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  • Olivier Domerg, « La méthode Vassivière »

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    © Brigitte Pallagi

     

    « […] Toute cette enfance enviait

    la rumeur de la forêt et du lac

    * * *

    Poèmes jetés,

                       structures téméraires.

     

    Le charivari des oiseaux.

     

    Depuis les pâturages

    les clôtures vagabondent.

     

    Lumière intrinsèque

    du paysage,          

                     structurations de la campagne

    tonitruante :

     

    page magique telle l’ardoise.

    La vie

             chaque jour poursuivie.

    * * *

    Le brouillard qui se lève

    sur les champs.

     

    Toute chose ramenée

    à une forme

                       opaque.

     

    Le cri des colverts

    s’interpellant.

     

    Nous avions appris ces mots

    ruraux et les avions oubliés.

    * * *

    Par la suite, nous pensions

    que le lac intense

    était la “lumière de ce monde”.

     

    Personne ne nous avait démentis

    à ce sujet.

     

     

    Nous nous dirigions vers ce bois

    baptisé “de sculptures”,

     

    nous pénétrions dans la forêt

    et nous marchions

                               jusqu’à ce

    qu’un changement s’opère.

     

    Qui s’opérait,

                         de fait. »

     

    Olivier Domerg

    La méthode Vassivière

    Dernier Télégramme, 2018

    http://www.derniertelegramme.fr/La-methode-Vassiviere

  • Christophe Manon, « Qui vive »

    IMG_5091.jpeg

     Christophe Manon & Frédéric D. Oberland, concert Jours redoutables,

    à la Bibliothèque Mériadeck, 23 mars 2018 © cchambard

     

    « Maintenant tu as mal camarade, d’une douleur sans âge, celle qui parcourt à gros bouillons de sang la longue histoire de l’humanité. Maintenant tu voudrais cesser d’entendre et de voir, te transformer en plante ou mieux encore en pierre, incapable d’un cri ou d’un geste, et tu voudrais sombrer dans un long sommeil qui n’arrive pas.

     

    Maintenant tu as mal camarade. Tu agonises ou tu es déjà mort. Peu importe. Tu séjournes dans un espace intermédiaire, dans un temps intermédiaire, dans un de ces lieux de transition entre réel et irréel, on ne sait où, étendu, saignant, très calme cependant, tu fermes les yeux et te recroquevilles en position fœtale. Tu voudrais simplement rejoindre ton terrier natal, te coucher dans ta ruche tout confort pour une nuit sans rêve. Désireux maintenant de dormir en paix.

     

    Tu ignores qui tu es, où tu es, et ce que tu fais, camarade. Tu ignores si tu te trouves au centre ou à la périphérie de la mort. Et quelle importance d’ailleurs ? Lèvres closes, tu cherches. Tu cherches des mots, mais dans quelle langue et pour communiquer avec qui ? Les yeux écarquillés comme un animal sauvage surpris dans sa fuite, tu protestes. Tu ne comprends pas et tu protestes.

     

    Ne t’en fais pas, camarade. Mourir n’est pas difficile. Vivre l’est beaucoup plus. Vivre est une réalité. Ne t’en fais pas. Ta mort était déjà ancienne quand ta vie commença et tu as renoncé à toi-même depuis longtemps déjà. Mais est-ce mourir cette incompréhension, cette surprise, la bouche ouverte, les bras ballants ? Tu fermes les yeux et tu vois maintenant. De ton lointain passé surgissent des souvenirs que tu croyais disparus à jamais, séparé d’eux par l’infranchissable épaisseur du temps comme un obstacle de verre invisible et trompeur. »

     

    Christophe Manon

    Qui vive

    Nouvelle édition revue et corrigée,

    suivie de Missive du Conseil autonome des partisans rouges et de Derniers Télégrammes

    Dernier Télégramme, 2018 (première édition, 2010)

    http://www.derniertelegramme.fr/_Christophe-Manon_

  • Christophe Manon, «Vie & opinions de Gottfried Gröll»

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    DR

     

    « Les gens prennent souvent les idiots pour des idiots

    ou points d’interrogation. C’est une façon de voir

    les choses qui est imperméable et technique.

    L’idiot en fait est un placenta qui pense.

    Juste il ralentit le rythme pour être plus près.

    Gröll n’est pas idiot. Ses pensées

    il les range bien soigneusement dans une boîte

    puis compose le numéro téléphonique du temps.

    Gröll pense qu’il pourrait animer un jeu télé.

    Ou bien danser avec Madonna une partie

    de ping-pong en forme de Picon bière.

     

    Gröll écrit des poèmes qui n’ont pas de succès

    dans le Poitou ni ailleurs d’ailleurs. Pourtant

    j’ai des supporters très cravates. En matière

    de poésie Gröll se manifeste torturé rabâcheur

    ou carabin corniaud à déblatérer des fumisteries

    même s’il a d’autres chats à fouetter. Poésie

    c’est pas casser du sucre à base de ragots de fiel.

    Certains disent c’est comme un baril de poudre

    d’escampette à éternuer. Quel salamalec.

    Gröll pense qu’il y a du réel qui s’échappe

    mais on n’est jamais sûr de la retrouver.

     

    D’abord fut le début puis vint la suite et patatras.

    Il y eut un grand chambardement au niveau

    de l’organisation qui se mit à tourner sur elle-même.

    J’ai dit vas-y mais personne n’a suivi et Gröll

    s’est retrouvé tout seul au milieu d’un endroit.

    J’ai fini sur les rotules cul par-dessus tête la queue

    entre les jambes. Ce qui est une position assez

    gymnastique. Puis j’ai oublié depuis le cerveau jusqu’aux

    orteils. Après tout c’est comme ça et en outre je veux

    dire voilà. C’est ainsi que tout a commencé pour

    se terminer en queue de poisson à la mords-moi le nez.

     

     

    Christophe Manon

    Vie & opinions de Gottfried Gröll

    Dernier Télégramme, 2017

    http://derniertelegramme.fr/Vie-opinions-de-Gottfried-Groll