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Frédérique Germanaud, « La chambre d’écho »

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« Dans mes maraudes côtières, celles des mauvaises saisons, les plus fructueuses, j’ai recueilli toute une collection de cabanes à carrelet. Je ne sais ce qui m’attire vers elles, leur fragilité peut-être, leur parenté, penchées sur leurs hautes et fines pattes de bois, avec ces grands oiseaux, flamand, grue, ibis prêts à prendre leur envol. Jamais je n’y ai vu quelqu’un, jamais je n’y suis entrée. Mon imagination peut œuvrer à son aise, sans les entraves d’une réalité de vacanciers – riches vacanciers puisque je sais le prix de ces huttes. Je passe beaucoup de temps à observer ces précaires abris qui paraissent veiller sur l’océan. Il n’en est pas deux pareilles. Elles grincent au vent, s’écaillent sous les embruns. Que la racine abstractivement transposée sur le papier se soit liée aux pêcheries qui s’égrènent  sur cette portion de côte atlantique que je parcours avec régularité, il m’intéresse peu de l’expliquer. Je ne cherche pas à appréhender avec précision le processus de création. Je préfère constater que certaines pierres qu’on soulève révèlent des trésors, cette pierre qui m’a appelée pour une raison qui restera définitivement ignorée.

 

De même que l’ornithologue développe le sens de l’audition, que le cuisinier affine celui du goût, l’écrivain, lui, exerce ce que j’appellerais son sixième sens, l’intuition. La fonction fait l’outil et l’organe. Toujours à l’affût de ce qui nourrira l’écriture, un instinct très actif me porte vers l’infra-son ou l’infra-signal qui s’interprétera ultérieurement, après cette opération de stockage dans un recoin du cerveau qui semble lui être dédié. Comme tous les autres sens, celui-ci peut se développer de manière insoupçonnée. En balade avec un écrivain, nous nous sommes surpris à accrocher du regard, fugacement, cette plaque de métal rouillée et dévorée de lierre, accrochée au pied d’un poteau électrique et qui mentionnait “poste de moque-souris”. Moque-souris. L’information a cheminé jusqu’au grenier à sel de notre cerveau de raconteur d’histoires. À ce que je sache, elle n’a pas encore été intégrée à l’une de celles-ci. Un sourire d’entendement scella notre complicité. »

 

 Frédérique Germanaud

La chambre d’écho

L’Escampette, 2012

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