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charles baudelaire

  • Jean-Pierre Moussaron, poursuite : l'hommage de Catherine Pomparat

    Hier au cimetière des Pins-Francs, lors de la cérémonie d'enterrement de Jean-Pierre Moussaron, nous avons été quelques uns à faire entendre quelques mots & un peu de musique.

    Catherine Pomparat a dit ceci que je retiens & souhaite faire partager. Je la remercie & de ses mots, conjoints à ceux de Jean-Pierre & de Charles Baudelaire & de la confiance qu'elle me donne en m'autorisant à les reproduire ici.

     

     

    Samedi  6 octobre 2012

     

    Pour dire la date d’aujourd’hui

    je lirai un poème de Jean-Pierre Moussaron

    [publié dans la revue Po&sie, n° 58, 4e trimestre 1991]

    intitulé « Le désir de peindre »

    c’était une date passée

    je lirai un poème de Jean-Pierre Moussaron

    avec un petit poème en prose de Charles Baudelaire

    publié dans Le Spleen de Paris

    intitulé « Le tir et le cimetière »

    c’est une date promise

     

     V

     

    Scansion repliée d’un corps
    en sang contraint comme feu de marbre.


    Pourrons-nous mener ce que nous aimons
    hors les décombres de nos têtes ?


    Voici seulement que le dehors
    se rétrécit autour de moi
    jusqu’à la pointe du feutre
    qui trace ici ces mots.

     

    Jean-Pierre Moussaron

     

     

    À la vue du cimetière, Estaminet. — « Singulière enseigne, se dit notre promeneur, — mais bien faite pour donner soif ! À coup sûr, le maître de ce cabaret sait apprécier Horace et les poètes élèves d’Épicure. Peut-être même connaît-il le raffinement profond des anciens Egyptiens, pour qui il n’y avait pas de bon festin sans squelette, ou sans un emblème quelconque de la brièveté de la vie. »       

     

    Et il entra, but un verre de bière en face des tombes, et fuma lentement un cigare. Puis, la fantaisie le prit de descendre dans ce cimetière, dont l’herbe était si haute et si invitante, et où régnait un si riche soleil. 

     

    En effet, la lumière et la chaleur y faisaient rage, et l’on eût dit que le soleil ivre se vautrait tout de son long sur un tapis de fleurs magnifiques engraissées par la destruction. Un immense bruissement de vie remplissait l’air, — la vie des infiniment petits, — coupé à intervalles réguliers par la crépitation des coups de feu d’un tir voisin, qui éclataient comme l’explosion des bouchons de champagne dans le bourdonnement d’une symphonie en sourdine.               

     

    Alors, sous le soleil qui lui chauffait le cerveau et dans l’atmosphère des ardents parfums de la Mort, il entendit une voix chuchoter sous la tombe où il s’était assis. Et cette voix disait : « Maudites soient vos cibles et vos carabines, turbulents vivants, qui vous souciez si peu des défunts et de leur divin repos ! Maudites soient vos ambitions, maudits soient vos calculs, mortels impatients, qui venez étudier l’art de tuer auprès du sanctuaire de la Mort ! Si vous saviez comme le prix est facile à gagner, comme le but est facile à toucher, et combien tout est néant, excepté la Mort, vous ne vous fatigueriez pas tant, laborieux vivants, et vous troubleriez moins souvent le sommeil de ceux qui depuis longtemps ont mis dans le But, dans le seul vrai but de la détestable vie ! »

     

    Charles Baudelaire