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récit

  • Claude Esteban, « Le travail du visible »

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    Claude Lorrain, Paysage avec Énée à Délos, 1672,  National Gallery, Londres

     

    « L’image – figurative ou non, considérons que la querelle est close – ne nous restitue pas, formellement ou par analogie, une relation particulière de l’extérieur, un récit du réel, retranscrit et régi par des modèles de l’intelligible ou de l’onirique. L’image nous informe, rêveusement, sur la présence diffuse du sensible, sur le fait qu’il y a de l’être autour de nous, en nous, plutôt que rien. C’est, si l’on veut, une manière de preuve ontologique, mais qui ne cherche pas en dehors d’elle son garant ni sa vérité transcendante. Elle est là, elle déconcerte le vouloir de la raison hégémonique, le rapport du sujet superbe et de l’objet. Elle affirme que tout se tient entre les choses, mieux encore, entre les choses et nous. Qu’il a suffi d’un peu de matière, d’un peu d’espace discernable, pour que l’énergie, derechef, se soulève et reprenne son essor, par la convocation de quelques lignes, de quelques taches de couleurs mises ensemble. Il y a la prose qui raconte ce qui est et qui le distribue dans notre entendement, côte à côte. Il y a, soudain, la poésie, je veux dire l’invention du sens à travers les signes, le geste inaugural d’un seul qui fait de cette image la première, celle qui nous accueille au monde, celle, peut-être, qui nous réconcilie. »

    Claude Esteban

    Le travail du visible et autre essais

    Fourbis, 1992

  • Katherine L. Battaiellie, « Récit »

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    « Selon les besoins du ménage, et ses sentiments, elle transporte l’urne d’une pièce à l’autre. Quand les soucis s’accumulent, elle se poste en face d’elle et admoneste les cendres avec véhémence.

    Elle leur crie qu’elle n’en peut plus, entre la chaudière qui est tombée en panne, la cave qui a été inondée, le voisin qui se plaint des branches qui dépassent sur sa propriété, les papiers des impôts qui ont disparu. Il aurait pu ranger un peu, mais ça, ça n’a jamais été son fort, et il s’est bien défilé, il la laisse toute seule se débrouiller.

    Et quand elle a dit tout ce qu’elle avait à dire, elle prend l’urne, la fourre par terre dans un coin sombre derrière un meuble, et quitte la pièce en claquant la porte. »

     

    Katherine L. Battaiellie

    Récit

    Rhubarbe, 2018

    http://www.editions-rhubarbe.com/recit.htm