mardi, 28 avril 2020
Claude Margat, « Chant de l’arbre d’or »
© : les Yeux d'Izo
« Un jour
la bouche a nommé
brume qui jamais ne se lève
l’appui sans parole
le souffle sans image
combien de jours avant
combien ?
Il y eut ensuite
cet autre jour
millénaire de désirs et de peine
entre ciel et sentier
l’herbe gelée sous un vent blanc
et dans les yeux
de longues histoires d’aveugles
Ailleurs
un azur impeccable
laissait suinter sang et sable
présent passé qu’importe
mur de soie ou feuillage d’or
si s’interrompait le murmure des choses
qui en retrouverait la mélodie ?
Le regard va
un autre au sein du même attend
présence de chose
remplace la chose
mais n’en fait rien
Le tourbillon de vent
qui porte l’âme
et fait voler à l’angle du vieux mur
les feuilles mortes
est comme aujourd’hui
celui qui tourne
dans le creux de ta main
il parle
mais qui l’écoute ?
On dit en effet qu’un jour parfois
le temps cesse d’aller
mais est-ce d’aller qu’il cesse
ou de venir
le temps ?
Dans l’âtre tout à coup
le feu s’emballe
au cœur du brasier apparaît
la caverne où naquit
l’immaculé Phénix
chaque mot comme un nuage
avance entre son ombre et son contraire
chaque vivant
vers sa propre absence
Tout au loin
tout au fond de
l’hermétique mémoire s’affranchit
l’écume de la vague où
le rocher commence
à se pencher vers le caillou
l’arbre vers l’air
le ciel vers la terre
la pensée vers son propre suspend
On sait bien qu’il vient de loin
le puissant appel
on sait qu’il vient d’avant
comme un grand vent d’espace et
qu’à l’endroit où l’élan s’épuise et
fait retour sur lui-même
bat le temps juste
le temps qui anime l’aile et porte
la lumière où rien
jamais
n’est encore joué. »
Claude Margat
En marge d’une vie
Préface de Bernard Noël
L’Atelier du Grand Tétras, 2016
en prime, le film consacré à Claude par les yeux d’Izo :
https://www.youtube.com/watch?time_continue=8&v=KM1MODCix2A&feature=emb_logo
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jeudi, 09 mars 2017
Claude Margat, « En marge d’une vie »
DR
« La tradition allègue en Chine que Cang Jie l’ancêtre mythique inventa le langage des caractères entre deux mouvements de la tête. Premièrement, il considéra les traces laissées par les pattes des oiseaux dans l’argile, puis il leva les yeux vers le ciel et aperçut les premières constellations. Abaissant son regard à nouveau, il relia les deux espaces. Ce double mouvement désigne de la façon la plus explicite le chemin de la relation. L’image du mythe est assez belle, mais elle ne dit rien de l’intuition qui conduisit le génial inventeur de l’écriture à coudre deux espaces aussi différents sur le même ourlet de sens. Or, la mise en relation de deux éléments distincts d’une même réalité suppose au minimum l’existence d’un pré-langage, d’une pré-pensée suffisamment riche déjà pour pouvoir produire une formulation capable d’ordonner les signes, de les installer dans un discours, une logique, un fonctionnement. C’est vers ce moment de synthèse qu'il faut se tourner quand on souhaite aborder le comment de la langue. Et il fait sacrément noir dans cette région de la pensée !
Un corps de langue se constitue peu à peu. C’est un corps d’air dont la seule visibilité s’étale en signes séparés par des blancs. L’ombre noire des signes se forme au cours de silencieux et terribles affrontements. À la surface du corps de langue flotte tout le mobilier brisé des univers définitifs.
Nécessaire le transfert, et toujours efficace, mais sans une ombre de concession et pas plus de compassion. Car on en est le bénéficiaire un jour, mais c’est pour en devenir l’esclave demain. Sur la page colorée du monde, nous sommes prestement invités à signer le décret de notre propre anéantissement. Nous est seulement offert ce que nous nous montrons capables de saisir dans l’incessant passage de la présence à l’absence. »
Claude Margat
En marge d’une vie
Avec 9 peintures de l’artiste
Préface de Bernard Noël
L’Atelier du Grand Tétras, 2016
19:13 Publié dans Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : claude margat, en marge d'une vie, bernard noël, l'atelier du grand tétras