mercredi, 19 septembre 2012
Julien Blaine, bon anniversaire !
« D’une voix tonitruante et lourde (dont j’ai le secret) le futur spectateur-auditeur entendrait un texte puéril et juste :
La création est le fruit de l’inculte :
Comment celui-ci qui écrit
pourrait-il lire et lire ?
Comment celui-ci qui peint
pourrait-il regarder et regarder ?
Comment celui-ci qui compose
pourrait-il écouter et écouter ?
Comment celui-ci qui bâtit
pourrait-il visiter et visiter ?
Comment celui-ci qui fait
pourrait-il analyser et étudier ?
Comment celui-ci qui crée
pourrait-il considérer et considérer ?
La création est le fruit de l’inculte.
Puis après un silence que je vous laisse imaginer (le public : bourdonnement, bruissement, brondissement, craquètement, gargouillement, gazouillement, gémissement, grognement, grondement, hurlement, vagissement, vociférations, ronron.)
des enregistrements de tous les bruits (voir supra –plus flic ! flac ! floc !–) des enregistrements vrais pris en pleine nature :
de la mer :
vagues,
lames,
tempête…
de la terre :
ruisseau
torrent,
fleuve,
cascade,
chute
du ciel :
pluie,
averse,
orage…
pour renoncer à la barbarie
renouer les débris des chants premiers :
renoncer
renouer
renoner
renoucer.
Alors, alors seulement, j’imiterai le chant de la mer en trois mouvements, le chant de la terre en cinq mouvements et le chant du ciel en trois mouvements. »
Julien Blaine
Du sorcier de V. au magicien de M.
Galerie Roger Pailhas, 1997
16:04 Publié dans Écrivains | Lien permanent | Tags : julien blaine
mercredi, 12 septembre 2012
Pascal Quignard, « Les désarçonnés »
« Il n’y a jamais de présent présent : erre partout un intervalle mort. Une place vide qui est la faim puis qui est “comme la faim” et qui erre d’être en être. Un laps qui est comme l’Avent. Toujours une attente traîne entre le perdu et l’imminent. L’emplacement vide que creuse la faim au fond du corps devient la paroi où se projette le rêve. Puis cette grotte, qui est une vieille mâchoire, donne asile au monde du langage. Alors c’est toujours une image vivante absente qui hante derrière la perception.
Visions qui est un passé, tel est toujours le rêve.
Passé sans présence qui est comme l’Être avant l’Être. »
Pascal Quignard
Les Désarçonnés (Dernier royaume VII)
Grasset, 2012
photographie © Claude Chambard
23:40 | Lien permanent