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  • Allain Glykos, « Aller au diable »

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    Allain Glykos – le crétois de Talence comme ils disent au football –, nous donne depuis bientôt vingt ans régulièrement de ses nouvelles et, le plus souvent, par les bons soins de Claude Rouquet l’éditeur de l’Escampette qui a quitté Bordeaux pour le calme et les paysages de la Vienne.

    L’œuvre se fabrique ainsi sous nos yeux, sur le thème – souvent – de la famille, des rapports aux autres, aux siens, aux proches. Ainsi de Parle-moi de Manolis, du Silence de chacun, d’À proprement parler, de Faute de parler… avec cette persistance d’expressions communes dans le titre. Aller au diable en est une belle. Le plus terrible avec Allain Glykos c’est qu’en prenant l’expression au pied de la lettre justement, il en tire la substantifique moelle pour nous montrer ce que nous sommes – et dont il ne s’exclut pas, loin s’en faut.

    Donc, Aller au diable. Allons-y.

    Antoine – ou François, ou Gustave, mettons–, fils d’Étienne cafetier et gendre de cafetier à l’enseigne du Petit Paris, admirateur de Paul Lafargue et de Jules Guesde,  précurseur de l’ascenseur social – tout ceci se passe fin XIXe, début XXe –, peseur de mots comme pas deux et père ambitieux… Antoine, donc, est un petit gars formidablement intelligent, qui aime bien les gambettes des clientes – et même des clients, il n’y aurait rien de sexuel là-dedans – au point de les reconnaître au premier coup d’œil, un petit gars qui passe des heures à diriger des colonnes de fourmis, à contrarier leur progression – le voilà « commandant des fourmis ».

    Les ambitions de papa, envoies Antoine au Lycée, à l’internat. Il a le soutien de l’instituteur, certes, mais il perd les jambes, les chaussures, les fourmis, et comme il est fort en thème – comme on dit –, il se taille une bien mauvaise réputation auprès de ses condisciples, fils de bourgeois pour l’essentiel – « Pour qui il se prend ce fils de cafetier ! ». 

    Il obtient son bac – la fiertié de papa ce jour-là… – l’année du cuirassé Potemkine – ça nous met en 1905. Du passé faisons table rase – qu’ils chantaient ! –, voilà ce qui lui paraît évident, seulement voilà, lui il a lu ça chez Descartes. Faire table rase de tout ce qu’il avait appris dans ce maudit Lycée pour commencer. Faire tabula rasa.

    Et ça pour faire table rase, il va l’araser la table. Il part. Il laisse tout. Il marche devant lui. Il croise une femme – Madeleine, jeune et jolie, tirée à quatre épingles, enfileuse de perles de profession, spécialisée en couronnes mortuaires – elle le suit, comme un chien… comme un chien qui lèche la main de son maître. Il la possède sans joie, peut-être sans plaisir, il s’absente. Du monde, de lui-même. Il n’est plus là. Il marche, il marche, il va au diable.

    Dans les marais de Charente-Maritime, il croise un Courbet sur le motif, il colle de plus en plus à la vase, il s’y enfonce, Cet ensauvaginement, cet oubli – oublier devient le vrai moteur de son existence –, cette marche éperdue dans les crassats comme autant de charniers – allusion nette à la série de photographies de Jean-Luc Chapin sur des champs de tournesols dévastés –, avec les mots et les livres comme pires ennemis, devient une quête absolue du vide, alors que Madeleine elle, dans les mêmes pas, est engagée dans une éperdue quête du plein, du savoir.

    Ce roman, rompt, paradoxalement beaucoup moins qu’il pourrait paraître, avec l’œuvre antérieure. Pour la première fois sans doute Allain Glykos tient les siens à distance et cette façon de faire le révèle peut-être encore plus, encore mieux. Cette œuvre là est-elle le début de quelque chose, la fin de quelque chose… en tous cas, elle montre, comme jamais, à quel point Allain Glykos est un écrivain de premier plan qui demande à ses lecteurs toute leur attention. Pour la première fois, également, la portée politique du travail d’écriture d’Allain Glykos est nette et sans arrière-pensée. « Le soleil n’a que la largeur d’un pied d’homme » dit Héraclite, Glykos et Antoine en sont la preuve noire et rouge. « Je vais où je suis, je suis où je vais. » Oui.

     Claude Chambard


     Allain Glykos

     Aller au diable

    L'Escampette

     14x20,5 ; 128 p. ; 14 € ; isbn : 978.2.914387.90.3

    Cette recension a paru originellement dans Lettres d'Aquitaine, en 2007



    Dix-huitième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

  • Albert Ostermaier, « Heartcore et autres poèmes »

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    effacer le message

     

    « bien sûr que tu me manques

    tes coups de langue à distance

    les chocs du vibrateur dans ma

    main quick rapide le sex téléphone

    déchainées des salves de

    caractères combien j’aimais prêter

    mon flanc & te re-mailer le message

    même si totalement pétrifié je

    demeurais là planté au milieu

    d’entraînantes dames de cœur qui de par

    leurs regards outragés et rouges de colère

    ne furent pas sans voir comment je

    m’arrachais à leurs serres &

    mes doigts comme pris de délire

    enrageaient sur les touches pressaient

    si rude le plastique comme si c’était

    une part de toi que je frôle comme

    si je pouvais te serrer de

    très près avec mes lestes

    messages d’amour & ne devrais

    point me pencher par-dessus ma

    banane & attendre que du

    ciel elle décharge le prochain

    salut on n’en parle plus bien sûr

    que je dois l’effacer »

     

    Albert Ostermaier

     Heartcore et autres poèmes

     traduit de l’allemand par Philippe Henri Ledru

     L’Escampette, 2000

     

    Dix-septième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

     

  • Jean-Jacques Salgon, « Fernand »

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    © Alain Kaiser

    « À mi-parcours de mon itinéraire, ayant quitté le pays messin pour entrer dans le pays saulnois, je retrouvai le long des berges de la Seille les souvenirs de l’une de mes dernières lectures, je veux parler du Dépaysement de Jean-Christophe Bailly, un livre dont la lecture venait d’illuminer mon été, et je ne pus, à ce point de mon parcours, m’empêcher de déroger à la règle qui voulait que je m’en tinsse strictement au trajet supposé de mon oncle Fernand.

    Eh bien non ! Au diable Fernand et sa Division de marche provisoire ! Il ne serait pas dit que je m’interdirais de digresser et de rendre visite à la synagogue de Delme et au “minuscule hameau de Han”, ni même, tiens, de marcher quelques kilomètres sur le sentier ornithologique qui longe la boucle que forme en ce lieu la rivière, tout en me répétant mentalement le titre de ce chapitre que j’avais particulièrement aimé : “Qu’elle est petite la Seille !”.

    À Pettencourt je retrouvai ma division de marche ; je rentrais dans les rangs, traversais la Seille, et reprenais mon repli vers le sud, bien décidé de m’en tenir cette fois à mon cahier des charges. Sornéville, Erbévilliers, Réméréville, Drouville, j’étais bien reparti mais voilà que parvenu à Maixe, mon plan de bataille se trouvait à nouveau mis à mal : à la traversée du canal de la Marne au Rhin je retrouvais le fantôme de Jean Rolin avec son vélo filant au long de ses Chemins d’eau. C’est en effet à quelques kilomètres de là que Rolin avait essuyé sa première crevaison et s’était vu contraint, lui aussi, de se dérouter pour rallier Lunéville, une ville qu’il avait au départ choisi d’ignorer. “Mais, nous dit-il, le ciel n’entend point que l’homme décide seul, orgueilleusement, de sa destinée.” Ainsi, à mon tour, obéissant aux injonctions divines, je quittais une nouvelle fois le chemin tracé pour aller visiter Lunéville et son château du duc Léopold. »

     

     Jean-Jacques Salgon

     Fernand

     L’Escampette, 2013

     

     Jean-Christophe Bailly, Le dépaysement (Voyages en France), Seuil, coll . Fiction & Cie., 2011

    Jean Rolin, Chemins d’eau, 1980, rééd : La table ronde, coll. la Petite vermillon, 2013

     

     Seizième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

  • Pascal Quignard, « Leçons de Solfège et de Piano »

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    « L’étude est à l’homme adulte ce que le jeu est à l’enfant. C’est la plus concentrée des passions. C’est la moins décevante des habitudes, ou des attentions, ou des accoutumances, ou des drogues. L’âme s’évade. Les maux du corps s’oublient. L’identité personnelle se dissout. On ne voit pas le temps passer. On s’envole dans le ciel du temps. Seule la faim fait lever la tête et ramène au monde.

    Il est midi.

    Il est déjà sept heures du soir.

     

    Il est des choses qui blessent l’âme quand la mémoire les fait ressurgir. Chaque fois qu’on y repense, c’est la gorge serrée. Quand on les dit, c’est pire encore, car elles engendrent peu à peu, si on cherche à les faire partager par ceux qui les écoutent, qui lèvent leur visage, qui tendent leur visage, qui attendent ce qu’on va dire, une peine ou, du moins, un embarras qui les redoublent. Elles font un peu trembler les lèvres. La voix se casse. J’arrête de parler. Mais alors je commence d’écrire. Car on peut écrire ce qu’on n’est plus du tout en état de dire. On peut écrire même quand on pleure. Ce qu’on ne peut pas faire en écrivant, quand on est en train d’écrire, c’est chanter. »

     

      Pascal Quignard

     Leçons de Solfège et de Piano

     Arléa, 2013

     

     Parution le 2 mai 2013

    Vient de paraître aux éditions Galilée,

    L’Origine de la danse.

  • Carl Norac, « Sonates pour un homme seul »

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    « Les jours de pluie paraissent interminables aux hommes. Les moineaux patientent, pas ces personnes qui comptent les heures où s’écroue le soleil.

    Sur les fenêtres, elles ne peuvent pas entendre, pour la plupart, l’absence de glas de la pluie, cette façon qu’elle a de nous suggérer d’être immortels, même en pure perte. L’horizon se couvre encore davantage. Je marche à Belleville. Nuage au cœur, c’est déjà ça. Je vois un homme errer, qui ne me ressemble pas. Quelques mégots traînent sur le parking. Je les observe. J’ai toujours éprouvé de la tendresse pour les instants perdus. La chambre est libre. Je la prends, me sens moins libre qu’elle, ballotté entre des blocs de pensée, des murmures. La nuit s’écourte. Pas le loisir de signer au dos le compte des amours blessées. Je fais un rêve à la minute. Un peu encombrée, la route des songes. Du monde au balcon, de quoi tomber raide vivant. Le motif, c’est la main qui descend vers Debby, simplement pour danser. Bill Evans au piano revient avec son air de Keaton, ses doigts tissant un ciel jamais couru d’avance. La tempête dehors m’indiffère. Du moment que la nuit se prolonge, le temps d’une valse pour Debby. »

     

    Carl Norac

     Sonates pour un homme seul

     L’Escampette, 2008

     

     Bill Evans trio : http://www.youtube.com/watch?v=dH3GSrCmzC8

     

     Quinzième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

     

  • Walter Siti, « Leçons de nu »

    walter siti,leçons de nu,Martine Segonds-Bauer,Verdier

    « Le nu masculin a pour caractéristique d’être inépuisable : non seulement dans le sens où sa traduction ou sa paraphrase est nécessairement infinie (il en va de même de tout objet pourvu qu’on l’approche suffisamment), mais parce qu’il donne l’impression de contenir en lui toutes les choses possibles. De chaque point de sa superficie partent des rayons qui atteignent toutes les choses du monde et les rapportent, en concentré, dans la trame du corps. Je sais que l’irrésistible solarité du “muscle Australie” n’apparaîtra à personne comme elle m’est apparue à moi, mais je peux vous rapprocher de la vérité si je vous demande d’imaginer une chose qui, à chaque instant, vaille comme un substitut du monde. Un gros chien blanc et noir courait entre la terrasse et les rochers, la mer levait comme un pain bleu, je pensais “Saint Bernard : quelle différence entre le chien et le saint”, une mouette lâchait un filament luisant — et tout cela était compris dans l’ombre entre le muscle extenseur et la grande fémorale, sur les cuisses aperçues de profil avant qu’il se rassoie à table pour démarrer l’après-midi (comme un starter, l’éclair de lumière fraise lancé par la fente du short en rayonne). Tout en était soulevé, magnétisé. À table il parlait de Gelli qu’il avait connu avant qu’il devint célèbre ; parce que le propre de l’antimonde est de s’insinuer à l’improviste dans les plis du monde normal. L’infini en acte est un paradoxe qui récapitule l’univers et, en le récapitulant, le détruit ; l’univers doit repartir du début, et Achille dépasser d’innombrables tortues. À chaque nu qui se révèle on reçoit en pleine figure le vent que soulèvent les formations à basse altitude des anges rebelles : tout ce qu’ils frôlent devient désert. »

     

     Walter Siti

     Leçons de nu

     Traduit de l’italien par Martine Segonds-Bauer

     Coll. Terra d’altri, Verdier, 2012

     

  • Jacques Borel, « Ombres et dieux »

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    « Le chant, c’est l’homme, et qui d’autre l’aurait, cette voix, donnée aux dieux ?

     

    L’homme est chant, le plus frustre, le plus démuni même, ou je voudrais le croire, est chant encore.

     

    Une même voix, celle qui jadis chantait les dieux et qui aujourd’hui, sans l’avouer, lamente leur mort ?

     

    Qu’en est-il, quand meurent les dieux, de ces rites auxquels ils présidaient : la naissance, l’éveil au monde, le sceau des corps, la mort et ce culte qui longtemps prolongeait la présence au monde des en-allés ?

     

    L’invisible trace, pareille à celle des dieux, que dans la plaine de l’air laisse le chant, et comment tant d’êtres, il est aussi dans l’oreille, le cœur, ne s’y seraient-ils pas trompés ?

     

    Seul peut-être le chant rédime : rédimés ceux-là qui au même appeau avec la même passion se prennent.

     

    Plus que les dieux ne le furent jamais, lavés et purs ceux qui, les yeux fermés, dans le bain du chant se jettent et boivent.

     

    Le chant, et qu’a-t-il de commun avec ce bruit uniforme qui des êtres traduit aussi la morne et répétitive uniformité ?

     

    Elles meurent aussi les langues, et seule une langue morte pourrait encore peut-être chanter les dieux morts.

     

    Et s’il n’était pas qu’en l’homme seul, le besoin d’adorer et de servir : le chien et son maître, comme si les bêtes aussi avaient leurs dieux.

     

    Ces chevaux, ces aurochs, ces bisons, ces rennes sur les parois de Lascaux, ne les chantaient-ils pas eux aussi, ces ancêtres du lointain des âges, ou à quels autres dieux, souterrains ou errant au touffu des forêts, dans les constellations à demi visibles peut-être, allaient leurs obscures grâces ou leurs suppliques, allait leur chant ? »

     

    Jacques Borel

     Ombres et dieux

     L’Escampette, 2001

     

    Quatorzième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

  • Manuel António Pina, « Quelque chose comme ça de la même substance »

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    La poésie va

     

    « La poésie va finir, les poètes

    seront employés à des postes plus utiles.

    Par exemple, comme observateur de moineaux

    (tant que les moineaux ne

    finiront d’exister). J’ai eu cette certitude aujourd’hui

    en entrant dans une administration.

    Un monsieur myope accueillait lentement

    au guichet ; et je demandai “Qu’est-ce qu’un seul poète

    a fait pour ce monsieur ?” Cette question

    m’a tellement affligé à l’intérieur et

    à l’extérieur de ma tête que j’ai dû recommencer à lire

    toute la poésie depuis le commencement du monde.

    Une question dans une tête.

    — Comme une couronne  d’épines :

    voyez-vous où l’auteur veut en venir ? — »

     

    1966

     Manuel António Pina

     Quelque chose comme ça de la même substance

     Anthologie traduite du portugais par Isabel Violante

     L’Escampette, 2002

     

     Treizième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette

  • Ludovic Degroote, « Monologue »

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    « probable qu’une façon de se supporter à travers son passé c’est d’en faire quelque chose qui soit une capacité à vivre avec soi, sinon on se tuerait chaque jour

     

    cela m’apparaît si simple et si compliqué que je ne sais plus comment regarder les choses ni comment les vivre, si elles sont vivables ni même si je peux les regarder, car cela me demanderait de vivre avec tout ce que j’ai enfoui, or, comme je les ai enfouies, c’est parce que je pensais ne pas vivre avec elles, à l’instant où je croyais encore, dans l’illusion qu’il m’aurait été permis de choisir, que je pourrais vivre en les abandonnant

     

    alors je continue à voir ma vie comme si j’étais à côté parce qu’y pèse toujours quelque chose qui manque

     

    cette impression d’être brisé, qui est une exagération, puisqu’elle n’a officiellement rien supprimé de ma vie, je retombe dans une forme d’enfance à partir de quoi il me semblerait pouvoir recommencer, si je comblais les manques

     

    depuis mon adolescence j’essaie de rationaliser ce qui peut l’être pour tenter d’échapper à moi-même, je n’y arrive que par fragments, à la manière dont on s’atteint à travers ce qu’on vise, parce que, si on se rate, on touche à quelque chose d’autre de soi »

     

     Ludovic Degroote

     Monologue

    Champ Vallon. Coll. Recueil, 2012

  • Rafael José Díaz, « Le Crépitement »

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    les sept gorges

     

    « Le volcan n’est pas un rêve. Nous en avons fait le tour

    toi et moi, par les sept gorges sous le soleil

    qui tournait plus lentement que nous.

     

    Le volcan ne dormait pas. Il tenait compagnie

    aux pas entre les fleurs, aux étreintes furtives

    comme des incendies au bord d’un autre ciel.

     

    Tu découvris pour moi deux oiseaux

    qui conversaient embrasés sur les branches

    brûlantes du feu ancien du volcan.

     

    Le soleil ou l’œil ou le cratère

    jetaient leur lumière et absorbaient

    la seule lumière jetée par les paupières du rêve.

     

    Paupières,

    tes paupières,

    prises au rêve des miennes.

     

    Comme la toile d’araignée

    que nous vîmes résister à la brise,

    à la présence obscure du volcan,

    de même, les fines paupières

    cherchaient dans l’air le centre intact

    de la vie et de la mort.

     

    Demeure secrète de l’amour, où

    tu  accourais de très loin, du centre

    d’une toile tissée entre le soleil et le néant.

     

    Il n’était pas un rêve, le volcan. Par les sept gorges

    la lumière nous disait qu’il n’était pas un rêve

    l’amour, que les yeux verraient d’autres lumières à l’ombre du rêve. »

    traduit par Guy Rochel

     

    Rafael José Díaz

    Le Crépitement

    Préface de Philippe Jaccottet

    Traductions de l’espagnol par Jacques Ancet,

     Bernard Banoun, Roberto San Geroteo,

     Claude Held, Guy Rochel

     Bilingue

    L’Escampette, 2007

     

    Douzième page pour fêter les vingt ans de L’Escampette