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  • Pierre Silvain, colporteur

     

     

    silvain.jpgPierre Silvain, né en 1927 au Maroc, vient de mourir. Il avait publié, en août dernier, Assise devant la mer. Son précédent livre, Julien Letrouvé colporteur, avait particulièrement été remarqué. Son œuvre importante, depuis La Part de l'ombre, chez Plon en 1960, est à lire sans aucun doute.

    « Julien Letrouvé avait approché sa boîte, il en retira le couvercle doublé d’un drap fin couleur de sable, comme celui qui en tapissait le fond. Il dit résolument à M. Garnier que ceux des livres qu’il tenait à emporter étaient, sans qu’il y eût d’ordre de préférence dans son énumération, L’Histoire de Fortunatus, Mélusine, Complainte du Juif errant ainsi que Till l’Espiègle et La Princesse de Clérac, par Monseigneur de Dalbour. Il prendrait aussi La Farce de Maître Pathelin, La Jalousie du Barbouillé et la petite brochure où il y avait l’éloge funèbre du bedeau picard Michel Morin qui fut si grand carillonneur en son temps. Après une hésitation, il ajouta très vite qu’il avait choisi, enfin, La Forêt des merveilles. En énonçant ce dernier titre, il désigna un livre à l’écart, comme délaissé à un bout de la table. M. Garnier eut une expression de vif étonnement et finit par dire qu’il n’y avait pas d’ouvrage de ce nom parmi ses publications, non plus à sa connaissance que dans celles de ses confrères de cette ville ou d’ailleurs. Et parce que Julien Letrouvé protestait que c’étaient ceux qui faisaient la lecture aux veillées, dans les écreignes, qui le demandaient, M. Garnier répliqua que sans doute il ne l’avait pas bien compris, ce titre inconnu, à moins que pour son amusement il ne l’eût inventé de toutes pièces. Ce fut la seule fois qu’entre eux se dressait quelque chose qui chez l’un ressemblait à du défi, chez l’autre à du soupçon. Était-ce encore à cause de ce temps qui se chargeait des menaces du ciel et des hommes et ne tarderait pas à crever à grand fracas sur eux ? N’entendant pas disputer davantage en pure perte, ou sentant peut-être poindre un sombre pressentiment, M. Garnier prit le livre sur la table et le déposa avec les autres dans la boîte. Toutes les couvertures bleues sur le fond couleur de sable étaient comme un attardement des beaux jours. Julien Letrouvé replaça le couvercle. L’obscurité s’accrut dans la salle. Tandis qu’il lui donnait l’accolade, M. Garnier sentit des larmes couler le long de sa joue. Il lui ouvrit la porte et tristement murmura un adieu. »

    Julien Letrouvé colporteur, Verdier, 2007

    Deux liens : http://www.editions-verdier.fr/v3/auteur-silvain.html,silvain
    http://poezibao.typepad.com/poezibao/2008/04/pierre-silvain.html

  • LE(S) POËT(ES) à LE POËT

    LE(S) POËT(ES)


    avec

    Julien Blaine
    Éric Blanco
    Arno Calleja
    Olivier Domerg
    Guy Ibanez
    Claudie Lenzi
    Antoine Simon
    Dorothée Volut

    des POËTES en lecture au POËT,
    un événement exceptionnel

    Samedi 31 octobre 2009 à 16 h

    Salle des Fêtes - 05 130 Le Poët

    [entrée libre]

    LE POËT se situe dans l'extrême sud-est du département des Hautes-Alpes, à 10 km au nord de SISTERON et à 40 km au sud de GAP.
    La Salle des fêtes se trouve au centre ville, dans la rue principale.

    lePoetweb.jpg

    photographie © Brigitte Palaggi, 2007



    Un événement POËTique, festif et convivial, organisé conjointement par Autres et Pareils (BDR), la Maison Usher (HAUTES-ALPES), Plaine Page (VAR) ; avec l’aide de la municipalité du POËT et à l’initiative de poètes de la région désireux de faire entendre la poésie contemporaine dans le village du POËT.

    AUTRES ET PAREILS
    Bâtiment C12 - Résidence Paradis St Roch
    13500 MARTIGUES, T. 04 42 42 09 55, autresetpareils@free.fr
    http://autresetpareils.free.fr

    AUTRES ET PAREILS reçoit l'aide et le soutien de la ville de Martigues, de la DRAC PACA (Ministère de la Culture et de la Communication), de la Région PACA, du Conseil Général des Bouches-du-Rhône.

    Maison Usher, 47 le Village, 05300 UPAIX
    T. 04 92 24 27 81, maison.usher@free.fr
    www.maison-usher.fr


    PLAINE Page, Zone d'Intérêt Poétique
    185 Rue des Tanneurs, 83670 Barjols
    T. O4 94 72 54 81, contact@plainepage.com
    http://www.plainepage.com

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    Autres et Pareils

    http://autresetpareils.free.fr

  • goodbye and take it easy, Raymond & wish me luck…

    chapo_federman.jpgRaymond Federman, né en 1928 à Paris, est mort le 6 octobre 2009 à San Diego en Californie.

    « alors voilà, maintenant tu sais tout, et aujourd’hui c’est la dernière fois qu’on se voit, mais avant qu’on se quitte tu veux bien me dire ton nom, on ne sait jamais, peut-être que j’aurai encore besoin de toi dans l’avenir proche pour une autre histoire, tu me le dis ton nom…

    quoi, ton nom c’est Féderman, c’est pas vrai, ah ça c’est drôle, quelle coïncidence, je connais un mec en Amérique qui s’appelle comme ça, Federman, mais sans accent, un drôle de phénomène, un gambler, je veux dire un mec qui joue tout le temps, un joueur quoi, lui aussi un Juif rescapé de l’impardonnable énormité, peut-être que vous êtes cousins, on ne sait jamais, ce mec-là il dit toujours que d’être un survivant c’est une joie, survivre ne doit jamais te rendre triste, au contraire ça te libère de toutes responsabilités, moi je ne suis pas d’accord avec lui, et je lui ai même expliqué une fois que mon rôle, si j’en ai un à jouer, en tant que survivant, ici, là-bas, n’importe où je vais, dans les villes, les pays, les livres que j’écris ou que j’écrirai, c’est de redonner un peu de dignité à ce qui a été humilié par l’impardonnable énormité…

    bon eh bien, voilà, je te dis au revoir, mais avant qu’on se quitte il faut quand même que je te demande quelque chose, dis-moi, est-ce que c’est moi qui dois te payer pour t’avoir raconté mes histoires, ou bien est-ce que c’est toi qui dois me payer pour m’avoir écouté…

    quoi, c’est gratuit, personne paye, ah ça c’est vachement bien, ah si c’est bath, mes histoires sont gratuites, alors voilà ça y est, je te laisse…

    tiens viens ici qu’on s’embrasse pour se dire au revoir…

    goodbye and take it easy mon vieux, et comme on dit toujours en Amérique quand quelqu’un s’en va, wish me luck… »


    la Fourrure de ma tante Rachel
    Laureli/Leo Scheer 2009



    Parmi les monstres, éditions Millas-Martin, 1967
    Amer Eldorado, Stock, 1974
    Samuel Beckett, Les Cahiers de l’Herne, 1976
    La Flèche du Temps, Circé, 1991 et 1998
    La Fourrure de ma tante Rachel, Circé, 1996, rééd Al Dante, 2003, rééd, Laureli/Leo Scheer, 2009
    La Voix dans le débarras / The Voice in the closet, Les Impressions nouvelles, 2002, rééd. 2009
    Amer Eldorado 2/001, Al dante/Léo Scheer, Paris, 2003
    À qui de droit, Éditions des écrivains, Paris, 2003, rééd. Al dante, 2006
    Future concentration, Le Mot et le reste, 2003
    Ici & Ailleurs, Le Mot et le reste, 2003
    Le Crépuscule des clochards, avec Georges Chambers, Le Mot et le reste, 2004
    Sonate d’amour insolite, Point de Fuite, 2004
    Moinous & Sucette, Al Dante, 2004
    Mon corps en neuf parties, Al dante/Léo Scheer, 2004
    Quitte ou double, Al dante/Léo Scheer, 2004
    Retour au fumier, Al Dante, 2005
    L’Extatique de Jule et Juliette, Le Mot et le reste, 2005
    Elle est là, avec Mathias Pérez, Carte blanche, 2006
    Surfiction, Le Mot et le reste, 2006
    Le Livre de Sam (ou) Des pierres à sucer plein les poches, Al dante, 2006
    À qui de droit, Al dante, 2006
    Coups de pompe, Le Mot et le reste, 2007
    Chair jaune, avec des craductions de Pierre Le Pilloüer, le bleu du ciel, 2007
    À la queue leu leu, Cadex, 2008
    Chut, Laureli/Léo Scheer, 2008
    Les Carcasses, Laureli/Léo Scheer, 2009

    Vivement conseillé : Federman hors limites, entretiens avec Marie Delvigne, Argol, 2008

    http://www.raymondfederman.blogspot.com/
    http://www.federman.com/
    http://www.leoscheer.com/spip.php?page=laureli

  • Gérard Bobillier

    Bob002.jpgPierre Michon vient de le dire à l'instant sur France Cuture, Gérard Bobillier, notre cher Bob, vient de mourir. Fondateur, avec Colette Olive, Michèle Planel et Benoît Rivéro, des éditions Verdier qui fêtent cette année leur trentième anniversaire, il aura été l'éditeur d'un catalogue rigoureux, puissant, juste, net, exigeant. Mêlant littérature – française et étrangère –, philosophie, sciences humaines, les littératures fondamentales de la tradition juive, l'Islam sprituel, aussi bien que la tauromachie, la cuisine… Repreneur, quand il le fallait, de Deyrolle, Antigone, L'Éther vague, Farrago/Fourbis, pour que nous puissions continuer à les lire, il avait surtout cette part rare d'humanité, d'amitié, d'authenticité qui en faisait un être infiniment fréquentable.

    Je ne puis que conseiller à chacun de se rendre sur le site des éditions Verdier http://www.editions-verdier.fr/v3/index.php pour l'exemplaire catalogue et parce que bien entendu les éditions vont continuer, avec la peine, mais parce que ce sera lui rendre honneur que de poursuivre. Que Colette trouve ici toute mon affection.

    Feu le le Centre régional des lettres d'Aquitaine (devenu autre chose) avait reçu Verdier en Aquitaine en 1995. J'avais à cette occasion réalisé un livre à l'identique de leurs éditions :  Carte blanche aux éditions Verdier – on doit encore le trouver ici et là, comme un objet de collection. C'est de ce livre, truffé d'entretiens, de textes réflexifs, que j'extrais cette photographie de Gérard Bobillier et cette réponse à une question d'Éric des Garets : “Éditer n'est pas une attitude, plutôt un mouvement qui suscite, porte, conjugue dans les valises d'un catalogue des fragments de toujours pour une errance infinie.”

  • Les absences de Tartin

    Un extrait du 12eme volume du Nécessaire malentendu, en cours depuis quelques années, et qui, de fait, ne devrait pas être publié avant bien longtemps puisque va paraître en 2010 le quatrième volume (Carnet des morts), mais je travaille toujours sur plusieurs livres à la fois


    pour François Lespiau

     

    J’étais assis au pied du peuplier l’écorce était fraîche contre mon dos nu l’herbe un peu haute chatouillait mes jambes j’avais fermé les yeux une mouche venait de se poser sur mon pied droit je sentais ses pattes en mouvement elle montait vers mon gros orteil un peu de sueur coulait sur ma poitrine descendait jusqu’au nombril puis après une courte hésitation glissait jusqu’à la ceinture de mon short en toile kaki un vent léger agitait les branches et les feuilles de l’arbre ma verge gonflait sous l’étoffe rêche je n’avais pas envie d’ouvrir les yeux il me suffisait de savoir que la cabane était exactement à six mètres et soixante centimètres de mon entre jambes pour maintenir cette érection la garder au chaud la cajoler la bichonner jusqu’au moment où n’en pouvant plus tenir j’irais jouir sur l’étendue plate de l’étang la perturbant de dizaines de petits cercles qui s’élargiraient à la surface tandis que la jute blanche se diluerait dans les milliers de litres d’eau où ma semence se mêlerait avec les poissons les têtards les plantes les vies microscopiques qui peut-être s’en repaîtraient créant ainsi de nouvelles formes imperceptibles subtiles comme chaque goutte de sperme contient des milliers d’eden improbables comme chaque mouvement pour rentrer ma verge encore lourde prévoit d’innombrables et hypothétiques érections alors qu’au-dessus de moi passent des myriades d’étoiles invisibles dont le destin incertain laisse indifférent un vol de grues cendrées lançant des appels tonitruants tels des klaxons exaspérés au cœur des embouteillages le cou tendu formant un chevron de toute beauté malgré leurs queues broussailleuses et légèrement tombantes.


    © : Claude Chambard