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Armand Dupuy, « vingt août, huit heures cinquante-trois… »

Premier Carnet des Inédits du Malentendu.

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Tableau radiographique de Claire Combelles

 

vingt août, huit heures cinquante-trois, relisant les notes

de C.C., s’active mon sentiment de plongée dans le

T-Shirt bleu de la veille, tube odorant, cheminée grand

tirage, parfumant, fumant dans ma lecture, le texte et l’odeur

mêlés, traces végétales et vitesses des phrases dans le nez.

neuf heures vingt-huit, toujours la mort galope et me rattrape

dans l’odeur, bête traquée par toutes les extrémités (ses flancs

traqués, sa nuque, sa queue, sa truffe traquées, ses oreilles),

devenant l’équivalent d’une tâche aveugle ne cessant d'électriser,

même d’érotiser ma vue pénétrée par couleurs et moussures

lentes. vingt-et-un août, vingt heures onze, mon rapport

d’échelle maladif, l’escalade sensorielle, tension de désir

et de couleurs malmenées, déclinant, fanant, ma tête

ramifiant les obstacles, branchies putréfiées, cherchant

du secours dans mes rimailles visuelles, répétant le vert,

le bleu, patinant dans l’étendue jusque sur mon torse :

ciel et glacier floqués sur le T-Shirt. vingt-trois août,

huit heures, reprendre mon geste parlé, dictaphone

occasionnant la dépression légère dans l’habitacle,

générant ma phrase, main décousue, langagière,

et quatre pneus roulant, pétrissant de plus belle mon élan

de poisson réflexif, ma remontée puis mon retrait dans ce

que creuse la vitesse – l’air seul destinataire –, ne reste

qu’un flux, ce bruit de tristesse et d’ignorance mêlées.

vingt-cinq août, sept heures cinquante-et-une, nuit mauvaise

ramasse dans les épaules l’épuisette ou le tamis malmenés,

mes grilles de lecture aphasiques, tout se verse mal à travers

les yeux, ou me verse, sac de grisaille en moi, sa charge

de bélier mou, l’assaut quand je détourne les yeux, le sac

poubelle à mes pieds, masse fripée, close, cordon rouge,

continue le ciel et, relevant la tête, le ciel répète les plis

du sac à n’en plus savoir ce que continue l’étrange décor

de papier mâché. huit heures treize, on est debout dans

ses jambes avec, parfois, quelque chose encore plus debout

que soi – ou bien les yeux debout dans ce debout de soi,

non pas globes mais perches, flèches, ficelles ou sagaies

lancées. vingt-six août, neuf heures vingt-cinq, j’en appelle

à mes cavités, mes fosses, les grottes portatives qui marchent

en moi d'un pied creux, foulent mes viscères, mes patinoires

et muscles lisses, mon nez soudain lasso tournant sur

son café, sur les cheveux qu’elle détache d’une épaule,

les déposant sur l'autre, la bretelle de chemise de nuit,

fil intime ou longue patte de mouche tordue – l’accroc

dans son bronzage –, j’en appelle à ce qui n’est pas, sans

savoir d’où ni pourquoi j’appelle, je serre les dents, les ombres

se moquent et se resserrent autour de moi, d’un autour

intérieur, se recroquevillent.

 

Extrait de Selfie lent

à paraître, Faï fioc, 2020

http://www.editions-faifioc.fr/

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