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Claude Esteban, Trois pages de « L’insomnie, journal »

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DR

 

« Corridors

Qu’on ne ferme pas la porte

durant la nuit.

 

Non, s’il vous plaît. Pas même

si le vent caille

en pierre fine,

 

en air irrespirable, en

poumon gris.

 

Non. Il se peut

qu’une tête s’approche,

le chignon d’une femme,

une virtualité.

 

Laissez-la venir. Qu’elle passe

et qu’elle se perde,

 

pauvre ombre sans corps

entre les murs

entre les flaques de sang

inodores.

 

Laissez la porte

ouverte à qui voudra

 

aller et venir

entre deux fêtes

sans lendemain.

27 déc. 86

 

Matin

Le jour qui n’a pas été

continue de revenir.

 

Il descend dans la rue

et déambule

entre les gilets neufs et les bouteilles,

léchant les vitrines,

dorant les statues.

 

Le jour qui n’a pas été

ne se défend pas. Il

n’a pas besoin de voir, il sait

tout.

 

Qui va vivre et qui

porte déjà

le signe de la mort à la boutonnière.

 

Le jour qui n’a pas été

ne me connaît pas

 

et il cogne à moi sur les trottoirs.

28 déc. 86

 

Ombre

Elle me dit : viens. J’avance

mais je ne la trouve pas.

 

Je trébuche dans mon sommeil

sur des milliers de mouettes,

sur des bateaux sans moteur, sur

des bicyclettes,

sur des rapports scellés auxquels je ne comprends rien.

 

Elle me dit : viens. Et je n’ai

plus de bras

ni d’yeux pour voir, ni nom

entier.

 

Elle me dit : viens. Mais l’insomnie

tire le rideau. 

30 déc. 86 »

Claude Esteban

L’insomnie, journal

traduit de l’espagnol par Emmanuel Hocquard & Raquel Levy

Fourbis, 1991

Extrait du seul livre pour lequel la langue espagnole s’est imposée à Claude Esteban. Publié dans cette langue avec une traduction italienne de Jacqueline Risset sous le titre Diaro immovil par Scheiwiller à Milan en 1987. Claude Esteban ne voulut pas se traduire en français. Emmanuel & Raquel donnèrent cette version, remercions-les.

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