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  • Liliane Giraudon, « Fonction Meyerhold »

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    © Marc-Antoine Serra

     

    « que bois-tu que fumes-tu

    mangez-vous du caviar     des aubergines

    j’ai épluché pour toi une orange

               appelée sanguine les tranches

    je les ai disposées sur une petite

               soucoupe blanche

     

              ça te rafraîchira »

     

    Liliane Giraudon

    Le travail de la viande

    P.O.L, 2019

    http://www.pol-editeur.com/index.php?spec=livre&ISBN=978-2-8180-4796-5

  • John Ashbery, « En flânant »

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    DR

     

    « Quel nom ai-je pour toi ?

    Certainement il n’y a pas de nom pour toi

    Dans le sens où les étoiles ont un nom

    Qui leur va plus ou moins. En flânant,

     

    Objet de curiosité pour quelques-uns,

    Mais tu es trop préoccupé

    Par la macule secrète dans le dos de ton âme

    Pour dire beaucoup, et tu vagues

     

    Souriant à toi-même et aux autres.

    C’est décourageant d’être du genre solitaire

    Mais en même temps déconcertant,

    Improductif, quand tu te rends compte une fois de plus

     

    Que le plus long chemin est le plus efficace,

    Celui qui s’enroulerait parmi les îles, et

    Tu semblais toujours voyager dans un cercle.

    Maintenant que la fin est proche

     

    Les segments du voyage restent ouverts comme une orange.

    Il y a de la lumière là-dedans, et du mystère, et de la nourriture.

    Viens voir. Ne viens pas pour moi mais pour cela.

    Mais si je suis encore ici, permets que nous puissions nous voir l’un l’autre. »

     

    John Ashbery

    Quelqu’un que vous avez déjà vu

    Traduit de l’américain par Pierre Martory et Anne Talvaz

    P.O.L, 1992

  • Patrick Varetz, « Petite vie »

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    DR

     

    « Écrire relève du cauchemar, puisqu’il nous faut sans cesse retourner au point de départ, lui pour se racler le crâne, et moi – serrant les doigts et les dents – pour retranscrire des phrases que je connais par cœur. Les mot, à force d’être répétés, acquièrent des sonorités fantasques, pour ne rien dire d’une opacité inquiétante qui achève de les désunir. Daniel, mon pauvre père, remue les lèvres sans parvenir à rassembler ses esprits, pointant du doigt – dès qu’il le peut – mon manque d’attention. Il a beau aligner les propositions les unes derrière les autres, tout cela ne tient pas. Le souffle qui traditionnellement lui manque, à chaque effort ou irritation soudaine, lui fait également défaut en matière de style. Proprement désorienté, il est incapable de se projeter au-delà de la dernière syllabe qu’il vient de prononcer. Le vocabulaire inoffensif, qu’il se contraint pour cette fois à employer, ne possède pas – il le déplore – la vigueur de l’invective dont il est coutumier. À défaut de me laisser recopier en l’état la dernière version à laquelle nous venons d’aboutir, il lui faut retravailler – jusqu’à l’obsession – la chute dont il entend parachever notre chef-d’œuvre. Régulièrement, j’interroge la minuscule horloge en formica, accrochée au-dessus de ma tête, priant pour que le temps ait secrètement précipité la rotation de ses aiguilles. Violette, ma mère – la cigarette au bec –, se résout enfin à poser deux assiettes vides sur un coin de table, mais il n’entre pas dans les vues de mon père de nous accorder la poindre pause. Impuissant à trouver le repos, il avale son vin débout, et – en tirant lui aussi sur une Gauloise – s’empresse de se resservir. La bouche noircie, le visage exsangue, il paraît brûler d’une rage froide qui exclut toute forme de compromission. »

     

    Patrick Varetz

    Petite vie

    P.O.L, 2015