous rassemblés. Personne ne le sait

    ni ne le saura.

    Nous taillons de baguettes et les plantons dans la terre

    et parlons jusqu’au coucher du soleil.

     

    Après, alors que le crépuscule descend sur nous,

    nous en savons davantage :

    Il nous faut marcher dans le noir,

    en grands virages et lacets.

    Nous ne disons plus un mot.

    Si nous parlions, le chemin sombrerait.

    Mais arriver, personne n’ose le mentionner.

    Cela doit se produire sur le vaste site

    où des bassins limpides confluent

    des quatre vents,

    et fusionnent

    en immenses espaces transparents

    sans le savoir, sans le vouloir.

    On est alors arrivé

    et l’on n’est plus. »

     

    Tarjei Vesaas

    Vie auprès du courant – 1970

    Traduit du nynorsk par Céline Romand-Monnier

    avec la complicité de Guri Vesaas & Olivier Gallon

    bilingue

    postface d'Olivier Gallon

    La Barque, 2016

  • Sergueï Essénine, « Poèmes 1910-1925 »

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    « Par les soirs bleus, les soirs de lune,

    Autrefois, j’étais beau et jeune.

     

    Et sans pouvoir s’arrêter tout est

    Passé pour ne jamais revenir…

     

    Yeux délavés, cœur refroidi…

    Ce bonheur bleu ! Ces nuits de lune !

    4 / 5 octobre 1925

     

    *

    Pauvre plumitif, est-ce bien toi qui composes

           Des chansons à la lune ?

    Depuis longtemps je me suis refroidi devant

            Le vin, le jeu, l’amour.

     

    Cette lune qui entre par la croisée

    Verse une lumière à vous crever les yeux…

    La dame de pique j’ai levé

    Pour jouer enfin l’as de carreau.

    4 / 5 octobre 1925

     

     *

    Au revoir mon ami, au revoir.

    Mon cher, tu es tout près de mon cœur.

    Cette séparation prédestinée

    Promet bien une rencontre à venir.

     

    Au revoir mon ami ; ni

    Poignée de main, ni un mot,

    Ne va pas t’affliger ici, –

    C’est que vivre n’est pas nouveau

    Et mourir, il est vrai, non plus. »

    1925

     (Dernier poème d’Essénine, écrit le jour de sa mort, avec son sang)

     

     Sergueï Essénine

    Poèmes 1910-1925

    Traduction du russe & postface Christian Mouze

    Avant-propos d’Olivier Gallon

    La Barque, 2015

  • Amelia Rosselli, « Document »

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    « Sans toi

    transpercé, je ne sais pas détacher la connaissance

    de l’avortement de fer

    (comme d’un candide petit lit d’enfant

    séparé).

     

    Puis j’ai retrouvé une lumière

    intacte, qui était une sorte de paradis

    mal digéré.

     

    Une paire d’yeux célestes incertains,

    un rêve ou deux,

    là-bas dans la pinède malodorante ;

    je ne sus plus

    croire à la réalité avec certitude en la guidant

    dans des bois moins amoureux. »

     

     Amelia Rosselli

    Document – 1966-1973

    traduit de l’italien et postfacé par Rodolphe Gauthier

    suivi de Mots pour Documents par Olivier Gallon

    La Barque, 2014