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  • James Sacré – Guy Calamusa, « Et parier que dedans se donne aussi la beauté »

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    « Le plus beau poème n’est jamais

    Que le reste de quelque chose

    **

    On ne sait trop ce que pourrait être

    Les chutes, les copeaux d’un poème,

    Des mots restés dans un brouillon, venus pourtant

    A cause d’un paysage qu’on a parcouru

    Ou pour tenir compagnie

    A des dessins qu’on t’envoie, non aboutis.

     

    Des mots dont on a pensé

    Qu’ils ne pouvaient pas

    Se constituer en poème et pourtant les voilà

    En forme de dizain pour faire semblant d’en être un

    **

    A force de vouloir être dans un brouillon d’écriture

    Plutôt que d’arriver dans un poème bien foutu

    (Oui, le mot qui convient : si grande jouissance de l’avoir écrit

    Si même dans un peu d’inquiétude)

    A force de mal dessiner exprès, et de jeter comme au hasard

    De la couleur sur un papier

     

    Si quand même voilà pas

    Un vrai poème à te proposer, lecteur

    Avec un vrai dessin qui le tient ? »

     

     

    James Sacré

    Et parier que dedans se donne aussi la beauté

    Dessins de Guy Calamusa

    Coll. Territoires

    Æncrages & Co

    http://aencrages.free.fr/rub/fiche/territoires3.htm

  • Pierre Bergounioux, Jean-Michel Marchetti, «Possibles»

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    « C’est sans discussion possible, un bois de feuillus aux troncs noueux, tourmentés, des charmes par exemple, tôt le matin, à la mi octobre. La nuit a été froide. Le brouillard masque la lisière et, par contraste, noircit tout. Il n’a pas gelé. Les feuilles ne sont pas encore tombées. Dans quelques jours seulement.

    Ce qu’on fait là reste un mystère. Rien de grave, de tragique ne nous a entraînés dans cette sombre colonnade. Si tel était le cas, on ne verrait rien. On fuirait, terrifié, ou bien on chercherait, affolé, quelqu’un ou quelque chose et on n’aurait pas une pensée pour les charmes, la brume, le déclin d’octobre.

    La peinture nous rappelle que le monde excède la vision pauvrette, l’idée simplette dont on s’accommode ordinairement. Elle nous réveille du songe étriqué que nous prenions pour la réalité. »

     

    Pierre Bergounioux

    Possibles

    Peintures de Jean-Michel Marchetti

    Coll. Voix de chants

    Æncrages & Co, 2018

    http://aencrages.free.fr/rub/fiche/38.htm

  • Yaël Cange, « J’ai regret de vous »

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    « N’en peux plus de cette douleur, comprenez. Trop longtemps que ça dure.
    Demain j’écrirai une lettre…
    Faudra trouver les mots oui. Serais-je sans le savoir ? Je le pourrai. Le peux. Bien qu’à certains moments, ils me quittent. Bon. Pas de mal à espérer. Mais pour qui ces mots ? : des histoires de douleur — y en a t-il qu’on puisse entendre ? Ainsi — de celles-là : qui font crier le fond jusqu’à la gorge : “De grâce, de grâce, vous ! Par bonté, soutenez-moi.” Quand ce n’est pas que j’espère — j’implore, voyez. Dans tous les cas — c’est tant que je peux. Et puis je sais maintenant : ce n’est pas trop endurer ce que vous êtes. À voir jusqu’où — corps — pèse lourd sur moi, force m’est de supporter. Le faut pourtant. Vite. Vite. Avant que s’humilie, sinon la voix — du moins, le ferveur sauvage.

    *

    “Soutenez-moi” je disais. L’ai-je vraiment cru possible ? N’était-ce pas, plutôt, penser sans la parole, le geste : ce qu’il leur faudrait, à eux aussi — de peines ravagées.

    Ô vous ! Préparez-moi — à affronter en l’être — le désert terrassant qu’amour ne laissa pas d’exercer.

    Préparez-moi à l’affront devenu — avouable.

    Préparez-moi. 

    *

    Misère de tout ! Pour autant que je rêve — n’en demeure pas moins vrai — qu’anges — parfois, s’ils semblent éclairer, se prennent eux-mêmes — à leur propre déperdition.

     

    Que s’achève, en ce cas — cette manière de désastre que je suis — serait chose peu concevable.

     

    Force m’est seulement de supporter jusqu’où le cœur me bat. »

     

    Yaël Cange

    J’ai regret de vous

    Dessins de Robert Groborne

    Préface de Claude Louis-Combet

    Coll. Écri(peind)re, Æncrages & Co., 2012

    http://www.aencrages.com/

  • Rose Ausländer, « Été aveugle »

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    « Enfance I

     

    Il y a de cela bien des anniversaires

    du temps où nos parents

    autorisaient les anges

    à dormir dans nos petits lits —

    oh oui mes chéris

    la vie alors était douce

     

    Le moindre recoin

    cachait un miracle :

    forêt de lutins montagne en massepain

    éventail dans lequel le ciel

    était rangé plié

     

    Oh oui mes chéris

    nous avions alors beaucoup d’amis

    Riches nous pouvions nous permettre

    de faire don d’une étoile

    d’une île

    ou même d’un ange

     

    Il y a de cela bien des anniversaires

    quand la terre était encore ronde

    (pas anguleuse comme maintenant)

    nous tournions autour

    sur des patins à roulettes

    d’un seul élan

    sans reprendre souffle

     

    Oh oui mes chéris

    au pays d’il-était-une-fois

    la vie alors était douce

     

    Nos parents s’envolaient avec nous

    dans l’éventail étoilé

    nous offraient des billets pour le pays des délices

    et nous encourageaient

    à faire don du monde »

     

    Rose Ausländer

    Blinder Sommer / Été Aveugle

    avec 3 gravures de Dadao

    Traduit de l’allemand (bilingue) et présenté par Dominique Venard

    Æncrages & co., 2010 (édition originale 1965)

  • Rose Ausländer, « Cercles »

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    © Ullstein

     

    « Échanger des serments

     

    Que ne cesse jamais

    le troublant bonheur

    d’attraper des ombres

    des mots

     

    Retenus par des aimants

    à la terre en rotation

    sel et feu dans le sang

    échangeant des serments

     

    En consolation

    le souvenir de l’avenir

     

    Quand ne cesse de grandir

    l’épine dans le cœur

    qui envoûte la rose

     

    Fuir

    dans l’ultime recoin du cœur

    nulle mort ne nous surprendra

    échanger des serments

    supporter

    l’étreinte de l’ombre »

     

    Rose Ausländer

    Kreisen / Cercles

    Traduit de l’allemand et présenté par Dominique Venard

    Bilingue

    Images de Marfa Indoukaeva

    Coll. Voix de chants, Æncrages & Co, 2005, 2010

  • Françoise Ascal, « Des voix dans l’obscur »

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    « non

    pas de “belles histoires” à raconter les histoires ça vole dans l’air on les capte d’une main joueuse je ne sais pas jouer je n’ai pas de let à histoires juste du l à coudre utile pour les plaies coudre et recoudre ce qui bée une spécialité en quelque sorte réparer recoller rastoler ravauder avec plus ou moins de succès paroles qui tombent et se cassent dans le vide murs qui se fendent toits qui s’écroulent draps qui se déchirent peau qui se fane veines qui éclatent c’est mon lot je pose des mots-sutures sur ce qui souffre c’est une addiction comme une autre

     

    peut-être est-ce mon corps troué que je cherche à rejoindre dans la moindre faille

    glisser la langue entre les molécules disjointes mâcher les noms perdus sucer le rien saliver

    lèvres closes cimenter l’absence

     

    peut-être est-ce vous qui m’appelez vous qui n’êtes plus

    vous qui avez fui sans légendes à hisser dans les livres »

     

    Françoise Ascal

    Des voix dans l’obscur

    5 dessins de Gérard Titus-Carmel

    coll. écri(peind)re, Æncrages & Co, 2015

  • Françoise Ascal, « Lignées »

     

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    « Ce que je sais, tout le monde le sait. Je ne sais rien que je serais seule à savoir. Et tout ce que j’ai appris je le savais déjà. J’en arrive à douter d’exister. J’en arrive à ne plus savoir si un moi est possible. Si  quelque chose à soi est possible. Dans la foule je vous regarde et me reconnais. À des milliers d’exemplaires. Visages d’argile commune. Regards qu’on pourrait croire uniques. Vous-mêmes, sentez-vous parfois votre crâne devenir un lieu de traverse, un corridor ouvert à tous vents, un hall fourmillant, tandis que vos pas sur le sol ne laissent aucune trace, votre chair aucune ombre ? »

     

     

    Françoise Ascal

    Lignées

    Dessins de Gérard Titus-Carmel

    Æncrages & co. , coll. Écri(peind)re

    http://www.aencrages.com/