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claude margat

  • Claude Margat, « Chant de l’arbre d’or »

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    © : les Yeux d'Izo

     

    « Un jour

    la bouche a nommé

    brume qui jamais ne se lève

    l’appui sans parole

    le souffle sans image

    combien de jours avant

    combien ?

     

    Il y eut ensuite

    cet autre jour

    millénaire de désirs et de peine

    entre ciel et sentier

    l’herbe gelée sous un vent blanc

    et dans les yeux

    de longues histoires d’aveugles

     

    Ailleurs

    un azur impeccable

    laissait suinter sang et sable

    présent passé qu’importe

    mur de soie ou feuillage d’or

    si s’interrompait le murmure des choses

    qui en retrouverait la mélodie ?

     

    Le regard va

    un autre au sein du même attend

    présence de chose

    remplace la chose

    mais n’en fait rien

     

    Le tourbillon de vent

    qui porte l’âme

    et fait voler à l’angle du vieux mur

    les feuilles mortes

    est comme aujourd’hui

    celui qui tourne

    dans le creux de ta main

    il parle

    mais qui l’écoute ?

     

    On dit en effet qu’un jour parfois

    le temps cesse d’aller

    mais est-ce d’aller qu’il cesse

    ou de venir

    le temps ?

     

    Dans l’âtre tout à coup

    le feu s’emballe

    au cœur du brasier apparaît

    la caverne où naquit

    l’immaculé Phénix

    chaque mot comme un nuage

    avance entre son ombre et son contraire

    chaque vivant

    vers sa propre absence

     

    Tout au loin

    tout au fond de

    l’hermétique mémoire s’affranchit

    l’écume de la vague où

    le rocher commence

    à se pencher vers le caillou

    l’arbre vers l’air

    le ciel vers la terre

    la pensée vers son propre suspend

     

    On sait bien qu’il vient de loin

    le puissant appel

    on sait qu’il vient d’avant

    comme un grand vent d’espace et

    qu’à l’endroit où l’élan s’épuise et

    fait retour sur lui-même

    bat le temps juste

    le temps qui anime l’aile et porte

    la lumière où rien

    jamais

    n’est encore joué. »

     

    Claude Margat

    En marge d’une vie

    Préface de Bernard Noël

    L’Atelier du Grand Tétras, 2016

    en prime, le film consacré à Claude par les yeux d’Izo :

    https://www.youtube.com/watch?time_continue=8&v=KM1MODCix2A&feature=emb_logo

  • Claude Margat, « Daoren. Un rêve habitable »

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    Photogramme du film Claude Margat, réalisé par les Yeux d’Izo en 2011

     

    « Nous ne sommes guère autre chose que la sensation d’un passage éphémère, un passage aussi impalpable que l’ombre et aussi rapide que la pensée. Nous-même et strictement nous-même est ce que nous devenons lorsque s’éteint la sensation du passage en nous de cette ombre spacieuse. Nous-même et strictement nous-même est le rocher au sommet duquel s’assied le mort considérant sa vie passée.

    *

    L’autre côté du monde offre la même apparence que ce côté-ci du monde. La sensation seulement diffère.

    *

    Dans le temps tout se clôt, dans l’espace tout se délie.

    *

    Il y a des moments forts dans le cycle des saisons comme le chant du coucou à midi, dans la pleine chaleur de l’été ou le bruit d’ailes des insectes qui fendent l’air et s’enfuient. Assis face au soleil mais protégé par l’ombre des buissons, tu t’étires dans l’espace matriciel, parcelle de vie négligeable prise dans le coït étouffant du ciel et de la terre. »

     

    Claude Margat

    Daoren. Un rêve habitable

    Avec des encres de l’auteur

    La Différence, 2009

     

    Claude Margat est mort le 30 novembre 2018, à Rochefort où il était né en1945.
    Poète, peintre, romancer, essayiste, c’était un de ces êtres rares qui font que la vie est moins insupportable. C'est dire s'il manque déjà.

  • Claude Margat, « L’Horizon des cent pas »

    claude margat,l'horizon des cent pas,la différence

    DR

     

    « La peinture n’est pas plus admissible que la poésie mais l’une comme l’autre sont aussi nécessaires à la respiration de la pensée que l’air l’est au souffle. L’une et l’autre guérissent l’esprit des aveuglements du sens.

    *

    Une peinture ne devrait jamais sortir de la sphère du geste qui la produit. Le geste est à la peinture ce que la mesure est à la musique.

    *

    Aucun projet. Seulement le rythme et ses déclinaisons.

    *

    Voir la pensée prendre forme sous sa propre main constitue une expérience sans équivalent. Par le travail de la main s’abolit toute distance entre le désir et son objet. Encre et pinceau sont les agents d’un toucher aérien. Ce n’est jamais le peintre qui met un point final à l’approche mais l’objet même du désir. Ce qui manque à la substance constituée de l’œuvre se trouve compensé par le suspens que celle-ci produit en ne s’accomplissant pas. La manière d’un artiste exprime le style de son approche. Lorsque l’intention investit le geste, elle en devient l’élan. Sans crainte ni hâte, il ne reste plus qu’à se conformer au rythme qui commande déjà au pinceau.

    *

    Tout est rythme, scansion. Et tout est vu, saisi en plein vol.

    *

    Ce que la peinture écrit, elle ne le nomme pas mais elle le pense à la manière du poète qui use de toutes les ressources de la langue et fait sourdre à nouveau l’originelle saveur du mot. La main est là, animant d’invisibles remous, communiquant à l’ensemble du corps l’écho d’une présence obscure et cependant familière.

    *

    Je peins sous l’impulsion de ce qui écoute et cherche en moi le sentier de son propre espace, espace qui telle une calligraphie en cursive se déroule et dévoile une double intimité.

    *

    Chaque jour je constate que l’élan qui m’anime n’est pas tant inspiré par le désir d’exprimer ce que je ressens que par celui d’apprendre. Le suprême bénéfice de l’action de peindre est que l’on conduit à tout observer dans le détail. Le regard chaque jour se tourne vers la rive et s’émerveille de pouvoir l’explorer. L’action de peindre produit un dépôt à la surface duquel vibre la présence du vivant.

    *

    Bien voir, c’est bien entendre. Et bien entendre, c’est entendre au-delà de l’audible.

    *

    Dans une peinture c’est l’émotion qui constitue le liant, non l’émotion combustible du regard, mais l’émotion dans la peinture.

    *

    Je peins ce qui remonte de mon œil, et ce qui remonte de mon œil remonte de mon pied.

    *

    Le trait de pinceau doit marquer la présence, désigner plutôt que cerner.

    *

    Il y a un mot pour unir de façon immuable vide et plein : espace. »

     

     

    Claude Margat

    L’horizon des cent pas

    Encres de Claude Margat

    Calligraphies de François Cheng

    Textes de Élisabeth Clément, Claude Louis-Combet, Bernard Noël, Claude Margat

    Entretiens avec Jean-Michel Bongiraud, Jean-Luc Terradillos, Jean-Paul Auxeméry

    Coll. Les Irréguliers, éditions de la Différence, 2005

    On peut écouter & voir avec profit : https://www.youtube.com/watch?v=KM1MODCix2A

  • Claude Margat, « En marge d’une vie »

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    DR

     

    « La tradition allègue en Chine que Cang Jie l’ancêtre mythique inventa le langage des caractères entre deux mouvements de la tête. Premièrement, il considéra les traces laissées par les pattes des oiseaux dans l’argile, puis il leva les yeux vers le ciel et aperçut les premières constellations. Abaissant son regard à nouveau, il relia les deux espaces. Ce double mouvement désigne de la façon la plus explicite le chemin de la relation. L’image du mythe est assez belle, mais elle ne dit rien de l’intuition qui conduisit le génial inventeur de l’écriture à coudre deux espaces aussi différents sur le même ourlet de sens. Or, la mise en relation de deux éléments distincts d’une même réalité suppose au minimum l’existence d’un pré-langage, d’une pré-pensée suffisamment riche déjà pour pouvoir produire une formulation capable d’ordonner les signes, de les installer dans un discours, une logique, un fonctionnement. C’est vers ce moment de synthèse qu'il faut se tourner quand on souhaite aborder le comment de la langue. Et il fait sacrément noir dans cette région de la pensée !

     

    Un corps de langue se constitue peu à peu. C’est un corps d’air dont la seule visibilité s’étale en signes séparés par des blancs. L’ombre noire des signes se forme au cours de silencieux et terribles affrontements. À la surface du corps de langue flotte tout le mobilier brisé des univers définitifs.

    Nécessaire le transfert, et toujours efficace, mais sans une ombre de concession et pas plus de compassion. Car on en est le bénéficiaire un jour, mais c’est pour en devenir l’esclave demain. Sur la page colorée du monde, nous sommes prestement invités à signer le décret de notre propre anéantissement. Nous est seulement offert ce que nous nous montrons capables de saisir dans l’incessant passage de la présence à l’absence. »

     

    Claude Margat

    En marge d’une vie

    Avec 9 peintures de l’artiste

    Préface de Bernard Noël

    L’Atelier du Grand Tétras, 2016

    http://www.latelierdugrandtetras.fr/

  • Claude Margat, « Matin de silence »

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    Claude Margat lisant Matin de silence à Chauvigny ce 5 mai 2013

     

    « ici

    en ne regardant rien que l’air

    on change aussi de ciel

     

     

    en changeant de ciel

    on change de vue

     

     

    en changeant de vue

    on change de pensée

     

     

    en changeant de pensée

    on change tout naturellement de vie

     

     

    voici par conséquent

    l’heure de l’écoute profonde

    le ciel noir du silence

    où se mesure chaque pas

     

    un reflet du passé

    confirme le présent

     

    le présent confirmé

    offre au doute une issue

     

    le monde et l’illusion

    peuvent se reconstituer

     

    transformée l’étendue se donne

    mais l’œil qui l’examine

    s’est une fois encore

    perdu de vue »

     

    pages 34 & 84 du livre

     

     Claude Margat

     Matin de silence

     Préface de Bernard Noël

     L’Escampette, 2011


    http://www.dailymotion.com/video/xgmiql_claude-margat_creation#.UYjWnIIRJVc

     

    Vingt-et-unième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette