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dominique preschez

  • Dominique Preschez, « Un matin, l’autre »

    Les Inédits du Malentendu, volume 3.

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                                                                                           pour Claude et Sophie Chambard

                        

    … repères     ciels en pinceaux

         d’oiseaux     sans couleur autre

    qu’infime or                   montgolfière

                                                   au levant   continues

    ses narines             au vent         caressent

                                    l’ambre des algues

                       en dépôt de la nuit

    sur toute rive ronde…

     

     

     

     

    … les bois en veille     bandent

                                   l’effigie des solistes     cotonnée

    aux pollens roulés             en tierces

                                                       cordes ou résonances

    quel orchestre ?

                                sous la hêtraie du vent...

     

    _____________________________________________________________

     

     

    … attente       à l’air sec        du parquet

                                                            disjoint le souffle étouffé

       un enfant marche sur les mains

                                              liées à la pression

                         au vide noir s’incline

                                            où trait de lune   sauve

                         l’instant du sacrifice…

     

     

     

     

     

    … dans le bas du jardin chaud

                             frisé par la fontaine

    l’arbre à glycines

                 grimpe au parquet de lune

                               un funambule étoilé

    en blanc de laine

                               il a talqué ses mains…

     

    _____________________________________________________________

     

     

    … quelle prévoyance d’ailes

                                        amantes en secret

    ô, tournis !                             sous l’ombrage

         exhalent                                      une écurie haletante

                     son musc de corne

    près   des   paupières                                      retournées…

     

     

     

     

     

    … en poussière       les silences

                             de l’air                mesurent

    l’horloge de verre       célèbre

                           seconde à la seconde

    près                                       l’illusion du temps…

     

     

     

    Dominique Preschez

    Jardin de sommeil (extrait)

  • Dominique Preschez, « L’enfant nu »

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    DR

     

     

    « Qu’y-a-t-il de plus beau, quand on commence un chant qui se termine, que de louer un enfant perdu à la chair si brune, et son ami dont la hauteur introduit un sens dans l’homme ! Seulement des larmes… Tu ne seras plus longtemps amant. Ô mortelle lassitude, sur les chemins aimés les âmes te suivront et au plus profond de toutes nos prières, à toi d’offrir le sacrifice — terre froide et aveugle ! Mon enfant, tu te détournes de moi. Tu me fuis le long des jours et le long des nuits. Ta pensée joue le mannequin.

    Je sens mon regard rendormir dans la mort la mémoire d’un enfant qui n’est plus.

    Le doux repos, ton corps l’effacera.

     —————————————————————

    Souviens-toi des roses noires sur le front de l’enfant relâchant le bouquet des draps — son empreinte de neige sous la paupière close —, l’œil muré faisant reculer l’horizon au creux du matin — sa perte, ta douleur et tes pleurs — comme un vaste filet jeté par le pêcheur sur un lit placé bien bas…

    C’est l’heure à présent où mes prunelles amères ont l’inflexion de sa voix, ainsi qu’une pierre invincible où loge le vers.

    Il agonise crucifié comme cette fin d’été sous un ciel de novembre. Le voici nu et blanc dans le cercle des tombes, sous les arbres d’un chemin penché sur l’hôpital, dépouillé de corps à l’heure où finit son absence. La fin vient sur toi au détour de l’allée et

    “…moins fort que moi, tu absous…”

     ——————————————————————

    L’amant de la mort est exempt d’ambition mauvaise ; il se met à l’abri des parleurs, attend le couteau sur la gorge. Or la peur est là, qui lui dit : “Tout le monde en fait autant.”

    Voyant alors des arbres dans la rivière, il y jette sa vie, et le ciel se recouvre soudain de nuages en blocs de neige où meurent les oiseaux. »

     

    Dominique Preschez

    L’enfant nu

    Précédé de Pourquoi cette douleur par Mathieu Bénézet

    Seghers, 1981

  • Dominique Preschez, « Vers le soir »

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    À quelle heure t’ai-je écrit vers le soir ?

    « Quand par la baie pulvérisée toute d’eau, une brume en tufeau de mouettes lasses resserrait l’horizon devers la Manche d’or à la colonne de ses lampes — fanal de première enfance et chapiteau de triangles ouvrant sur la maison —, encore qu’il fût tard pour me mentir l’abandon, mâchant pesamment les bœufs (blancs) aux pas cassés des guérets entretenaient un vertige de cette boucherie d’élans en halètement du soir et les moucherons, veufs aussi, mêmement voués au charme suicidaire des menthes en peine, j’ai prié la nuit de me tuer au matin, parce que sans toi j’ai peur, de la mort. »

     

     

    « Pourquoi la mort, si fort ? » ai-je tracé de buée tiède encore d’une communion à l’aube des foins de fille au dos de la maison, sur une ardoise atteinte ; palimpseste et marelle pour savoir, ce qui fut de nos jeux solitaires…

    Et, m’étant livré à pareille ascension, sans plus de nos magnoliers bleus près le club des sacrifices, je me suis prémuni contre ce vide de l’âtre, m’évitant un crime, où tu vis Mallarmé paraître lent, un peu, au long d’une échelle dressée qui me fit préférer l’écriture à l’astre sans homme. Tapi au recoin d’un corps de pierre à l’odeur de maman, où bombille l’essaim d’insectes qui piquent, j’ai imploré, quel diable de première famille ? pour tout en vie, me mourir…

     

     

    « T’entendrai-je frapper à la porte de cuir ? » Dans la chambre malade depuis que tu n’es plus, à la mesure des vins — sexe ballant, remugle de linceul —, je répugne au pacte de l’amour perdu.

     

     

    Et seul un homme seul s’habille vers le soir pour aller sur la route…

     

     Dominique Preschez

    Vers le soir

    à Passage, coll. « Les Galées », 1983