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Claude Esteban, « Au matin »

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© : cchambard

 

« je suis debout j’avance et le sol me répond

j’ai devant moi l’espace immense

je vois que tout est neuf je recommence

à mettre un signe sur chaque chose comme autrefois

 

je trébuchais contre un caillou je m’émerveille

qu’il soit si dur et si durable dans le temps

je ne crains plus la violence du vent

je ne crains plus qu’une fleur se fane

 

ai-je douté du monde ai-je pleuré

je ne reconnais plus les blessures anciennes

ni la douleur présente à chaque pas

 

je suis debout les astres m’accompagnent

une chenille est là qui me guide sur le chemin

je sens l’odeur des roses sur mes mains

 

*

 

c’est une enfant qui danse dans un jardin

l’été quand la chaleur se glisse entre les branches

ses bras sont si menus sa robe de dentelle est blanche

on dirait que le jasmin se penche pour l’embrasser

 

c’est le soir dans une île toute ronde

on en fait le tour sans presque y penser

les jours se ressemblent et l’on peut aimer

simplement ce bonheur facile de vivre ensemble

 

c’est une île obscure où personne ne retourne jamais

la mort qui passait l’a frôlée de l’aile

la courbe du soleil s’est brisée contre un mur

 

maintenant la mer est toujours la même

l’enfant lève un bras qui ne frémit plus

et sa robe est aussi légère qu’un nuage »

 

Claude Esteban

« Au matin »

in La mort à distance

Gallimard, 2007

Commentaires

  • Très beau texte, dans lequel je crois entendre murmurer la voix de la chère Denise (et où figure le caillou contre lequel il trébuche, qui est aussi celui contre lequel cette même Denise vint buter, de façon mortelle...)

  • Comme est doux, rond, parlant ce caillou et la courbe du soleil, magnifique!

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