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wang chao ki

  • Lo Mengli, « La folle d’amour »

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    Wang Chao Ki

     

    « Mon cousin passait à l’école toutes ses journées, il revenait pour dîner ; ensuite, au clair de lune, nous nous promenions dans le fond du parc, où le feuillage touffu nous protégeait contre les regards indiscrets.

    Houei glissait sa main dans ma large manche, et m’atteignait au point sensible. Nos regards se cherchaient, nos lèvres se prenaient longuement. Lourds de désir, nous revenions à petits pas, et, sous la lanterne aux panneaux de soie, nous poursuivions nos découvertes.

    La candide virilité de mon cousin le portait aux gestes les plus simples, mais le plaisir éveillait en moi une imagination d’amoureuse et je m’y montrais inventive.

    Ce soir-là, j’entrepris de dispenser la joie suprême sans qu’il en coutât le moindre effort à mon bien-aimé. Par malheur, ma sœur s’éveilla et s’indigna de me voir en cette posture cavalière.

    J’eus l’esprit de répondre : “Notre cousin tremblait de froid, j’essayais de le réchauffer.”

    “Et vous me faisiez du bien, sœur aînée, voyez, je claque des dents !” insista le rusé.

    “Puisque tu lui fais du bien, continue !” dit ma sœur ingénuement.

    Elle se rendormit et je me remis en selle avec la curieuse impression d’avoir changé de sexe, tandis que mon cousin découvrait, lui, l’agrément de l’inertie.

    Les crochets des rideaux tintaient, le lit grinçait de tous ses ressorts comme une barque secouée par la tempête.

    Ma sœur se retourna et, sans ouvrir les yeux :

    “Renvoie chez lui ce petit sauvage”, ordonna-t-elle.

    L’aube commençait à poindre, j’étais lasse, le sommeil ferma mes paupières.

     

    Le lendemain, nos parents revinrent et ma sœur apprit à ma mère que nous avions cru devoir faire place à mon cousin dans notre lit. Elle en fut atterrée.

    Mon père décréta que son neveu coucherait désormais dans le pavillon du professeur. Ainsi prirent fin nos relations amoureuses.

    Au bout de quelques semaines, Houei retourna chez ses parents. Il me fit cadeau, en partant, d’un mouchoir de soie sur lequel il avait composé pour moi ce poème :

       Un parfum troublant se dégage du coin de l’oreiller.

       De couleurs éclatantes est brodée ma couverture verte.

       Mais ma bien-aimée m’oubliera,

       et personne ne viendra, sous la lanterne,

       enchanter mes nuits solitaires. »

     

    Lo Mengli

    La folle d’amour Confession d’une chinoise du XVIIIe siècle

    Adapté et préfacé par Lucie Paul Margueritte

    Illustré par Wang Cho Ki

    Éditions du Siao, 1949, rééd. Éditions You-Feng, 2005