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  • Jean-Paul Chague, « Expansion sans profondeur »

    jean-paul chague, Expansion sans profondeur, l'attente

    « tant de nos livres sont muets

     

    à quoi l’attribuez-vous     des corps

    pourtant y passent entre les lignes

     

    ni cris ni revendications qui les fassent

    se retourner     désir plaisir même

    demeurent affaire privée

     

    ils passent ce sont des entités

     

    ni hoquets ni râles ni murmures

    ni douleur à opérer l’organique

    nous est une langue étrangère

    et tombe de la bouche une mélopée »

     

     Jean-Paul Chague

     Expansion sans profondeur

     Coll. Philox, L’Attente, 2013

  • Michel Chaillou, « Le Sentiment géographique »

    michelchaillou.jpg

    « M’étais-je assoupi ? Il me semble avoir beaucoup parlé durant mon sommeil. Qu’ai-je bégayé ? le souvenir m’ombrage encore d’une espèce de causerie par moments fredonnée à deux sous un orme. Quelle heure est-il ? l’obscurité est si grande que je distingue à peine le livre tombé au pied du canapé. Est-ce moi ces ténèbres dans la glace ? d’Esguilly fut défiguré dit-on ; serait-ce son absence de visage qui annule le mien ou la folie du réveil tuméfiant passagèrement les traits ? les oreilles me tintent toujours d’une flûte achevant je ne sais quoi devant un courant emportant l’âme. Au lieu d’un clocher proche j’entends l’étourdissant battement de mon cœur. Est-ce la nuit, le jour ? Il faudrait repousser les lourds volets pour retrouver l’intelligence de la chambre, de cette bâtisse que mon angoisse tourmente d’une architecture compliquée, voire d’une rampe à pente douce débouchant sur un panorama aussi intime que celui de mes yeux actuellement aveuglés, il faudrait écarter les persiennes pour fixer l’esprit, clouer du cri du coq l’imagination qui trop vagabonde, il faudrait, mais le sentiment m’envahit, alors que tâtonnant je redresse du bras une chaise que mon genou renversa, le sentiment me submerge, et me voilà déjà loin dessous l’eau, que passer la tête à la fenêtre c’est courir le risque d’être interpellé dans une langue tournoyante comme le remous de la gueule des chiens, de meutes peut-être ségusiennes ou ségusiaves aboyant silencieusement à la lune d’une terre échevelée. Je n’ose ouvrir. »

     

     Michel Chaillou

    Le Sentiment géographique

    Gallimard, coll. Le Chemin, 1976

    rééd. Coll. L’Imaginaire, 1989

     

     pour accompagner Michel, ce jour, au Père-Lachaise

     

    Un document de 1969 : http://www.ina.fr/video/CPF10005607