vendredi, 27 juillet 2012
Catherine Pomparat, “margagnes”
Impression recto verso
Silencieuse, élégante, affable, charmante, colorée en nuances de ce mélange de forces et de subtilités grises qui marque la gestuaire japonaise et qui en est l’enveloppe esthétique, la femme assise si droite sur le lit ne semble pas dévêtue. Sa nudité procède d’un mimétisme animal et à peine couvert des raies d’une écharpe soyeuse le corps est confondu dans les rayures de la tenture du fond. La photographie en noir et blanc est un complément irréfutable à la gamme des papiers de couleurs. C’est par la papeterie, lieu et catalogue des choses nécessaires à l’écriture, que l’on s’introduit dans l’espace des signes. Du côté qui est l’endroit du rideau une langue inconnue dont le regard de l’artiste a saisi la respiration. Folio verso, l’imprévisible d’une autre temporalité s’inscrit dans un unique trait de pinceau.
Catherine Pomparat
margagnes
édité par l’auteur pour ses amis, 2006
également intégralement disponible sur http://remue.net/spip.php?rubrique205
photographie : Jean Rault
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mercredi, 25 juillet 2012
Bernard Collin, “478 jours naturels”
« Je ne me fais pas comprendre, ne cherche pas, dit qu’il ne cherche pas, et s’il ne cherche pas, continuer l’exercice, terminer la phrase interrompue, inachevée, ou ne finira pas comme c’était l’intention de l’auteur, ou deux rédacteurs, le premier rédacteur ne sachant pas où il va, dans l’ignorance, ne pas trop s’appuyer sur l’ignorance, c’est facile, je vous recommande ou par un besoin de dépense, un certain nombre de semaines de lignes, comme on disait semaines de siècles, une relative expansion, donc vous n’avez pas de doute, la vie il faut la passer à écrire, pas de doute sur le mensonge, si vous restez jour et nuit à cette table, tourne le dos à la fenêtre, dit qu’il ne regarde pas derrière lui, ne pas se retourner, ne pas se redresser, penché en avant, et la petite quantité de sacs, on met les feuilles dans des sacs, on les remplit de feuilles, c’est un travail de plein air, les feuilles du jardin, avec les feuilles on fait de la mof fraiche, et de nouveau les feuilles posées dessus, posées sur la table, on a coupé les pieds, la table par terre, sur le sol, et assis par terre, beaucoup de mal à se relever, reste assis, dort assis, si personne ne vous lit c’est comme s’il n’avait rien fait sur la terre, alors faire quelque chose, cherche sans voir, n’a pas trouvé, dit qu’il ne voit pas, qu’il est venu pour écrire, et si vous n’êtes pas visible vous n’êtes pas vivant, qu’il n’y a pas de preuve, ou dira qu’il est fidèle à l’idéologie, personne n’a jamais vu Dieu et il croit qu’il existe, n’a jamais vu un livre, une ligne de celui-là, et croit qu’on peut apprendre à voir comme on apprend à lire, mais je ne savais pas que vous écriviez. »
Bernard Collin
478 jours naturels
Edition établie par Lola Créïs
Les Petits matins, 2012
Photo : Lola Créïs, Bernard Collin, librairie Olympique, Bordeaux
19 mars 2011 © : Claude Chambard
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mercredi, 18 juillet 2012
Gustave Roud, "Les fleurs et les saisons"
La Rose-mousse
« Saluer les fauteurs de roses rares, les patients trancheurs d’étamines, toujours prêts à poindre le faux dieu Hasard de leurs ciseaux de brodeuse, à lui jeter aux yeux la poudre des pinceaux à pollen ; saluer ces baptiseurs penchés sur mille roses à naître dont une seule devant eux va trouver grâce et mériter un nom… Aimer toute rose, oui, — mais choisir la rose : tel est ici notre plaisir.
La rose ronde et nue, la rose rose, la rose de toujours. L’antique rosier des jardins paysans qui buissonne, renaît sans relâche au long des siècles, fidèle à soi-même et sans demander nulle greffe, étant franc de pied, comme on dit. Le rosier, parmi les lys, le rosier des dimanches de juin où parfois une fiancée le visite à l’aube, soucieuse d’un bouquet glacé de nuit. Elle pose un vase de verre bleu sur le rebord de la fontaine. Elle entre et froisse au jardin de longues nappes d’odeurs endormies. Elle écoute, mais à la pointe du chemin là-bas nul pas de cheval ne bat encore et le rosier est là qui l’accueille, ses roses mal défendues par une mousse d’aiguillons impuissants, celles d’hier qui défaillent dans une odeur de vin sûri, celles dont le destin se lie au jour naissant, prêtes à débrider comme lui leur calice d’ombre, à laisser s’entrouvrir sous la coupe du ciel leur coupe de pétales.
Cueille la plus belle, petite fiancée, et que le jeune cavalier qui l’emportera, l’adieu dit, le soir venu, la sente vivre encore à ses lèvres de village en village comme une chair, comme une soie : la soie même d’une paupière ou d’un sein ! Cueille — et laisse les autres livrer lentement leur cœur à mille abeilles vagabondes, à cette lumière d’été toute-puissante qui les fanera comme elle fane le matin pur et les fera mourir avec lui. »
Gustave Roud
Les fleurs et les saisons
Photographies de l’auteur
Postface de Philippe Jaccottet
La Dogana, 1991, réed. 2003
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lundi, 16 juillet 2012
Gil Jouanard, "L’œil de la terre"
« Lorsque l’hommes s’avisa de passer de l’état de nature à l’état de culture, il se ménagea des espaces intermédiaires, qui lui permettaient de garder un pied dans le vaste monde tout en sécurisant ses mœurs et ses réflexes aux abords d’un “chez soi”. Déjà, il avait inventé la campagne, compromis entre la luxuriance de la planète, indifférente à tout, et son propre ego implosant d’intentions et de désirs. De moyen terme en pis aller, il en vint enfin, parvenu aux confins de la protohistoire, à concevoir ce modèle réduit d’univers que constituera désormais le jardin. D’abord franchement utilitaire, celui-ci ne tarda pas à joindre l’agréable à l’utile et, sans négliger l’usage potager et fruitier, il se mua en microcosme ornemental, voué à l’agrément des sens et au repos de l’esprit. Peut-être convient-il même de considérer que c’est le jardin qui a inventé l’homme moderne, quelque part entre la Grèce ancienne et l’Andalousie médiévale. Et qui sait s’il ne faut pas attribuer au jardin, justement dit “d’amour”, cette disposition affective et mentale qui, à travers la courtoisie occitane devait bouleverser à jamais les mœurs européennes, voire même inventer l’Europe ? Morcelant l’espace, n’est-ce pas le jardin qui, de la sorte, proposait ainsi à l’humain naturellement grégaire l’image révolutionnaire de l’individualité ? »
La Mare, ce 7 août 1993.
Gil Jouanard
L’œil de la terre
Fata Morgana, 1994
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vendredi, 13 juillet 2012
Françoise Clédat, "Petits déportements du moi"
« Le monde s’éclaire dans sa forme existe
n’existe pas
Je dis à l’ami je dis à rené le doute vaincu par
la douleur
en douleur de douleur ne doute
Si douleur existe manifeste manifestation d’organe n’est-ce pas la preuve je dis à rené je dis à l’ami n’est-ce pas la preuve
qu’amour existe et joie
sans organe
Je vis une histoire d’amour
Dans l’histoire que je vis existe / n’existe pas en existe / n’existe pas trouve
unité complétude
Je dis à rené je dis à l’ami me vois-tu me rapprochant de ce je ne sais pas amour à lui-même uni comme doublement d’avoir été ne doute
réel l’enlacement
Qu’ab / sens maintient
possède sensué tous les attributs
me vois-tu je dis à rené je dis à l’ami me vois-tu experte à te les décrire
attributs de la présence qui n’est pas ne rien décrire de l’absence qui est
Vers se dissoudre
Me revient mode d’être
Je vis une histoire d’amour »
Françoise Clédat
Petits déportements du moi
Tarabuste, 2012
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mercredi, 11 juillet 2012
Jeanne Gatard, "La grande sieste"
« La grande sieste rend le temps plus leste. Elle est au milieu, au centre du noyau, essieu immobile. Léone y entrecroise vite le fil, haridelle repliée, genoux au menton, les bras croisant le tout, sphynge au maigre séant avec une ridelle au bas du front là où les hindoues incrustent la perle.
La fatigue ne prouve rien, la preuve n’existe pas, rien n’est gagné à jamais, elle le sait, mais elle tend ses périples en quête d’on ne sait quoi, en forme de lieu blanc comme si la somme se faisait après, juste un peu tard.
Extravagante d’exigence la grande sieste lève le sommeil dans l’immobile, vise le cap loin au large, de l’autre côté de l’horizon, garde la ligne.
Léone regarde l’air bleu. Le carré bleu est le même au dessus des captifs où qu’ils soient.
Assis sur le canot, il regarde
Son carré bleu en haut de la mer.
Les corps sans tige dérivent sur les cartes de la mer, Léone y cherche l’amer.
On suicide ceux dont le désir, déborde la raison, azur et gouffre, une liberté après. Après, le vertige d’absence, la liesse des autres. »
Jeanne Gatard
La grande sieste
Dessins de l’auteur
Tarabuste, 2006
Merci à Judith.
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lundi, 02 juillet 2012
Acheter en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir localement l’emploi, l’économie et la culture.
27 juin 2012
COMMUNIQUÉ DU SYNDICAT DE LA LIBRAIRIE FRANÇAISE
L’EMPLOI, C’EST EN LIBRAIRIE
Face à la déferlante médiatique autour de l’implantation d’une troisième plate-forme d’Amazon en Bourgogne, le Syndicat de la librairie française tient à rappeler quelques données :
- face aux 150 à 250 emplois permanents réellement créés par Amazon, la vente de livres génère en France plus de 20.000 emplois dont 14.000 dans les seules librairies indépendantes (rapport de branche 2011 I+C) ;
- à proportions égales, la librairie indépendante représente une activité qui génère deux fois plus d’emplois que dans les grandes surfaces culturelles, trois fois plus que dans la grande distribution et, selon les chiffres de la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD)*, 18 fois plus que dans le secteur de la vente en ligne !
- la librairie est un commerce humain qui mise sur des femmes et des hommes qui aiment les livres, les défendent et les connaissent comme ils connaissent leurs clients « en chair et en os » ;
- pour l’ouverture de sa plate-forme, Amazon a bénéficié d’aides publiques conséquentes alors qu’un rapport sur « l’impact du développement d’Internet sur les finances de l’Etat », disponible sur le site du Sénat, confirme qu’Amazon, en rapatriant l’essentiel de son chiffre d’affaires au Luxembourg (905 M€ sur 930 M€) échappe pratiquement totalement à l’impôt en France. Il s’agit d’une concurrence déloyale au détriment des commerces indépendants et de proximité qui génèrent bien plus d’emplois tout en s’acquittant de leurs obligations légales.
Acheter en librairie, c’est la meilleure façon de soutenir localement
l’emploi, l’économie et la culture.
Contact presse : Guillaume Husson (01 53 62 23 10 ;g.husson@syndicat-librairie.fr <mailto:g.husson@syndicat-librairie.fr> )
* Selon la Fédération du e-commerce et de la vente à distance (FEVAD), le commerce en ligne représente, tous produits et services confondus, un chiffre d’affaires de 31 milliards d’euros pour 34 000 emplois directs (informations disponibles sur le site de la FEVAD :http://www.fevad.com <http://www.fevad.com> ).