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  • Chantal Dupuy-Dunier, « Mille grues de papier »

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    173

     

    Avec un fragment de soleil,

    l’enfant aurait plié une grue

    qui en aurait valu plus de cent.

     

    Origami incandescent

    de nature à s’opposer au rayonnement de la bombe ?

     

     187

     

    Sadako plie une grue

    dans l’aile diaphane d’un oiseau mort.

     

    Un peu de poudre sur les doigts.

     

    287

     

    Dans une larme,

    Sadako plie une grue aux ailes liquides.

    Dans la courbure d’une larme

    sa vie s’infléchit.

    Des globules blancs prolifèrent au ciel

    aux côtés des étoiles.

     

     

    506

     

    J’avais l’âge de Sadako,

    je vénérais Thérèse et ses roses,

    voulais devenir carmélite.

    Il ne demeure rien de ma folie d’enfermement.

    Cependant j’ai conservé

    comme un fétiche amérindien,

    une statuette de ma sainte.

    Dans chaque église visitée, c’est elle que je cherche.

    Tant de grandeur dans cette petite vie,

    si vite éteinte, tels les cierges sur le présentoir.

     

    Dans une goutte de cire

    tombée sur le fer forgé,

    Sadako plie une grue.

     

    635

     

    Il pleut des grues d’origami

    sur la couverture en coton d’un lit d’hôpital,

    au long des couloirs blancs,

    dans les paumes ouvertes du visiteur.

     

    Il pleut de vrais oiseaux dans les rêves.

     

    Dans les rêves,

    on parviendrait à compter jusqu’à mille,

    à aller jusqu’au bout du voyage ?

    Dans les rêves, on pourrait…

     

    Chantal Dupuy-Dunier

     Mille grues de papier

     Poésie / Flammarion, 2013

  • Brigitte Palaggi & Olivier Domerg, « Fragments d’un mont-monde »

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    « Désécrire le poème quand il vient. Jalonner son chantier d’inscriptions citations injures ou de formules prétendument définitives. Vouloir que Manse soir le lieu d’une bataille au long cours, d’une empoignade, d’un règlement de conte poétique et alpin. Et, chaque matin, à heure dite, se retrouver sur le pré, pour, dans l’intervalle et dans l’amble du présent, enregistrer tout ce qui survient, séance tenante, fragments de temps, bribes de chant, pans de mont et de monde. Pour consigner l’inconsignable, stigmates du sol, mouvements invisibles, géologies intérieures, pluralité (rurale) du réel, de même que cet “infini détail du fini”.

     

    Faire syntaxe de tout.

     

    Perpétrer quelques exactions, chutes de registres ou fautes de goût, au passage. Se comporter comme un maladroit, un persifleur, un soudard, un grossier personnage. Pousser la poésie à la faute, à la sortie de piste ou de virage. L’envoyer sur les rosses, plutôt que sur les roses. L’acculer dans ses ultimes ressources et retranchements. Lui faire la misère : entourloupes, pied de nez, croche-pattes ; la mettre en cause et en doute ; lui tendre sans cesse des embuscades, dans ce défilé repéré, hier encore, par exemple, au bas de la crevasse, au pied du Puy immense, au seuil de sa très lente hémorragie, dans son repli le plus intime, le plus interne, comme au plus près de la masse. »

     

     Brigitte Palaggi & Olivier Domerg

    Fragments d’un mont-monde

    Autres et pareils / Le bleu du ciel, 2013

    http://autresetpareils.free.fr/index.htm