lundi, 31 décembre 2007
Josée Lapeyrère est morte
Josée Lapeyrère était née dans le Gers où elle avait une maison près de Lectoure. Elle vivait et écrivait à Paris où elle était psychanalyste.
Elle avait publié de nombreux livres tous passionnants. En 2005, le bleu du ciel avait fait paraître, dans la collection Biennale des Poètes en Val-de-Marne, dirigée par Henri Deluy, ce joyeux livre collectif avec ses amies Liliane Giraudon, Anne Portugal et Michèle Grangaud : Marquise vos beaux yeux où les quatre voix se mêlaient pour donner à lire ce qui du privé devient commun et indispensable à chacun. Une lecture concert avait eu lieu au Molière-Scène d'Aquitaine avec les quatre auteurs et le pianiste Benoît Delbecq.
Dans l'Éloge du coureur publié par Al Dante/Niok en 1998, elle écrivait :
" Il est des phrases qui bouleversent la langue maternelle. Leur trajet à travers sa texture en emporte la profondeur et délivre – grâce aux césures, au jeu entre les sons et le rythme – des sens inattendus et multiples, à ricochets, à rebondissements que n'épuise pas la traversée des siècles.
On peut lire entre les lignes l'empreinte de toutes les lettres qu'il a fallu abandonner, la marque des battements où se sont divisés les chemins, le souvenir des rencontres inédites qui ont incurvé le parcours, les traces des deuils successifs qui ont allégé et soutenu la progression de la marche.
Marque du vacillement rompu par le tranchant du choix qui fait que telle phrase devenue nécessaire tient debout seule appuyée sur ses trous d'air et continue à respirer contre le temps qui passe."
C'est le meilleur éloge qui soit, ce soir.
01:50 Publié dans Écrivains | Lien permanent
dimanche, 23 décembre 2007
Julien Gracq est mort
"L'écart entre la réputation faite à un auteur et la somme de ferveur réelle et éclairée qu'on lui voue traduit simplement, si l'on veut, ce fait d'observation courante : c'est que, dès qu'il s'agit de littérature, il y a en France plus de gens qu'ailleurs pour ”réciter le journal”."
La littérature à l'estomac, José Corti, 1950
11:05 Publié dans Écrivains | Lien permanent
vendredi, 21 décembre 2007
Christian Bourgois
Christian bourgois était un seigneur. Ça devient rare. Il va falloir les protéger comme les baleines. C'était un éditeur, un grand.
Né à Antibes en 1933, il est mort jeudi matin à Paris, à 74 ans, des suites d’un cancer qu’il a supporté avec son élégance coutumière. L'élégance d'un seigneur.
Il aimait les livres et leurs auteurs et leurs traducteurs, c'est rare.
Jim Harrisson, Jean-Christophe Bailly, Antonio Lobo Antunes, Michel Deutsch, Laura Kasischke, Linda Lê, Juan Marsé, Enrique Vila-Matas… doivent tous être en larmes depuis hier. Ils ont perdu leur éditeur en France.
Allez les rejoindre et tous les autres sur www.christianbourgois-editeur.fr/
Il va sérieusement manquer.
09:40 Publié dans Livre | Lien permanent
lundi, 17 décembre 2007
Poème pour MTC et MS

je pense que je suis fou
mais je monte dans ma voiture
par habitude, simplement
je démarre & quand je suis au bout de la rue
elle me chuchote une exagération
les exagérations sont plus vraies chaque jour
dans le champ de décombres de notre « style de vie »
Un ami me confie qu’il a décidé de ne plus partir en vacances pour ne plus polluer la campagne.
Un autre m’appelle en pleine nuit, pour m’expliquer qu’il va adopter un ours polaire.
Un troisième évite dorénavant de parler de politique.
Cesare me téléphone de chez Johnny H. à Mérignac. Je dois ne rien dire à la police. Je ne dis jamais rien à la police.
Johnny H. a une mobylette orange avec laquelle il se rend régulièrement au cimetière de Trensacq pour bavarder avec Bernard Manciet.
« Nous sommes en guerre », me crie quelqu’un que je ne connais pas dans l’oreille droite.
« Daisy m’a quitté », me hurle Donald dans l’oreille gauche.
Ces cris ont des effets très nocifs sur mon état nerveux.
Je ne peux pas me rendre au pot de départ à la retraite de mes camarades.
Les « gens qui savent » m’ont rendu fou.
13:50 Publié dans Réflexions | Lien permanent
samedi, 15 décembre 2007
Le coffret, le secret
Le coffret, le secret, quatre à quatre.
Alina Reyes, Jacques Abeille, Claude Chambard, Gérard de Loiès. 19 €
http://www.zazieweb.fr/site/reagir.php?num=86587&read...
Également un très long article de Katrin Alexandre "Lectures, onguents et voluptés" dans le numéro 7, novembre/décembre 2007, du Magazine des Livres. En voici le début : "Ce beau coffret de nouvelles érotiques, composé de quatre textes inédits proposés par les éditions In8 est d'abord un délice pour les yeux et pour le toucher. On ouvre les quatre livrets aux pages satinées comme on ouvre un écrin ou le cœur d'une pivoine pourpre, excité par le mystère qu'ils comportent." Allez lire la suite.
11:50 Publié dans Livre | Lien permanent
jeudi, 13 décembre 2007
De la démocratie, Alexis de Tocqueville

Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent ; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes(...)
Si, à ce moment critique, un ambitieux habile vient à s’emparer du pouvoir, il trouve que la voie à toutes les usurpations est ouverte. Qu’il veille quelque temps à ce que tous les intérêts matériels prospèrent, on le tiendra aisément quitte du reste. Qu’il garantisse surtout le bon ordre. Les hommes qui ont la passion des jouissances matérielles découvrent d’ordinaire comment les agitations de la liberté troublent le bien-être, avant que d’apercevoir comment la liberté sert à se le procurer ; et, au moindre bruit des passions politiques qui pénètrent au milieu des petites jouissances de leur vie privée, ils s’éveillent et s’inquiètent ; pendant longtemps la peur de l’anarchie les tient sans cesse en suspens et toujours prêts à se jeter hors de la liberté au premier désordre.
Je conviendrai sans peine que la paix publique est un grand bien ; mais je ne veux pas oublier cependant que c’est à travers le bon ordre que tous les peuples sont arrivés à la tyrannie. Il ne s’ensuit pas assurément que les peuples doivent mépriser la paix publique ; mais il ne faut pas qu’elle leur suffise. Une nation qui ne demande à son gouvernement que le maintien de l’ordre est déjà esclave au fond du cœur ; elle est esclave de son bien-être, et l’homme qui doit l’enchaîner peut paraître. (...)
Il n’est pas rare de voir alors sur la vaste scène du monde, ainsi que sur nos théâtres, une multitude représentée par quelques hommes. Ceux-ci parlent seuls au nom d’une foule absente ou inattentive ; seuls ils agissent au milieu de l’immobilité universelle ; ils disposent, suivant leur caprice, de toutes choses, ils changent les lois et tyrannisent à leur gré les mœurs ; et l’on s’étonne en voyant le petit nombre de faibles et d’indignes mains dans lesquelles peut tomber un grand peuple...
Le naturel du pouvoir absolu, dans les siècles démocratiques, n’est ni cruel ni sauvage, mais il est minutieux et tracassier.”
Alexis de Tocqueville. De la Démocratie en Amérique, Livre II, 1840 (10/18, 1963).
10:20 Publié dans Réflexions | Lien permanent
samedi, 08 décembre 2007
Pascal Quignard
Pascal Quignard était mercredi 6 décembre à 18h à la bibliothèque Mériadeck de Bordeaux pour présenter son livre la Nuit sexuelle – publié aux éditions Flammarion – grâce à la volonté de Sophie Chambard – que l'on me permette d'être fier – et à la complicité active d'Évelyne Rocchetto. On a refusé du monde et la salle était archi comble, le public au rendez-vous à tel point que l'on diffusait la conférence sur des écrans dans le hall de la bibliothèque.
La SS ne m'ayant pas permis d'assister à cette conférence puisque les horaires de sortie des assurés en arrêt maladie – je vais avoir un contrôle là c'est sûr – ne leur permettent pas de sortir combler leurs désirs intellectuels, mais exclusivement de pouvoir se rendre dans des grandes surfaces consommer, consommer, consommer toujours, afin de retourner le lundi suivant oublier qu'ils ont une vie et qu'ils peuvent penser, je n'y étais pas et je le regrette bien. Le tout Bordeaux non plus et c'est tant mieux. Je suis un homme en colère depuis 57 ans et ça ne s'améliore pas. Je suis toujours aussi bête également, les "gens qui savent" me le rappellent assez souvent, mais c'est comme ça et finalement, on l'aura compris j'en suis plutôt fier et j'ai beaucoup de défiance envers les "gens qui savent" – et qui aiment surtout le pouvoir (Nicolas Sarkozy aussi, ça n'a pas l'air de les gêner).
Revenons à Pascal Quignard.
J'écrivais ce matin à Isabelle Baladine Howald, poète et libraire (Kléber à Strasbourg) que je pensais qu'il était le plus grand écrivain vivant et elle en convenait. La formule "plus grand écrivain vivant" est un peu con je l'avoue. Nous entendions par là "qui construit depuis sa première ligne une œuvre qui fait sens, qui s'impose, qui crée ses lecteurs", ce n'est pas si courant. Nous en avons ajouté quelques autres que je ne citerais pas aujourd'hui.
Je ne peux rien dire sur cette conférence puisque je n'y étais pas.
Je peux juste recopier, non pas des lignes de la Nuit sexuelle – ça viendra –, mais des lignes tirées de son œuvre ancienne et toujours aussi présente à l'âme, au cœur, à la pensée et à tout le tremblement.
Donc acte :
“Les premiers cris d’enfant lisent déjà en les criant des traces plus anciennes et terribles que les plus anciennes écritures attestées.” le Lecteur, Gallimard 1976, p. 82
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“Sans doute l’ancien français nommait-il de même “sol” le plancher, la semelle : lieu où va la plante du pied. Mais l’espace qu’occupe la plante du pied ce n’est aucune terre et ce n’est aucun sol. C’est la peau nue qui la revêt. Ou la peau écorchée qui la chausse.” Sur le défaut de terre, pointes sèches de Raoul Cordesse, Clivages, 1979, p. 55
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“Le langage teint les lèvres comme les mûres.” Sarx, pointes sèches de Gérard Titus-Carmel, Maeght, 1977, p. 51
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“Un livre est assez peu de chose, et d’une réalité sans nul doute risible au regard d’un corps. Il ne se transporte au réel que sous les dimensions qui ne peuvent impressionner que les mouches, exalter quelques blattes, étonner les cirons? Parfois l’œil d’un escargot enfant.
Il introduit dans le réel une surface dont les côtés excèdent rarement 12 à 21 cm, et l’épaisseur d’un doigt.” Petit traité, tome I, éd. Clivages, 1981, p. 49
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“Par le silence du livre le monde est plongé dans un silence plus silencieux que le silence du monde.” ibid. p.59
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“Si ce n’est pas l’écrit que nous souhaitons écrire
Le sang de ce que nous éprouvons,
S’il n’épouse pas les lettres qui les nomment,
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S’il ne franchit pas nos lèvres,
(mais le mouvement agité qui l’anime. L’EFFUSION DE SANG. Lèvre blessée de ses lèvres.
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La violence terrifiée des lettres qui le nomme. Mais sans nom.
Mais le mouvement agité qui l’entraîne dans la mort.
Mais sans nom, ni intérieur à nous, ni le dehors, le sang)
Il lui manque alors une part de ce qui le dessaisit,
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Et en lui erre, dévale brusquement,
Plus qu’il ne nous accomplit, n’atteste de nous
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Ni témoigne de lui.” Sang, Orange Export Ltd, 1976, texte intégral, les lignes sont les changements de pages
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"Parler (en tant que parler parle) parle de chez ce que la langue tait.” Hiems,Orange Export Ltd, 1977, non paginé
12:00 Publié dans Écrivains | Lien permanent
lundi, 03 décembre 2007
BIbliothèque Mériadeck, 6 décembre, 18h
PASCAL QUIGNARD
LA NUIT SEXUELLE
Conférence
Jeudi 6 décembre à 18 h
En partenariat avec la librairie Mollat
Bibliothèque Meriadeck , 85, cours du Maréchal-Juin 33000 Bordeaux
Salle de conférences niveau -1 Rens. 05.56.10.30.02 Entrée libre
<http://www.bordeaux.fr/>
15:40 Publié dans Manifestations | Lien permanent