mardi, 01 septembre 2020
Gérard Haller, « Menschen »
Les Inédits du Malentendu, volume 8.
semblable maintenant d’un bord à l’autre
de la terre on dirait l’image se clôt
et l’image se déclôt qui nous tenait
ensemble et c’est comme si tout de nouveau
me quittait. Le visage autrefois du dieu
mort que tu étais. Comme s’il revenait
mourir sous mes yeux
regarde
irressemblant maintenant vide l’enclos
là-bas lumineux de ta voix
tout le heim autrefois. Regarde. Gisant
nu de part et d’autre du grillage ici
qui le défigure et les traces partout
du sang sur l’herbe et les rails et le linceul
bleu du fleuve au loin miroitant sous le bleu
incicatrisable du ciel oh et tout
le ciel comme ça lèvre contre lèvre
de nouveau qui s’ouvre et les larmes dans nous
sans mer à la fin où retourner
Gérard Haller
Inédit, extrait de Menschen
à paraître aux éditions Galilée le 17 septembre 2020
http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=3534
on pourra regarder cette lecture de Nous qui nous apparaissons de et par Gérard Haller sur le site « Philosopher au présent » ttps://www.youtube.com/watch?v=3ftmFUkUns8
Gérard Haller est un auteur rare, qui compte infiniment pour moi, dont j’attends chaque livre avec une vertueuse et tremblante patience depuis Météoriques (Seghers) en 2001, en passant par all/ein, Fini mère, Le grand unique sentiment (Galilée) etc. Dans quelques jours celui-ci, Menschen, sera sur nos tables, nul doute qu’il éclairera avec quelques rares autres – ceux d'Isabelle Baladine Howald, Fragments du discontinu (Isabelle Sauvage), Pascal Quignard, L'Homme aux trois lettres (Grasset), Camille de Toledo, Thésée, sa vie nouvelle (Verdier), pour n'en citer que trois essentiels – cet été qui se termine & cet automne qui commence.
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dimanche, 10 mai 2020
Gérard Haller, « all / ein »
DR
« […]
nuit / 21
allein
allein
[TU APPELLES]
TOI : tu es là / MOI : oui
[TEMPS]
c’est comme la mer
on veut y retourner on appelle on appelle on voudrait faire que c’est fini le séparé mais non
c’est parce que la mer aussi est vide
dedans que tout vient dehors
nuit /22
c’est parce que la mer aussi sans fin se vide
là-bas qu’il y a tout ce va-et-vient ici
des corps et tout tu sais c’est de la poésie
tout ça mais quand même c’est pas rien c’est pas rien
ce reste de peuple ainsi que nous sommes non
ça doit bien faire quelque chose comme un peuple
encore d’être comme ça tenus ensemble
par rien d’autre que les autres non je veux dire
tous ces corps ici devant la mer là oui bleue
ces mouettes là voilà qui rient comme ça
bêtement oui qui crient toujours comme un qui vient
de perdre père et mère [ah les mères les mères ]
et l’air autour sur quoi elles passent leur temps
oh / et l’eau dessous qui les attend voilà qui
leur tend les bras on dirait ça fait quelque chose
non que tout ça se touche comme ça ici
exposé bord à bord / oh / peaux / oh / et os eaux
air écume embruns vents marées matière quoi
du début à la fin / ô / infini éclat
de matière tout ça à chaque peau chaque grain
de peau et chaque de poussière je dis in
ouï corps à corps tout ça de la matière oui
le plus pauvre galet aussi bien cette moule
là cette capote cette vieille bouteille (vide
tu penses bien) et cette vague au loin ces seins
de lait ce lit ce bateau ce bout de papier
à lettres (tiens tiens encore un des ces robin
son là-bas sur son lit de pluie) et cette vieille
sèche à encre et ces vers blancs dedans toujours prêts
à tout décomposer oui c’est comme ça oui
qu’il y a quelque chose comme la poé
sie
nuit / 23
allein
allein
la nuit chaque nuit les mots du dehors et les mots du dedans se joignent dans toi et disjoignent tu dis et comme ça sans fin t’abandonnent toi aussi au battement de tout
oui tu sais c’est comme ça
nuit / 24
chaque nuit tu dis ça revient
les mots d’avant te manquer
komm
viens
komm
komm jetzt
c’est fini
komm / geh
c’est fini
geh jetzt
geh
va
allez
ça va aller
oui tu sais c’est comme ça
c’est pour appeler
c’est tout c’est parce que les mots aussi sont coupés de tout qu’il faut répéter l’appel »
Gérard Haller
all / ein
Galilée, 2003
http://www.editions-galilee.fr/f/index.php?sp=liv&livre_id=2870
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lundi, 07 mai 2018
Gérard Haller, « mbo »
DR
« […]
et la girafe zarafa et
la bête aux joues rouges de zara-
thoustra
oh et la chatte qui a vu jacques
derrida la voir le voir tout nu
oui tout chose d’être regardé
comme une bête lui aussi et
son chéri hérisson
vois : divin et pas / tout le méli-
mélo des corps oui tout l’innommé
peuple depuis toujours qui vient / es-
pèce par espèce et genres fa-
milles sous-familles et tout ce qui
s’ensuit et toujours de nouveau re-
lance tous les souffles
vois mbo : tous les animaux ici
avec nous qui s’essouflent et multi-
plient comme ça le ciel
tout ce qui vit tout ce qui a peur
la nuit et meugle miaule ulule
hurle brait brâme etc. et
appelle
mowgli tu te souviens et le mo-
queur des savanes et tout ça
le solitaire et le ver de terre
le ver luisant et le ver à soie né
bombyx mori et le nécrophore
fossoyeur
le lamie tisserand de son vrai
nom lamia textor
le messager sagittaire dit
le serpentaire dit le secré-
taire des serpents et l’oiseau maître
ès ritournelles des forêts plu-
vieuses d’australie dit sceno-
poïetes
[…] »
Un autre extrait ici : http://poezibao.typepad.com/poezibao/2018/04/anthologie-p...
Gérard Haller
mbo
Harpo &, 2018
http://editionsharpo.blogg.org/
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mardi, 30 janvier 2018
Gérard Haller, « Le grand unique sentiment »
Rembrandt, La Lutte de Jacob avec l'ange, 1659
Staatliche Museen, Gemäldegalerie, Berlin
« mains bras ailes
oh ailes
visage nu de l’un face au nu
de l’autre comme ça qui se présentent
ensemble le vide d’avant et l’intime
infini.
Le lointain : qui le font désirable
komm tu dis
c’est chaque nuit.
Nous nous prenons dans les yeux les larmes
plus loin nous nous implorons komm
prends-moi etc. et c’est chaque fois
comme si c'était la première nuit
sur la terre de nouveau comme
si c’était nous là-bas les deux
tombés nus du ciel et tu es là
je suis là tu dis regarde et tout
recommence
visage de l’un face à l’autre
dedans plus loin qui appellent
encore et encore
qui demandent la lumière
et tu me fais avancer dans toi
au bord et tu prends ma tête
comme ça dans ta main
et tu la poses sur ton sein
et tu dis mon nom
komm tu dis
et je suis toi de nouveau
dans le nu de ta voix
là-bas sans moi
et je ferme les yeux
[TEMPS]
tout le temps de l’étreinte
comme si c’était pour entendre
seulement ça qui appelle dedans
nous sans nom sans voix.
Nu seulement plus nu encore
et soudain c’est toi »
Gérard Haller
Le grand unique sentiment
Coll. « Lignes fictives », Galilée, 2018
17:53 Publié dans Anniversaires, Écrivains, Édition | Lien permanent | Tags : gérard haller, le grand unique sentiment, lignes fictives, galilée