UA-62381023-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Michel de Montaigne, « Essais »

    michel de montaigne,essais

    « Qu’on voye, en ce que j’emprunte, si j’ay sçeu choisir de quoi rehausser mon propos.  Car je fay dire aux autres ce que je ne puis si bien dire, tantost par foiblesse de mon sens. Je ne compte pas mes emprunts, je les poise. & si je les eusse voulu faire savoir par nombre, je m’en fusse chargé deux fois autant. Ils sont touts, ou fort peu s’en faut, de noms si fameux & anciens qu’ils me semblent se nommer assez sans moi. Ez raisons & inventions que je transplante en mon solage & confons aux miennes, j’ay à escient ommis parfois d’en marquer l’autheur, pour tenir en bride la témérité de ces sentences hastives qui se jettent sur toute sorte d’escrits, notamment jeunes escrits d’hommes encore vivants, & en vulgaire, qui reçoit tout le monde à en parler & qui semble convaincre la conception & le dessein, vulgaire de mesmes. Je veux qu’ils donnent une nazarde à Plutarque sur mon nez, & qu’ils s’eschaudent à injurier Seneque en moy. Il faut musser ma foiblesse souz ces grands credits. J’aimeray quelqu’un qui me sçache deplumer, je dy par clairté de jugement & par la seule distinction de la force & beauté des propos. Car moy, qui, à faute de mémoire, demeure court tous les coups à les trier, par cognoissance de nation, sçay tresbien sentir, à mesurer ma portée, que mon terroir n’est aucunement capable d’aucunes fleurs trop riches que j’y trouve semées, & que tous les fruicts de mon creu ne les sçauroient payer. »

     

    Michel de Montaigne

     Essais

     Livre II, chapitre X, Des livres

     

     

    Photographie © Claude Chambard

     

  • Pascal Quignard, “Vie secrète”

     

    DSCN1494.JPG« Il y a plus nu que la nudité. C’est l’angoisse. L’angoisse qui déchire soudain un regard me fait l’impression, quand elle surgit soudain et monte dans ce corps, d’une nudité plus impudique que la nudité elle-même. Parce que la nudité dévoile le corps tandis que l’angoisse dévoile l’identité et, derrière l’identité, son absence d’enracinement dans le corps.

    L’angoisse est la seule nudité impudique de l’humanité.

    Tout le reste est denudatio. »

     

    Pascal Quignard

     Vie secrète

     Gallimard 1997


    Photographie © : Claude Chambard

     

  • Catherine Pomparat, “margagnes”, la maison

    la_maison.jpg

     

    La maison

     

    La plage était située à l’extrémité de ma rue. La maison, à l’autre extrémité, était une typique petite Arcachonnaise en rose et rouge sur un fond gris. Distribuée en longueur, avec ses pièces en enfilade donnant sur petites terrasses aux portes-fenêtres en bois, elle nichait son toit de tuiles entre de grands arbres toujours verts. C’est ici tout à l’intérieur que se visitera un jour le jeu de « la soupe aux lettres ». Apprendre à lire est difficile et la grande dame à la disponibilité infinie garde très vive en elle la sensation physique d’un affrontement avec d’opaques caractères d’imprimerie si peu que peu transparents. Elle avait cédé pourtant, elle avait franchi le passage douloureux, elle n’avait plus peur de l’arbre mort, elle avait appris à lire et, miracle de la lecture, une voix gris bleu n’avait plus jamais cessé de lui parler quand elle s’était mise à écrire.

     


    Catherine Pomparat

     margagnes

     édité par l’auteur pour ses amis, 2006

    également intégralement disponible sur http://remue.net/spip.php?article1721

     

    La photographie est de Laure Fritsch