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  • Pascal Quignard, « Je suis simplement… extrait de L’image manquante »

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    « Je suis simplement un homme qui a beaucoup lu, un lettré ou, mieux encore, un littéraire, c’est-à-dire un homme qui apprend sans cesse à écrire ses lettres, à les déchiffrer, à les transposer, qui ne cesse de poursuivre cet apprentissage, qui aime follement lire, étudier, traduire, retraduire, écrire.

    C’est ainsi qu’il y a un apprendre qui ne rencontre jamais le connaître – et qui est infini.

    Cet infini est ma vie. »

     

    Pascal Quignard

    « L’image manquante »

    in Sur l’image qui manque à nos jours

    Arléa, 2014

  • Jean Clair, « Lire, écrire »

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    DR

     

    « […]

    Autrefois, je lisais pour ralentir mes impatiences, la lecture était capricieuse. Lire aujourd’hui réchauffe un froid intérieur et elle exige temps et continuité.

     

    On ne lit pas en fait, on relit — comme l’enfant qui demandait qu’on lui redît le même conte pour vérifier que les personnages étaient toujours là, les mêmes visages, confrontés aux mêmes périls, et prononçant, page après page, les mêmes choses. On constatait alors que les adultes sont des gens en qui l’on peut croire. Mais on relit, devenu adulte, à son tour, pour retrouver les émotions anciennes et les moments perdus.

    […]

     

    L’obsession de relire qui s’est installée en moi n’est en réalité que la morsure adoucie, devant la peur de la mort, de la nécessité d’écrire, son substitut inoffensif, un placebo aimable. On relit pour vérifier que ce que l’on a lu autrefois était toujours là.

    Mais on écrit pour vérifier que ce que l’on a vécu jadis a bien été vécu. L ‘angoisse est tout autre.

    […]

     

    Écrire, comme on lit, pour échapper au temps et oublier la lourdeur des choses mais, en même temps, s’assurer de la présence du temps.

    Répéter. Relire. Reprendre. Recommencer. Rabâcher. Radoter. Retomber en enfance. Les enfants répètent leur ritournelle pour occuper le temps, et les vieillards se répètent pour tromper le temps.

    Retour à l’école, soixante après que j’en suis sorti.

    […]

     

    En lisant, en écrivant : Julien Gracq omet le troisième commandement de la Loi invisible inscrite autrefois au fronton des écoles : “compter”.

    Compter, pour mesurer désormais le temps qui reste. Chaque page numérotée fait du livre un sablier dont les mots sont le grain. Nul temps n’est plus compté que celui employé à lire, et nul temps n’est, dans le même temps, aussi libéré du temps que le temps de la lecture. C’est le charme de la comptine qui est à la fois conte et décompte, dans le seul et même plaisir de lire sans mesurer les heures.

    […]

     

    Il y a des auteurs, me dit cet ami, qui sont faits pour être relus, et non pas pour être lus.

    Il faut cependant qu’il y ait une première fois… Le lecteur qui aime relire devient alors le compagnon privilégié de celui qui écrit non pour être lu mais pour être relu. »

     

    Jean Clair

    Les derniers jours

    Gallimard, 2013