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Claude Esteban, 5 pages de « Sur la dernière lande »

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DR

 

« Ce sera le soir, la même heure

du soir, les colombes

 

commenceront à se poser sur les branches,

quelqu’un dira, comme

 

l’herbe est haute, allons nous asseoir,

racontons-nous

 

pour passer le temps une histoire un peu folle,

celle d’un roi

 

qui croyait tout savoir et qui perdit

tout, quelqu’un

 

dira, c’en est fini des fables

tristes, oublions-les,

 

comme le soleil se couche lentement.

*

Tout sera fini, nous regarderons

un petit arbre rose

 

et les pétales tomberont sur nous

doucement, il y aura

 

du soleil et sans doute au loin la forme

vague d’un nuage

 

comme pour dire que les choses

ne pèsent plus et ce sera

 

comme si le malheur était une histoire

vieille,

 

si vieille que personne ne se souvient.

*

La nuit ne reviendra plus, on pourra

marcher, toi et moi,

 

loin des routes, chanter, dire merci

à chaque feuille, on était

 

si nus, si tremblants, qui nous reconnaîtra

dans nos vêtements de lumière

 

qui voudra dire, ceux-là

sont morts, ils avaient souffert trop longtemps

 

car nous serons debout

parmi tous ceux qui tombent, nous

 

qui n’avions plus rien, nous donnerons tout.

*

Ah la feuille, la feuille du saule

qui ne guérit pas, qui console

 

tu vas par les ombres grises,

le soleil n’est plus ton ami

 

si tu te perds à midi,

suis le chemin des chenilles

 

ah la feuille, la feuille du lierre

qui s’attache et qui persévère.

*

Et peut-être que tout était écrit dans le livre

mais le livre s’est perdu

 

ou quelqu’un l’a jeté dans les ronces

sans le lire

 

n’importe, ce qui fut écrit

demeure, même

 

obscur, un autre qui n’a pas vécu

tout cela

 

et sans connaître la langue du livre, comprendra

chaque mot

 

et quand il aura lu, quelque chose

de nous se lèvera

 

un souffle, une sorte de sourire entre les pierres. »

 

Claude Esteban

Sur la dernière lande

Fourbis, 1996

repris in Morceaux de ciel, presque rien, Gallimard, 2001

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