UA-62381023-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

  • Jacques Dupin, « Glauque »

    Image-6-204x300.png

    DR

     

    « Comme je voyageais très bas

    autour des étangs de septembre

    je crus la voir elle était là

    béate au milieu de l’eau

    la Chinoise du Malespir

     

    dans l’attente lancéolée

    du songe qu’elle accapare

    son œil étirant mes yeux

    elle rit de rien et de l’eau

    je ne cesse de rajeunir

     —————————————

     

    trop de feuilles   de chimères

    de meurtres flottés sur l’eau

    elle extasiée qui replonge

    dans la plaie au fond de quoi

    une écriture agonise

     

    l’opéra-bouffe des grenouilles

    qui languit   qui se déchirent

    par la libellule et le bleu

    de ses ciseaux entrouverts

    au milieu pour en finir

     —————————————

     

    il fait sombre j’écris bas

    elle est là depuis toujours

    les bulles crevant sa peau

    dans le glauque du rituel

    la coulisse épaisse de l’eau

     

    c’est l’égrènement c’est le frai

    l’accouplement le rosaire

    sur la pierre lisse et le bord

    de l’eau morte écartelée

    par l’effervescence de l’air

     —————————————

     

    ta soif ton regard bridé

    et le plaisir sans mélange

    d’enfanter ce que je tais

    d’aspirer l’ombre de l’autre

    plus loin que l’eau divisée

     

    ne coassant plus en dieu

    sans l’affilée de ma langue

    l’inconnue de l’entre-deux

    a plongé dans la démence

    du foutre des monstres frais

     —————————————

     

    le froid de sa cuisse ouverte

    à la labilité de l’eau

    elle est là depuis toujours

    ma complice fantômale

    une grenouille à rebours

     

    de son genou dissipant

    un tressaillement dans le vert

    pour l’image que revêt

    l’assidue des premiers ronds

    de l’eau ridée de l’enfer »

     

    Jacques Dupin

    Chansons troglodytes

    Fata Morgana, 1989