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  • Michael Palmer, « Notes pour Echo Lake 7 »

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    « Ainsi ceci était l’histoire est une histoire lune gibbeuse 1 h 10 du matin il tombe du côté du monde d’un pont oui dieu m’a fait pas une dent dans ma tête quoi d’autre le chien gris aboie pendant que sphère à l’intérieur de sphère rouille à côté de la clôture dieu anonyme moi vexé mais je me réveillai puis parti bras gauche replié derrière mon dos ciel clair au-dessus ainsi ceci est ceci et les lucioles sont une partie de cela les criquets araignées blanches débris de la forêt de cèdres dans laquelle il se cachait pluie tantôt tombant ensuite soleil chimique ensuite pluie encore signifiant hiver restes de la forêt dans laquelle il avait vécu minuscule fleur jaune rayée de bleu tout petits doigts et poignets figures étoile-croisée au milieu mots et sang confondus feuilles pas vertes mais ternes et branches sombres enroulées et emmêlées nous grimpâmes au sommet d’une colline obscurcie par la brume nous nous assîmes et parlâmes rien de plus emmitouflés coups de fusils à quelques kilomètres de là brise légère parfumée au romarin et à la sauge chien gris qui aboie à un rocher tombé de haut pendant la lecture d’un livre circulaire rêve chinois rouillant contre la clôture sphère dans sphère dans sphère la limite est trois une maintenant une alors une quoi ou quand cheveux et yeux considérés simplement comme éléments de la composition jour que nous assumons suivrait jour un vous un moi un il-elle-ça ruisseau boueux au-dessous d’une fenêtre quai rats jouant dans arc-de-lumière un signe de tête de godet et un Mincka Mauss paysage dans lequel les figures apparaissent rarement golondrina golonfina et le reste ci-gît Dupont-Chose ses mots étaient bleus et ses dessous roses moineau faucon à peine plus grand que votre palme signe qui se vide s’asseyant et parlant rien de plus n’est tombé du côté du monde lui-même bras tendu pour protéger son visage chien gris aboyant à l’horloge qui se brise en éclats de verre au-delà du mur de la cour suivi par un rire moi-même nous vîmes passer avec des yeux protégés de la lumière l’amant avec des ailes de griffon agenouillé dans une attitude de prière des vagues retombant au pied de notre lit ont été elles ont été malades un peu malades trois soleils traversant un ciel d’hiver moi-même en veste de velours bleu flânant près de la fenêtre à demi-ouverte fantôme suivant l’un tient une lampe l’autre une épée et une éponge bleue comme si c’était des montagnes de rouille paroles cassées après langage vaste rire sans dents mots ouverts après le langage bleu comme si c’était un salut ou une fin subite une marque indiquant quel bleu comme si c’était une lettre rouge comme si c’était un nom écrit à l’envers. »

     

    Michael Palmer

    Notes pour Echo Lake

    Traduit de l’américain par Sydney Lévy & Jean-Jacques Viton

    Spectres Familiers, 1992

  • Florence Delay, « La séduction brève »

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    « Le baiser court est infiniment plus vif et troublant que le baiser long qui est une fin en soi et c’est pourquoi la nouvelle, forme brève, séduit, à l’opposé du roman si long qu’il faut y revenir, y demeurer, et qui parle d’amour. La séduction est liée à des moments brefs, détachables et détachés du cours de l’existence, sorte de création artificielle, électrique, proche de la ré-création. Je n’en ai pas le sentiment tragique. Il est hélas de plus en plus rare d’être troublé puisqu’à l’imitation des écrits qui parlent d’écriture, les femmes, les hommes, parlent de plus en plus volontiers librement d’eux-mêmes à des fins confessionnelles. Se raconter dans l’espoir d’être guéri au lieu d’attendre d’être blessé, d’être compris au lieu d’être rapté, ne plus considérer l’autre comme un miroir, une fontaine, mais comme un analyste, aplanit terriblement le monde. 

    Dans ces circonstances il ne reste plus qu’à essayer de troubler et passer de l’état d’être séduit à celui de séducteur, activité joyeuse, non convenue, légère au sens de non pesante, qui met la durée en péril. »

     

    Florence Delay

    La séduction brève

    Collection « Comme », dirigée par Bernard Noël

    Les Cahiers des Brisants, 1987 – repris en 1997 aux éditions Gallimard

     

    Chère Florence, je garde les beaux souvenirs, chez vous à Paris, à Bordeaux, Biarritz, Saint-Étienne-de Baïgorry,  à Dax, à Madrid, autour des si doux Seins de Ramón Gómez de la Serna (le dessin que vous m‘avez donné est là, tout près), aux arènes…, nos longues conversations, votre si beau sourire, nos amis merveilleux : Michel Chaillou, Jacques Roubaud, Francis Marmande…, et tous vos livres épatants.

    Si chère Florence, vous nous manquez tellement déjà.

     

  • Constantin Cavafy, « Corps, souviens-toi »

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    « Souviens-toi, souviens-toi non seulement de l’ardeur

    Avec laquelle on t’a aimé, non seulement des lits

    Sur lesquels tu t’es étendu, mais aussi de ces désirs

    Qui brillaient clairement pour toi, qui tremblaient

    Dans la voix et qu’un obstacle quelconque a rendus vains.

     

    Aujourd’hui que tout cela appartient au passé,

    Il semble presque que tu te sois abandonné

    À ces désirs, corps. Souviens-toi comme ils brillaient

    Pour toi, dans les yeux, et comme ils tremblaient,

    Pour toi, dans la voix ; souviens-toi. »

     

    Constantin Cavafy

    Poèmes

    Présentation et texte français par Henri Deluy

    Fourbis, 1993