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  • Patricia Cartereau & Albane Gellé, « Pelotes, Averses, Miroirs »

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    « Tu te rappelles

    on ramassait des allumettes,

    une enfant se lançait dans ses questions

    avec une vigueur de poisson-chat

    tu me diras qu’un jour tous les murs finissent

    par être repeints

    mais pour quel palais,

    et jusqu’à quels estuaires.

     

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    On emmènera les animaux

    parler à ceux qui ne parlent plus,

    on s’occupera des drames,

    on veillera la joie,

    on prendra le temps de se dire au-revoir

    devant des maisons,

    des bouquets de fougères.

     

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    Sur la colline le ciel s’ouvre,

    prépare la neige, tout est dehors.

    Une maison est posée

    sous le ventre d’un cheval,

    le monde tremble, a de grandes rages.

    J’additionne et je range

    toutes les minutes de silence.

     

    Tout vole et je marche

    dans des éclats,

    mille et cent signes, je touche

    une écorce frottée par un sanglier,

    viens voir ce cercle de houx,

    entends-tu. »

    Patricia Cartereau & Albane Gellé

    Pelotes, Averses, Miroirs

    Lecture de Ludovic Degroote

    L’Atelier contemporain, 2018

    http://www.editionslateliercontemporain.net/collections/litterature/article/pelotes-averses-miroirs

  • Louis Calaferte, « Rosa mystica »

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    DR

     

    « 46

    Visage levé, bouche ouverte, offert à la pluie qui l’inonde. Les gouttes frappent le front, les joues, les épaules, les bras nus dans la robe, se suspendent, ruissellent le long du cou, s’étoilent en s’écrasant sur le bord décolleté de la poitrine.

    Au bout des bras écartés, les paumes creuses recueillent de cette eau abondante, tandis que les lèvres s’essaient à la happer.

    Aspersion. Rose suave. Précieux Sang. Fons-signatus. (Où êtes-vous, multitude des Anges ?)

    Le regard vif, joyeux et secret.

    (Ô ! pourquoi n’avons-nous plus ta pureté ?

     

    Gracilité de la silhouette frêle immobilisée dans l’ombre du jardin.

     

    Blancheur de la robe qui la vêt.

     

    C’est le calme matin. C’est le jour. C’est l’occlusion de la nuit. Elle est là.

     

    J’entretiens un silence.

     

     

    62

    Il y aura, liés, dans le souvenir à des gestes, à des attitudes, à une façon de prononcer un mot, ou de rire, ou de se taire, ou d’adresser un regard, toute cette beauté d’herbe, de forêts, de champs verts, de fleurs, de lumière, de soleil, de nuages torturés ; tel aspect du paysage, à un certain endroit, à une certaine heure de la journée, sous un certain éclairage ; telle forme de bouquet, telle atmosphère dans la maison…

    Cela —, qui n’existera que pour moi seul, qui me prépare à l’adieu. »

     

    Louis Calaferte

    Rosa mystica

    Denoël, 1968, rééd. Folio n° 2822, 1997

     

  • Yang Wan Li, « Vivant retiré »

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    Antoine Watteau, Lao Gine ou le vieillard chinois, Musée du Louvre

     

    « L’arbre Yuo mu, sur une île de l’Océan de l’ouest, est l’arbre au-delà duquel le soleil se couche

     

    convalescent, j’ai du mal à marcher

    longtemps assis, mon sentiment ne s’apaise pas

    têtu devant ma femme,

    j’ai honte d’avoir à lui demander du soutien pour me lever

    je préfère faire appel à ma canne en bambou taché

    à chaque pas elle m’accompagne

    je n’ai pas l’intention d’aller bien loin,

    je vais juste faire un tour dans la cour

    quand le terrain est plat, personne ne s’en rend compte

    mais si ça monte ou si ça descend aussitôt on ralentit

    ma vie durant l’ambition m’a mené dans les quatre directions

    les huit extrémités je les regardais comme rien

    à l’ouest je me suis envolé, cassant une branche de l’arbre Yuo mu*

    à l’est j’ai traversé l’océan en chevauchant une baleine

    aujourd’hui me voilà allongé sur un lit en chénopode

    dès que je me lève neuf fois je halète

    ma force est épuisée mais mon ambition est intacte

    au-dessus du lit je saisis mon épée précieuse

     

    en plus d’être malade, j’ai mal aux pieds et suis las de rester assis toute la journée, j’écris pour tromper l’ennui

     

    ma vue est brouillée, la neige couvre mon crâne

    dans le flou sont passées les trois ou quatre dernières années

    qui sait que c’est le mal aux pieds qui m’empêche de marcher ?

    à me voir rester sagement à la maison, on pense que je suis assis en méditation

    si mon éventail tombe de la table, je suis trop paresseux pour le ramasser

    aller consulter un livre près de la fenêtre, comment me déplacer ?

    les gens de ce monde tous envient les immortels parce qu’ils volent

    moi, j’envie ceux qui marchent, c’est ça pour moi être immortel »

    Yang Wan li – 1127-1206

    Le son de la pluie

    Poèmes choisi et traduits du chinois par

    Cheng Wing fun & Hervé Collet

    Moundarren, 1988, 2008, 2017

    http://www.moundarren.com/poeteschinois/yangwanli