UA-62381023-1

Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

gérad haller

  • Gérard Haller, « L’ange nu »

     

    kupka.jpg

    « c’est comme un jeu. Voici. Le sexe au centre

     exact de l’image, la trouant on dirait

    ou l’ouvrant sur sa propre béance dessous,

    intouchable, et tous les corps autour à toucher.

    Nus oui : à même la toile nue de l’image

    ici ensemble éclosant. Étoiles, étoiles

    et fleurs oui. Elle debout nue au beau milieu

    de la prairie comme ça et toutes les fleurs

    autour et l’herbe innombrable et le lait

    depuis toujours répandu de la lumière.

    C’est pour toi elle dit. Et le rose aux joues

    et les lèvres rouge sang. Regarde. La chair

    à vif bleue jaune rouge du vieux masque peint

    pour l’amour et la crinière violacée de Méduse,

    regarde, les serpents oui, et le lit de neige

    là-bas séchant au soleil et le ciel au-dessus

    déclos noircissant déjà. C’est pour nous

    elle dit ça serait pour nous maintenant

    si tu veux

     

    elle attend. On ne sait pas. Le geste, le mot

    qui ferait tout recommencer

     

    tu veux ?

     

    elle demande. Répétant devant moi le geste

    d’Émy là-bas pour me montrer. C’était l’été

    je me souviens c’était dans le même pré déjà,

    lumineux, le même nid dedans la lumière,

    et elle s’est mise nue, c’est pour toi elle a dit

    déjà et elle a penché la tête un peu aussi

    comme ça et pris ma main je me souviens

    mes doigts dans sa main et m’a fait toucher.

    Tu veux ? Elle m’a montré. C’est là le trou

    dedans intouchable qui fait venir tout

    dehors. J’avais peur. C’était la première fois.

    Elle riait. Regarde elle a dit c’est là le bord

    pour nous du ciel

     

    tout ce qu’il y a / c’est tout ce qu’il y a / là

    et pas là / noir elle dit vide dessous sans

    fin puis lumière et retour / vie et mort / corps oui

    finis / passant seulement / suspendus ainsi

    ensemble ici au bord du noir / c’est ça qui est

    beau elle dit

    ce cœur au bord

     

    être là c’est tout / mains yeux lèvres et tout ça

    se confiant comme ça tout l’amour

     

    tu veux ? C’est maintenant si tu veux »

     

    Gérard 1[1]_face0.jpg Gérard Haller

     L’ange nu

     Édition Solitude, 2012

     

    Cette page est dédiée à Sophie pour son anniversaire.

     

    Merci à Isabelle pour la photo de Gérard.

     

    La peinture est de František Kupka, La petite fille au ballon, 1908,

    Centre Pompidou, Musée national d’art moderne