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  • Caroline Sagot Duvauroux, « Un bout du pré »

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    DR

     

    « L’arbre

     

    Les livres se présentent et la mémoire y laboure à sa guise, tout s’actualise de sorte que le livre nait au moment de l’histoire où il n’était pas encore lu. Lire c’est revenir sur la terre mais on ignore où vous débarque la mémoire (cet engin) tout près d’aujourd’hui parfois dans le grand hier. Toutes les plantes ne sont pas annuelles ni vivaces ; celle qui sort là que je n’avais jamais vue, élaborait ses sèves, derrière déjà ; c’est là que j’alunis. D’où venais-je ? je l’ignore, j’emporte d’où je viens au promenoir de ce qui vient. »

     

    Caroline Sagot Duvauroux

    Un bout du pré

    Éditions Corti, 2017

    http://www.jose-corti.fr/

  • Jacques Sicard, « La Géode & l’Éclipse »

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    À Paul Celan

     

    « Un rien

    nous étions, nous sommes, nous

    resterons, en fleur :

    la rose de rien, de

    personne

     

    Comment entendre ces vers ? – À Treblinka, les nazis pratiquèrent comme ils le préméditaient de le faire avec d’autres camps d’extermination, sans en avoir le temps. En 1943, après l’assassinat de près d’un million de juifs, les chambres à gaz sont dynamitées et détruites. Les baraquements, les clôtures et les autres installations démontées jusqu’à totale disparition. Le sol est labouré, planté d’arbres et semé de lupin. Ici, il n’y aura rien eu que le passage des saisons et personne pour témoigner qu’y éclosent des fleurs de lupin. Le lupin qui appartient à la sous-classe des rosidae, dont la rose fait partie.

    Comment entendre autrement ces vers ? Une variante de l’Odyssée. “Personne”, Ulysse ; “rien”, la Reine ; “rose”, la prose. C’est sous ce nom qu’Ulysse pour le tromper se présente au cyclope Polyphène, mais aussi à partir de ce nom que devient clair son projet de différer indéfiniment son retour à Ithaque. C’est la place nulle que Pénélope occupe à la suite de ce changement d’identité, où elle tisse et détisse pour Personne. C’est l’efflorescence de la prose qui tout en permettant l’étendue, confère à toute cette vacuité le parfum soutenu de la Rose. Il y a tant de manières de ne pas revenir, sans vous faire injure, n’est-ce pas Paul Celan ? »

     

    Jacques Sicard

    La Géode & l’Éclipse

    Éditions Le Pli, 2017