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confusément

  • Claude Esteban, « À rebours, confusément »

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    DR

     

    « Si je pensais, c’était une falaise

    à l’horizon, des routes

    vides,

    un soleil invisible sur la mer, ce rose

    dans les roseaux, comme

    du vent solide, l’air qui devient

    blanc, c’était

    une falaise d’ocre avec la main

    qui l’inventait

    sur un carré de toile et trois couleurs.

    ——————————————— 

    Les morts n’ont pas

    de lieu, pas d’ombre à eux, mais

    ils durent dans les yeux

    des autres, ceux qui sont là, les morts

    le savent, ils se souviennent

    et c’est une façon à eux

    de vivre une seconde fois sans que rien

    maintenant les blesse et c’est

    trop de douleur pour ceux qui restent, trop

    de malheur qu’il faut chasser pour être un peu.

    ——————————————— 

    Peut-être viendra-t-elle

    et je ne la reconnaîtrai plus, un soir, 

    elle, si jeune maintenant et brune, sans que

    j’entende ses pas

    et ce sera brusquement

    le même désir emmêlé de nous et

    je toucherai cette bouche

    qui ne peut mentir

    ni me dire qu’on l’attend ailleurs et que ce soir

    elle passait très vite.

    ——————————————— 

    Frères, hommes, humains, un autre

    vous appelait ainsi et vous l’avez laissé

    mourir très loin de son amour, frères,

    faut-il encore

    qu’on s’adresse à vous, dans la hâte,

    dans le tourment des os, frères, n’êtes-vous là

    que pour cet unique regard

    sur ceux qui partent, qui sont

    là, qui ne sont plus là,

    et vous devant, frères vivants, qu’on aime encore.

    ———————————————

    Une femme a souri

    dans son sommeil et dehors

    le premier oiseau commence à dire

    que c’est l’aube et cette femme

    bouge un peu, elle a des seins

    qu’il faudrait caresser, je crois, pour

    vivre encore, un peu

    de temps encore et je suis

    là, près d’elle, comme

    une pierre et cette femme qui sourit existe au loin.

    ———————————————

    La porte, la dernière, la plus

    obscure

    est ouverte, sache-le, nuit et jour,

    personne jamais ne la referme,

    aussi ne te hâte pas, tu franchiras

    le seuil à ton heure, quelqu’un

    veille là-bas qui n’a pour tâche que le poids

    des âmes, les corps

    eux, ne souffrent plus ni

    ne se souviennent, ni ne reviennent non plus.

    ———————————————

    Mais n’est-ce pas

    dans un soir comme celui-ci,

    facile, la terre

    a des façons très douces

    de vous endormir, il y a, un peu

    partout, dans le ciel au-dessus, des

    anges, des chants

    qu’on n’entendait presque plus, c’est

    peut-être la fin

    et c’est facile, il suffit de fermer les yeux. »

     

    Claude Esteban

    Sept jours d’hier

    Fourbis, 1993