Kiril Kadiiski, « Nouveaux sonnets »
Le Graal
à Jacques Chessex
« Des lambeaux de brume pendent aux branches,
comme si des anges avaient fui à travers ces bois
dénudés… pour se sauver… mais de qui ?
Le monde n’est-il pas à nouveau ressuscité ?
Est-ce un immense soleil qu’on voit flamber entre les ramures des cerfs aux abois,
ou serait-ce le Graal retrouvé (enfin ! et par toi !)…
Que ne pouvait-il illuminer nos âmes réputées immortelles,
comme il réchauffe à présent nos corps toujours plus morts.
Ô mur de crânes mouillés liés d’un mortier d’écume,
le temps lui-même ne saurait le franchir,
puisqu’il gît encore ici, dans la prison de la vie…
Et dans l’épaisse forêt, éclairée par le soleil d’un jaune gazouillis,
la rivière charrie des blocs de glace — dalles funèbres renversées
d’innombrables vérités mortes et de mensonges ressuscités. »
Kiril Kadiiski
Nouveaux sonnets
traduits du bulgare par Sylvia Wagenstein
peintures Nikolaï Panayotov
L’Escampette, 2006
Sixième page pour fêter les 20 ans de L’Escampette