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  • Jacques Roman, « Histoire de brouillard : la cinquième saison »

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    DR

     

    « Enfant, gardant les vaches dans le brouillard, j’ai appris la dessaisie en mon rôle de gardien, la dessaisie en tout rôle. Et, amoureux, j’ai consenti à la dessaisie. Écrivant, j’ai toujours considéré la dessaisie comme l’authentique présence de l’humilité puissante (humilité, humidité, humaine féminitude ?). Je peux dire aujourd’hui du brouillard tenir violemment la traîne. Ainsi, je peux me revoir enfant tenant en ma petite main le tulle d’une robe de mariée au seuil d’une église, invité innocent au seuil d’une noce charnelle que mon âme respirait, je le jure. Du brouillard, déjà, je tenais aussi du corps la saisie, mariée à… l’insaisie ? »

     

    Jacques Roman

    Histoire de brouillard : la cinquième saison

    Les éditions de l’Hèbe, 2017

    http://www.lhebe.ch/

  • Fernando Pessoa, « Le livre de l’intranquillité »

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    DR

     

    « Depuis cette terrasse de café, je contemple la vie en frémissant. J’en vois bien peu — elle, cette éparpillée — concentrée ici sur cette place nette et bien à moi. Un marasme, semblable à un début de saoulerie, m’élucide l’âme sur bien des choses. En dehors de moi, j’entends s’écouler, dans les pas des passants, la vie évidente et unanime.

    En cette heure-ci, mes sens se sont figés et tout me paraît différent — mes sensations sont une erreur, confuse et lucide tout à la fois, je bats des ailes mais sans bouger, tel un condor imaginaire.

    Pour l’homme vivant d’idéal que je suis, qui sait si ma plus vive aspiration n’est pas réellement de rester simplement ici, assis à cette table, à cette terrasse de café ?

    Tout est aussi vain que de remuer des cendres, aussi vague que l’heure où ce n’est pas encore le point du jour.

    Et la lumière jaillit, se pose si sereinement, si parfaitement sur les choses, elle les dore d’une telle réalité, souriante et triste ! Tout le mystère du monde descend jusqu’à mon regard, pour se sculpter en banalité, en spectacle de la rue.

    Ah ! comme le quotidien frôle le mystère, si près de nous ! Montant à la surface, touchée par la lumière, de cette vie complexe et humaine, comme l’Heure au sourire indécis monte aux lèvres du Mystère ! Comme tout cela vous a un air moderne ! Et, au fond, que tout cela est ancien, est occulte, et tout imprégné d’un autre sens que celui qu’on entrevoit luire en toute chose ! »

     

    Fernando Pessoa – Bernardo Soares

    Le livre de l’intranquillité, volume II

    Traduit du portugais par Françoise Laye

    Présenté par Robert Bréchon

    Christian Bourgois, 1992

     

    Fernando Pessoa est né le 13 juin 1888 à Lisbonne.