Pierre Reverdy, « Le Voleur de Talan »
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« DÉDICACE PRÉFACE
L’Arme qui lui perça le flanc
Sa plume
Et le sang qui coulait
noir
de l’encre
O vie factice et délicieuse plus réelle
En bas c’est un abîme familier
qui s’ouvre
Une bête venait de remuer
On entendit un sabot gratter le pavé sous la paille
Puis un cri
Attendez-vous à ce qui va se passer
Quelqu’un mit un œil à la lucarne
et regarda
C’était encore la nuit mais la pendule balançait son battant sans sonner les heures et on dut attendre le jour pour savoir de quoi il s’agissait
Les années passent vite dans la tête
obscure d’un enfant
Puis il n’y a plus qu’un souvenir unique qui se transforme
Cependant si l’on regardait
attentivement le même point on
s’apercevrait qu’il n’a pas bougé
C’est un jeu de lumières
On ne voit plus les mêmes couleurs
Et les oreilles aussi auront changé
Quelle épaisse fumée
En essayant d’écarter les ténèbres avec ses doigts il s’est déchiré la figure et le cœur
S’il s’était rencontré lui-même à quelque carrefour
La roue d’une voiture qui passait le frôla et son veston resta taché de boue jusqu’à la fin
Combien y avait-il de temps qu’il
était sorti
Entre tous les objets il y avait un vide qu’il aurait voulu combler et sa tête flottait de l’un à l’autre
Le vent l’aurait emporté au-dessus
des arbres s’il avait voulu
Et toi tu restes là penché sur le parapet
en ayant l’air d’attendre
La cloche qui sonne ne t’appelle
pas
Les sirènes font gémir les ardeurs
d’un autre climat
Une image
Il faut couper toutes les entraves et partir
les mains devant
Au fond de soi il y a toujours un pauvre enfant qui pleure »
Pierre Reverdy
Le Voleur de Talan – roman
Imprimerie Rullière, Avignon, 1917, rééd. Flammarion, 1967
Pierre Reverdy est né le 11 septembre 1889 à Narbonne et mort le 17 juin 1960 à Solesmes.