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  • Sylvie Fabre G., « Pays perdu d’avance »

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    « Quand la lumière tombe,

    la mère que tu portes sur les épaules

    de l’écriture pour toucher de sa présence

    le ciel garde sa réserve spirituelle,

    le bonheur des jours créés ensemble.

    *

    Quand la lumière tombe,

    tes mots emplis de larmes sont l’horizon

    et le centre. Leur sel, de naissance, demeure

    fidèle à celle qui t’a précédée jusque

    dans le poème, tout-petit nouant l’attache.

    ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

    Enfant, mère, montagne et nuages suspendus,

    l’arbre s’éloignait.

    L’oiseau avait semé le désir du départ de l’autre côté

    mais de son passage nulle preuve,

    juste le cri blanc de la disparition.

    (Je me souviens)

    Venue du Grand Pays l’hirondelle,

    pays perdu d’avance,

    son trait d’encre et le vide où encore je m’oublie

    me font écrire

    comme les mots qui ne savent rien et l’inventent.

    ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

    Qui parle pour dire la présence ?

    Dans le ciel et l’ombre du ciel sur la terre

    telles les saisons les mères passent,

    et les mots. Pour ne pas oublier

    peut-être n’avons-nous qu’une voix

    du berceau au tombeau.

     

    De la mémoire m’arrivent des fragments,

    maison sous le Vercors, lampes et livres,

    vieilles femmes, jeune mère, autant de

    noms qui peuvent s’accorder à l’enfance

    mais le père, le lilas et l’oiseau, les douleurs,

    les extases, comment les recouvrer ?

    ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

    Peut-être la dernière nuit, celle notre mort,

    ne contient-elle que les souvenirs de vie vivante

    éparpillés dans la suite du temps, un défilé, et

    derrière la clôture des yeux, contre la poitrine

    des mères, ces enfants sans âge dont bruissent

    les ailes aux bords oubliés du Grand Pays

    ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

    (Je me souviens)

    Dans la bibliothèque de ma mère les livres

    étaient comme des lampes que je tenais dans mes mains,

    que je levais vers le ciel bleu de rien, qui est tout.

    Ils me rendaient chaque contrée visible

    traversant le temps l’ici et l’ailleurs

    pour retourner à la première éternité dont ils venaient.

     

    Jour et nuit mains tendues dans le mystère,

    je suivais le grand fleuve des mots qui remontaient

    de l'estuaire vers la source pour fertiliser

    mes fondations. Et j’épousais leur abondance:

    il y avait en eux l’appel et le cri pour la vie,

    en eux  le cri et l’écho pour la mort.

    ––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––––

    La mère qui s’en va, l’oiseau qui s’envole

    dans la bibliothèque maintenant déserte

    les livres et leurs mots vieillissent avec l’enfant,

    l’amour toujours les habite, et le perdu.

    Dans le poème il est possible

    que le perdu soit son chant d’éternité. »

     

    Sylvie Fabre G.

    Pays perdu d'avance

    Peintures de François Rebeyrolle

    L'Herbe qui tremble, 2019

    https://lherbequitremble.fr/livres/pays-perdu-davance.html