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sur la terre comme en enfer

  • Thomas Bernhard, « il me semble »

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    DR

     

    « Il me semble que j’étais beaucoup plus jeune

    plus jeune encore que ceux qui sont déjà morts,

    je voyais les villes et la fatigue des yeux

    était la plainte de l’été dans les ruisseaux.

     

    Plus jeune j’étais que ceux qui me blessaient souvent

    et qui ont oublié mon nom depuis longtemps

    derrière le métier à tisser, sous le marteau,

    ou dans l’abrupt sillon de la herse.

     

    Il me semble que j’étais beaucoup plus jeune

    et qu’en mars avec les nuages j’étais suspendu dans le ciel,

    construisant les marchés sans repas de mort

     

    et les cœurs carbonisés

    avec l’avril j’étais aussi en voyage

    migrant avec les oiseaux en aval des fleuves,

     

    riais sous les bosquets

    et étais triste avec les herbes.

    Dans les chambres je voyais mourir

     

    beaucoup de ceux qui m’aimaient.

    Mais pour parler avec le vent

    je fus élu.

     

    Il me semble que j’étais beaucoup plus jeune,

    je sentais des messes de mort sauvages,

    les étoiles sauvages,

     

    les églises s’élevaient sur la mer de blé,

    toujours

    la joue de ma colline

     

    était familière de ma colère.

    Je n’étais si fatigué que là

    où sonnaient les pommes et où chantait l’hiver

     

    de mille coquillages.

    Le jour s’en allait en soupirant,

    l’année était acculée contre le mur

    noirâtre, perturbée par les angoisses de mon époque.

     

    Il me semble que j’étais beaucoup plus jeune. »

     

    Thomas Bernhard

    Sur la terre comme en enfer

    Bilingue

    Traduit de l’allemand et présenté par Suzanne Hommel

    Orphée, La Différence, 2012