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Kenneth Rexroth, « Trois poèmes »

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DR

 

« Les avantages de l’érudition

Je suis un homme dépourvu d’ambitions

Et qui a peu d’amis, hautement incapable

De gagner son pain, qui ne

Rajeunit pas, réchappé de quelque destin mérité.

Tout seul, mal vêtu, quelle importance ?

À minuit, je mets à chauffer

Un bol de vin blanc à la cardamone.

Avec mon peignoir tout troué et mon vieux béret,

Assis dans le froid à écrire des poèmes,

À dessiner des femmes nues dans leurs marges de guingois,

Je copule avec des nymphomanes

De seize ans nées de mon imagination.

 

Miroir vide

Tant que nous vivons perdus

Dans le règne de la finalité

Nous ne sommes pas libres. Je m’assois

Dans ma cabane de dix mètres carrés.

Chant des oiseaux. Bourdonnement des abeilles.

Frémissement des feuilles. Murmure

De l’eau sur les rochers.

Le canyon m’enserre.

Au moindre geste, la grenouille de Basho

Sauterait dans la mare.

Tout l’été les feuilles dorées

Des lauriers ont virevolté dans l’espace.

J’ai remarqué aujourd’hui

Qu’une feuille d’érable flottait

Sur la mare. Dans la nuit

Je reste à fixer le feu.

Je voyais autrefois des cités de feu,

Villes, palais, guerres,

Aventures héroïques

Dans les feux de camp de la jeunesse.

Je ne vois plus qu’un feu désormais.

Ma poitrine bouge tranquillement.

Les étoiles bougent là-haut.

Dans l’obscurité transparente

Un dernier tison rougeoie

Parmi les cendres.

Sur la table, il y a une peau de serpent

Desséchée, une pierre brute.

 

“Dans l’air chaud d’avril…”

Dans l’air chaud d’avril,

Allongés nus au pied des pins,

Sous l’abri ensoleillé d’une falaise.

Tu t’agenouilles sur moi et je vois

De minuscules empreintes rouges sur tes flancs,

Comme des morsures, là où des pommes de pin

Ont appuyé sur ta peau.

On peut apercevoir les mêmes marques

Incrustées dans le lignite de la falaise

Au-dessus de nous. Sequoia

Langsdorffii avant la période glaciaire,

Et sempervirens de nos jours,

Ce qui ne fait de différence

Qu’en nombre d’années.

 

Ici, dans la douce et moribonde

Puanteur des fleurs printanières, rejetés,

Deux épaves ensemble,

Sous cet arbre l’espace d’un instant,

Nous avons échappé aux duretés

De l’amour, de l’amour perdu, de l’amour

Trahi. Et ce qui aurait pu être,

Comme ce qui pourrait être, s’évanouit

Pareillement dans ce qui est, pour ne laisser

Que ces idéogrammes

Imprimés sur les immortels

Hydrocarbures de chair et de pierre. »

 

Kenneth Rexroth

Les constellations d’hiver

Poèmes traduits de l’américain par Joël Cornuault

Bilingue

Librairie La Brèche, 1999

http://librairielabrecheditions.blogspot.com/p/catalogue.html

Commentaires

  • Je ne le connaissais pas. C'est très bien. Merci de cette découverte.

  • Ravi de te faire découvrir ce merveilleux Rexroth qui vaut le détour, oui.

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