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  • Jean-Luc Sarré, « Au crayon »

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    DR

     

    « Je suis bien, je suis seul, je n’attends rien ou plutôt, je n’attends que moi, mais sans impatience, sans illusion car je me connais, je suis rarement au rendez-vous et s’il arrive que cela soit, je me croise, un salut rapide puis je passe mon chemin. Me fuir, me chercher, c’est tout un pour moi. Je suis bien, je regarde, je vois ce jour tramé de poussière, un jour vert et gris que peigne un léger vent d’est, à peine un jour, comme moi qui suis “à peine”.

     

    Rien ne me fait battre le cœur comme une certaine qualité de lumière ou plus encore le souvenir que je peux en avoir.

     

    La façon la plus hypocrite de parler de soi est celle qui évite le pronom personnel.

     

    Non est sans doute le seul mot sur lequel je n’ai jamais trébuché.

     

    J’espère que je n’aurai pas peur, que je ne serai pas entouré de visages en larmes, que ma souffrance sera, sinon inexistante du moins supportable, que la scène aura lieu chez moi de préférence, bref, j’espère que tout se passera bien ce jour-là.

     

    La douleur cessa et mon corps ne fut plus qu’un souvenir. »

     

    Jean-Luc Sarré

    Au crayon

    Farrago, 1999

     

    Jean-Luc Sarré, né le 22 avril 1944 à Oran, est mort ce samedi 3 février 2018 à Marseille, où il vivait depuis 1968.

  • Wang Heqing, « Ode à un papillon géant »

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    © Sophie Chambard

     

     

    « Air : “Jour d’ivresse”.

    Brassant l’air, il vous réveille en sursaut du rêve de Zhuang Zhou

    De ses deux ailes reposant bien calé sur la brise de printemps.

    Dans trois cents jardins fameux

    Il a sucé tout ce qui pouvait l’être,

    Terrorisant l’abeille en quête de fragrances.

    D’un petit volettement délicat, tout léger,

    Vous l’envoie valdinguer à l’autre bout du pont, la marchande de fleurettes. »

     

    Wang Heqing

    « La dynastie des Yuan (Mongols, 1279-1368) »

    Traduit, présenté et annoté par Rainier Lanselle

    In Anthologie de la poésie chinoise

    La Pléiade, Gallimard, 2015

  • Gérard Haller, « Le grand unique sentiment »

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    Rembrandt, La Lutte de Jacob avec l'ange, 1659

    Staatliche Museen, Gemäldegalerie, Berlin

     

    « mains bras ailes

    oh ailes

     

    visage nu de l’un face au nu

    de l’autre comme ça qui se présentent

    ensemble le vide d’avant et l’intime

    infini.

    Le lointain : qui le font désirable

     

    komm tu dis

     

    c’est chaque nuit.

    Nous nous prenons dans les yeux les larmes

    plus loin nous nous implorons komm

    prends-moi etc. et c’est chaque fois

    comme si c'était la première nuit

    sur la terre de nouveau comme

    si c’était nous là-bas les deux

    tombés nus du ciel et tu es là

    je suis là tu dis regarde et tout

    recommence

    visage de l’un face à l’autre

    dedans plus loin qui appellent

    encore et encore

    qui demandent la lumière

    et tu me fais avancer dans toi

    au bord et tu prends ma tête

    comme ça dans ta main

    et tu la poses sur ton sein

    et tu dis mon nom

    komm tu dis

    et je suis toi de nouveau

    dans le nu de ta voix

    là-bas sans moi

    et je ferme les yeux

     

    [TEMPS]

     

    tout le temps de l’étreinte

     

    comme si c’était pour entendre

    seulement ça qui appelle dedans

    nous sans nom sans voix.

    Nu seulement plus nu encore

    et soudain c’est toi »

     

    Gérard Haller

    Le grand unique sentiment

    Coll. « Lignes fictives », Galilée, 2018

    http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=3489