DR
« Il y a longtemps c’était alors le début de ce qui semble maintenant
Comme maintenant n’est que départ pour un nouveau mais encore
Vague chemin. Ce maintenant là, celui qui est vu une
Fois de loin, c’était notre destinée
Peu importe ce qui peut nous arriver d’autre. Il est
Le présent passé de quoi notre physionomie,
Nos opinions sont faites. Nous en sommes la moitié et nous
Nous soucions peu du reste. Nous
Pouvons voir assez loin pour que le reste de nous soit
Implicite dans l’entourage qu’est le crépuscule.
Nous savons que cette partie du jour vient tous les jours
Et nous le sentons, puisqu’il a ses droits, aussi
Nous avons le droit d’être nous-mêmes dans la mesure
Où nous sommes en lui et non dans quelque autre jour, ou
À quelque autre endroit. Le temps nous convient
Tout comme il est content de lui, mais dans la seule mesure
Où nous ne cédons pas de ce pouce-là, souffle
De devenir avant que devenir puisse être vu,
Ou vienne à ressembler à tout ce qu’il semble signifier maintenant.
Les choses qui venaient pour qu’on en parle
Sont venues et parties et l’on se souvient encore
Comme récentes. Il y a un grain de curiosité
À la base des quelques nouveautés, qui déroulent
Leur point d’interrogation comme une nouvelle vague sur le rivage.
En venant pour donner, pour renoncer à ce que nous avions,
Il nous faut, nous le comprenons, gagner ou être gagné
Par ce qui passait, brillant du chatoiement
Des choses récemment oubliées et ravivées.
Chaque image trouve sa place, dans le calme
De ne pas avoir trop, d’avoir juste assez.
Nous vivons dans le soupir de notre présent.
Si c’était tout ce qu’il y avait à avoir
Nous pouvons ré-imaginer l’autre moitié, la déduire
De la forme de ce qui est vu, insérés
Que nous sommes dans l’idée qu’elle se fait de la façon dont
Nous devons continuer à avancer. Il serai tragique de s’adapter
Dans l’espace créé par notre arrivée retardée,
Pour proférer le discours qui est de circonstance,
Car le progrès survient à travers la ré-invention
De ces mots tirés du pâle souvenir que nous en avons,
En violant cet espace de façon telle
Qu’on le laisse intact. Pourtant après tout
Nous en sommes et nous avons franchi une considérable
Distance, notre passage est une façade,
Mais la comprendre nous justifie. »
John Ashbery
Quelqu’un que vous avez déjà vu
Traduit de l’américain par Pierre Martory et Anne Talvas
P.O.L, 1992
Aussi de John Ashbery sur ce blog : http://www.unnecessairemalentendu.com/archive/2016/01/24/john-ashbery-le-serment-du-jeu-de-paume-5749577.html
John Ashbery, né le 28 juillet 1927 à Rochester, est mort le 3 septembre 2017 à Hudson.